03. Boulet

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ELYO

- Vu comme ça, on dirait plutôt que tu l'attends pour l'égorger.

La voix de Camilo avait retenti à travers mon oreillette, railleuse, cassant le silence ambiant, manquant presque de me faire sursauter. C'était la première fois qu'il parlait depuis un long moment.

Je me trouvais adossé contre un mur en crépis, entièrement cachée par l'ombre qui se projetait dessus, et mon supérieur m'observait grâce aux vidéos des caméras de surveillance que Finn avait réussi à raccorder aux ordinateurs de la salle informatique du quartier général. Celles de contrôle des bâtiments avaient été mises par ses soins sur des boucles vidéos des mêmes endroits, mais vides. Je supposais que Camilo recevait maintenant les images en direct dans son bureau, se foutant de ma gueule, tranquillement et confortablement installé dans son luxueux fauteuil en cuir alors que, de mon côté, je patientais debout sous les ressorts d'une climatisation qui me faisait frissonner malgré la chaleur ambiante.

Le privilégié.

J'avais cependant moi même choisi cette position inconfortable pour pouvoir attendre le nouveau le plus discrètement possible, étant installée en plein cœur du plus grand centre de bureaux de Manchester, là où se déroulerait bientôt ma première intervention-garderie. Et j'attendais.

Dans l'ombre, tel un assassin guettant sa victime, comme le disait si bien Camilo.

Et étonnamment, je n'étais franchement pas enthousiaste à l'idée de cette mission.

- Il arrive, me prévint la voix grésillante de mon supérieur. Évite de l'étrangler, tu serais sympa.

- Je ne vois pas comment je pourrais avec toi qui me surveilles, répliquai-je dans un chuchotement rageur.

Les caméras et l'oreillette - équipée d'un micro - avaient principalement été mises en place pour observer le nouveau dans ses débuts, mais je soupçonnais également Camilo de vouloir surveiller mon comportement vis-à-vis de lui. J'avais peut-être eu l'air un peu trop remontée à son encontre devant mon supérieur, ce qui jouait maintenant en ma défaveur. Je soupirai tout en décollant ma tête du mur afin qu'elle ne soit plus cachée dans l'ombre, et le vit effectivement arriver vers moi.

On inspire, on expire, on-

- Secrétaire.. fit Anderson deux en exécutant un semblant de salut militaire avec sa main, le regard mi blasé mi moqueur, mais clairement provocateur.

On tue.

- Ne pas l'étrangler, me rappela la voix de Camilo comme gardienne de ma bonne conscience.

Merci du conseil, patron.

- Boulet.. lui répondis-je pareillement avec un sourire hypocrite.

C'était la seule chose qui m'était venu à l'esprit assez rapidement pour répliquer. Les boulets, c'était handicapant, et celui-là allait clairement me gêner, en intervention comme dans la vie générale. J'allais faire de la garderie, et en plus de ça une garderie qui allait m'amener à stresser sur toutes les actions à possibles débouchés de trahison qu'il allait pouvoir faire.

J'avais eu deux jours de préparation mentale avant cette intervention durant lesquels j'avais vainement tenté d'être objective au sujet de ce nouveau, mais ma raison s'était évaporée dès que je l'avais aperçu.

J'étais désagréable et il m'énervait.

- Et c'est parti pour le dialogue du siècle, entendis-je soupirer mon supérieur alors que les yeux de mon interlocuteur me détaillaient étrangement de haut en bas.

CARELESS WITH MEWhere stories live. Discover now