Si...

Chapitre 44

Jared.

Juillet, il y a trois ans.

À peine seize heures et j'en suis déjà à ma troisième bière de la journée.

Une routine.

Une mauvaise habitude.

Ça dépend le point de vue.

Selon mi mamá, une mauvaise habitude que je devrais arrêter. Car plus je bois et plus elle est triste.

Selon moi, une solution à tous mes problèmes, le seul remède qui me maintient encore debout, qui me permet de regarder mon reflet dans la glace sans me donner envie de vomir.

Chaque jour, depuis plus de quatre mois, je mens à Kiara, je ne suis pas tout à fait honnête envers Alison.

Je me suis perdu dans mon mensonge et je n'arrive plus à distinguer le bien du mal, le vrai du faux.

Si Kiara pense que je me suis séparé d'Alison, cette dernière est persuadée que je ne côtoie Kiara uniquement dans le cadre de notre projet final. Dans les deux cas, c'est un mensonge.

Je ne me suis pas séparé d'Alison.

Je continue de côtoyer Kiara bien au-delà de notre devoir commun.

Et aujourd'hui que celui-ci est rendu et de surcroît validé avec une excellente mention, je suis... dans la merde.

J'arrivais à faire perdurer la supercherie, à tenir le mensonge tant que nous étions au lycée et que Ludy m'aidait à sauver les apparences. Car j'ai fini par mettre Ludmylah dans la confidence dans un élan de désespoir, désespéré qu'elle me sauve de mes tromperies. Pour moi. Pour elle. Et pour Kiara surtout.

Une fois mes confidences teintées de peurs dévoilées, Ludmylah, contaminée par mes propres appréhensions, est redevenue l'amie que j'avais perdue.

Sa présence me fait un bien fou. À deux, c'est plus facile de porter le poids de mes choix désastreux, d'effacer les traces de mes actes de trahison, d'apaiser la culpabilité qui se noie dans l'amour illégitime que je porte envers Kiara, celui-là même qui infecte le cœur d'Alison, que je me suis pourtant promis de ne jamais faire souffrir et de ne jamais abîmer, encore plus qu'il ne l'est déjà.

Grâce à sa sociabilité hors du commun, Ludy n'a pas eu le moindre mal à se frayer une place au sein de mon nouveau groupe d'amis. Elle a même tissé plus de liens que je n'ai jamais réussi à en créer. La proximité qu'elle entretien avec Alyah me froisse et m'irrite mais je sais aussi que c'est pour mon plus grand bien. Ludy a réussi à endormir le démon qui se cache derrière le visage de princesse insouciante d'Alyah. Et mon instinct me dit que tant qu'elle sera endormie, alors je pourrais vivre le cœur pas trop lourd, l'esprit épargné de maux qui me pourrissent, me faisant redouter le moment fatidique où tout m'explosera à la figure.

Depuis que Ludmylah est dans la confidence, elle s'est aussi drôlement rapproché d'Alison. D'abord pour éviter le drame. Ensuite, car elle s'est tout simplement prise d'affection et d'amitié pour elle. Car derrière ses allures de divas au cœur froid, se fond un cœur chaleureux et sensible. Alison est une âme qu'il est difficile de ne pas chérir une fois qu'on en explore plus que la surface. Ludy l'a prise en peine lorsque je lui ai dévoilé à quel point Alyah était une bien piètre amie envers elle.

Et si son rapprochement avec Alison m'a dans un premier temps rassuré, il m'a brisé le cœur quand le cœur de Kiara s'est brisé en constatant que sa meilleure amie s'éloignait d'elle au profit d'une autre. Ne pouvant rien faire devant une situation dont j'étais moi-même à l'origine, je m'en suis voulu lorsque je l'ai bercé de mensonges, en lui racontant que le rapprochement nouveau entre Ludy et Alison n'était probablement que le fruit de son imagination.