1

455 36 4
                                    

Point de vue de Max.

Le country club attenant à l'hôtel St George était - de mon point de vue - le meilleur repère pour venir prendre un verre après une journée difficile. Il y avait toujours un ami avec qui prendre un scotch, fumer un cigare ou programmer une séance de golf. Enfin bref, avec qui se détendre en parfait gentleman...

C'était également un excellent endroit où apprendre les petits ragots du gratin New Yorkais - pas que j'aime particulièrement les potins, mais quand on investie des fortunes colossales  en bourse, avoir une oreille qui traine au country club permet de découvrir qui s'entend avec qui, quels collaborateurs sont fâchés, qui arrête subitement de venir ou de partir en vacances.... Et de sentir le vent tourner.

Harry et Jack m'accompagnaient ce soir, accoudés au comptoir comme moi, les deux cousins arboraient leurs habituels sourire super-bright et jetaient un regard affuté aux alentours, cherchant quelle dinde ils allaient fourrer ce soir. Pour ma part, je ne cherchais pas. Être la plus grande fortune de New York et "le célibataire le plus en vue de Big Apple" avaient fait de moi un véritable aimant à femmes et c'était généralement elles qui me trouvaient. Néanmoins, le manège des deux cousins me divertissait.

Harry soupira brusquement : "le country n'est plus ce qu'il était... Avant où que je laissais trainer mon regard, il y avait une jolie inconnue a qui aller compter fleurette... Désormais ce sont toujours les même vieilles connaissances qui traînent..."
Jack s'esclaffe : "ça ne t'a pas empêché de draguer deux fois la même fille en quinze jours de temps"
Harry : "j'avais oublié que j'avais déjà passé une nuit avec elle... Forcément, ma tactique habituelle a moins bien marché la deuxième fois..."

Une jeune femme en jupette et polo blanc franchit la porte en bois massif. Son uniforme me permit de comprendre qu'il s'agissait d'une employée.
Une jeune fille blonde, le teint halé, des yeux très clairs, très mince avec de longues jambes déliées. Le prototype de la jeune fille idéale avec qui rêve de sortir n'importe quel jeune homme normalement constitué. Il émanait de toute sa jeune personne un air de santé, de vie au grand air et au soleil...

"- tu as vu ce petit lot?"
"- jeune, mais quel habitacle..."
Les cousins continuaient leur badinage habituel mais celui ci m'agacait particulièrement ce soir.

La petite blonde salua le barman et lui parla d'un air soucieux. Il écouta sa demande, se gratta la tête d'un air niais et finit par lui offrir une réponse qui ne sembla pas la satisfaire. Elle haussa les épaules et repartit dans l'autre sens.
"- tu penses bien que j'ai dit à Sam que ça ne se passerait pas comme ça. Je veux avoir les garçons pendant mes vacances et tant pis si elle voulait les emmener au mariage de sa cousine dans le Wisconsin."
La jolie blonde passa la porte vitrée et se dirigea vers le bout de la piscine, l'air contrarié.
Son manège m'intrigait. C'était la première fois que je la voyais au club et j'étais bien certain que je ne l'aurais pas ratée si je l'avais aperçue une autre fois...

"- j'y suis allé avec Carmen, et je peux t'assurer qu'elle valait l'investissement"
"- Carmen ? La juriste de chez barney's?"
"- celle là même. Avec ses cheveux roux et sa paire de..."
"- elle a l'air si pincée"
"- et bien, c'est une sacrée cochonne !"
Leur discussion m'étais de moins en moins supportable. Prendre l'air me ferait du bien. L'accompagner d'un cigare serait encore mieux...

Sans un mot pour les garçons, j'avais quitté mon confortable fauteuil-bistrot pour me diriger vers le patio, en glissant le cigare entre mes lèvres. Je ne fumais pas mais j'appréciais un bon cigare occasionnellement. Tandis que je tirais ma première bouffée, mon regard erra sur la terrasse dallée de marbre, les élégants transats en bois précieux et leurs matelas immaculés, le bar extérieur et ses sièges parfaitement alignés, le tout désert.  Il y a quelques années encore j'aurai été persona non grata dans un tel décor, mais quelques idées révolutionnaires en matière d'ingénierie et d'informatique avaient propulsé ma petite start-up au rang de firme, et quelques investissements et partenariats bien choisis m'avaient assurés une fortune colossale. Dix vies ne me suffiraient pas a épuiser mes ressources.

Mon cigare finit, et n'ayant finalement rien à voir sur cette terrasse, je regagnais le bar pour un dernier verre.

Pas celle que tu croisWhere stories live. Discover now