19. Confessions amicales

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ELYO

Le paysage défilait à une vitesse folle au travers de la vitre, le bruit du moteur berçant mes pensées qui n'étaient tournées que sur une seule chose : mon réveil de ce matin, contre Jess, sa main sur le bas de mon dos, sa tête sur la mienne.

Depuis, j'étais d'une humeur exécrable. Ma panique de l'autre soir avait complètement biaisée mes actions et j'en étais arrivée à laisser cet enfoiré m'aider, mon cerveau ayant visiblement omis le moment où il s'était agité, me traitant de sentimentale avant de cracher sur l'une de mes plus grosse faiblesse.

Je le déteste.

Mais ce qui m'avait le plus énervée était sans conteste le fait d'avoir affreusement bien dormi.

Au réveil, j'avais repris mes esprits, laissant une tonne de questions se bousculer à l'intérieur de ma tête. Pourquoi est-ce que je ne m'étais pas reprise ? Pourquoi est-ce que je l'avais écouté ? Pourquoi est-ce que j'étais si pathétique ? Pourquoi est-ce que je lui avais encore une fois montré mes faiblesses ?

Un murmure monopolisait mon esprit concernant cette dernière réflexion, me certifiant qu'il allait utiliser ces nouvelles informations contre moi. Qu'il ne m'avait aidée que pour en avoir un meilleur aperçu.

Que j'étais franchement idiote.

Sa présence silencieuse derrière le volant, à quelques centimètres de moi, agissait comme un rappel persistant à mon erreur de la veille. Erreur qui se pavanait sous mon nez pour que je ne puisse pas l'oublier comme j'essayais vainement de le faire.

Je n'avais pas envie de repenser à ce qu'il s'était passé. Pas à ce que j'avais pu laisser faire. Pas à ce que j'avais fait.

Alors que je m'efforçais de penser à autre chose, laissant mon regard se perdre sur le paysage gris et industrialisé, le rappel se mit tout à coup à bouger, comme s'il avait sentit qu'il perdait peu à peu mon attention. Une de ses mains vint ouvrir la boîte à gants pour y attraper un paquet de gâteaux et me le tendre. Sourcils froncés, je laissai mon œil traîner sur l'emballage plastique, méfiante.

- Prends ça. T'as rien mangé ce matin.

Trop lunatique pour moi, désolée.

Ces derniers jours, j'avais l'impression d'être passée par toutes sortes d'étapes dans ma relation humaine avec ce gars : je l'avais détesté, j'avais commencé à envisager de ne plus le tuer à chacune de ses respirations, j'avais travaillé avec lui, joué avec lui, eu envie de lui. Puis, on s'était embrassés. Je l'avais encore une fois détesté, avant qu'il ne me réconforte et que je le haïsse deux fois plus qu'au départ.

Surtout à cause de moi. Parce que j'étais énervée contre moi-même et que c'était beaucoup plus facile de rediriger ma colère contre ce boulet que d'assumer mes propres erreurs. Notamment celle de m'être laissée réconforter par la personne qui m'avait insultée, moi et mes peurs, juste avant.

Ça faisait pitié.

Je faisais pitié.

Et je détestais ça.

Attrapant rageusement le paquet de gâteaux qui me faisait tout de même affreusement envie, je me laissais glisser contre le siège de la voiture. Jess avait plusieurs fois essayé d'engager une discussion ce matin, mais je l'avais toujours ignoré - quitte à mourir de faim parce qu'il avait passé son temps posté dans la cuisine. Qu'on soit tous deux enfermés dans cet habitacle et qu'il joue la carte de la sympathie n'allait rien changer à ma détermination à éviter toute altercation.

Je fuyais. Faible. Comme toujours.

Les cinq heures de route seulement troublées par le bruit de la climatisation réussirent à ébranler ma ferme certitude qu'écouter Finn parler de crises financières était la chose la plus ennuyante du monde. Lorsque les premières lueurs de Manchester se firent apercevoir au loin, un intense soulagement m'envahit en m'imaginant enfin quitter cette voiture, devenant de plus en plus vif à mesure que nous nous rapprochions du quartier général jusqu'à me combler pleinement une fois entrée sans ménagement dans le bureau de mon chef.

CARELESS WITH MEWhere stories live. Discover now