CHAPITRE 3

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Aleksander

Cette soirée est merdique.

D'abord Durag détourne mon putain de fric.

Ensuite, une tarée complètement muette décide d'intervenir avec la magnifique idée de sauter de mon toit.

Je scrute la femme évanouie à mes pieds avec un mélange de frustration et de confusion. Je sens le sang qui s'étale sur mon visage. Si je n'avais pas été aussi bien entrainé, je me serais retrouvé à terre pour un bon moment. Mon œil présente une douleur vive, je n'arrive plus à l'ouvrir. Il pulse d'une puissance qui me donne l'impression qu'il va à tout moment exploser dans son orbite.

Tasha et Anton me regardent avec incompréhension. Ils se sont relevés, ils encadrent l'inconnue au sol.

— Qu'est-ce qui se passe Aleksander ? demande Tasha, sa voix empreinte d'incertitude. Pourquoi tu nous as pas laissée la tuer, tu la connais ?

Non. Justement. Je ne la connais pas, mais elle oui. Et, je compte bien savoir d'où.

Je sais qui terrifie le croque-mitaine sauf qu'elle n'est jamais apparue dans aucun de mes dossiers. Je n'oublie pas un visage, la plupart du temps les gens ne font pas attention à ceux qui les entourent.

Ils ont tort.

Me souvenir de chaque personne que je croise, que j'étudie ou avec qui je travaille m'a sauvé la vie plus d'une fois.

Les rouages de mon cerveau s'activent.

Le Réalta dubh qui revient quémander des informations pour leur trafic, mon refus, Durag et l'argent qui disparait.. Cette femme.

Rien n'est normal, trop de choses m'échappent. Je ne peux pas laisser ça arriver. Je dois absolument comprendre le lien qui relie ses événements, s'il en existe un.

Je passe une main sur mon visage, je sens le sang qui s'étale un peu plus. Je laisse échapper un soupir de frustration, je ne pouvais pas simplement rentrer au manoir et me faire vider les couilles comme tous les soirs sans avoir à gérer une femme qui a voulu me rendre borgne. J'espère juste qu'elle n'a pas touché trop profondément ma cornée.

Je ricane intérieurement, peu de personnes ont osé s'attaquer à moi, encore moins d'une façon aussi frontale.

— J'en sais foutre rien Tasha, il y a un truc bizarre avec cette femme, elle est passée du chaud au froid avec une intensité très perturbante. Et regardez son état, il y a du sang partout.

Anton fronce les sourcils en observant les alentours.

— On dirait qu'elle sort de genre de lutte et on a dû la déposer à l'entrée du bâtiment, des gens auraient appelé la police si elle avait du marché dans la rue dans cet état-là.

On se retrouve tous les trois comme des cons, incapables de trouver une explication logique à la situation.

— Peu importe ce qui s'est passé, on ne peut pas laisser traîner cette femme ici, s'insurge Tasha en croisant les bras. La situation est déjà suffisamment compliquée.

— Tu crois que je n'ai pas conscience de ça ?

Je la réprimande d'une voix froide. Je cherche son regard, mais elle baisse vite les yeux. Ils les baissent tous, c'est la règle.

Personne ne confronte le croque-mitaine sans conséquence, même mes propres bras droits. Ils doivent obéir aux règles.

Sans ça, mon empire imploserait. Il repose sur des principes précis, semblable aux rouages d'une vieille horloge. Au moindre grain de sable, la machine rouille et s'abime.

— Je suis sur les nerfs, c'est trop gros pour que ce ne soit pas un piège, il y a trop d'événements en si peu de temps.

Elle hoche la tête, Tasha n'est pas du genre à m'en vouloir pour mes coups de rage, elle y est habituée.

— Comment ça ? me coupe Anton dans mes réflexions internes.

— Réalta dubh m'a recontacté, il y a quelques semaines, ils voulaient des informations sur une liste précise d'enfants. Surement pour leurs trafics de la côte ouest.

Tasha grogne et son corps se fige. Elle hait les Hommes de Réalta dubh et il y a de quoi. C'est mon père qui l'a sauvé de l'esclavagisme infantile et de la prostitution à peine âgée de neuf ans. Depuis, elle est toujours restée avec nous. Avec sa rage de se battre, elle a gravi les échelons en un temps record, d'autant plus en tant que femme. Elle est la seule à avoir un statut aussi important dans l'organisation. C'était une évidence pour moi de la faire devenir ma seconde.

— Il y a eu Durag avec les mouvements d'argent suspects qui ont commencé quelques jours après et maintenant cette femme ?

— Ouais, là, c'est suspect. Durag c'est un des comptables ? Pourquoi il ferait ça ? demande Anton.

— L'appât du gain, la vengeance, l'envie de gravir des échelons, énumère Tasha. Les possibilités sont multiples.

Je ne peux qu'approuver sa constatation.

— Chaque problème en son temps, on découvre qui elle est, et on met sous surveillance notre comptable un peu trop gourmand. Il ne faut surtout pas lui mettre la puce à l'oreille, laissez-le croire que son plan se déroule à la perfection. Il va finir par faire une erreur.

Je me penche pour soulever le corps frêle de la femme inconsciente avec précaution. Même si aucune blessure grave n'est visible, il se peut que certains de ses organes ait été endommagé. Je refuse qu'elle me claque entre les doigts tant que je n'ai pas eu les réponses à mes questions.

— On rentre au manoir, il y a tout ce qu'il faut là-bas. Le médecin va la prendre en charge et le hangar est prêt à l'emploi.

— Le rapport pour l'équipe de sécurité ? me questionne Tasha.

— Dis-leur que la situation a été maitrisée. Fais leur comprendre qu'aucune question n'est à poser.

Elle acquiesce avant de se diriger vers la porte de sortie du toit. Anton enlève précipitamment sa veste de costume pour recouvrir l'inconnue dans mes bras. Son corps tremble, ses paupières se froncent et son visage se crispent de douleur.

Il s'exécute et je reste là, seul, comme un con.

Une violente nausée me saisit, je respire profondément pour renflouer l'envie de vomir, mon corps tremble de fatigue. Mes insomnies sont de plus en plus présentes, je tourne et je vire dans ma chambre en espérant pouvoir rejoindre les cauchemars qui bercent mon repos. Je vais finir par devoir céder à la demande du médecin et prendre ses stupides cachetons pour dormir.

Je prends quelques secondes pour observer enfin la source de mon mal de crâne de ce soir et surtout de mon œil aveugle bordel.

Putain de femme.

Ses sourcils sont de la même couleur flamboyante que ses cheveux, même si eux sont ternis par le sang séché. Je remarque que deux mèches blanches aussi longues que sa chevelure encadre son visage. Ses pommettes sont hautes ce qui lui donne un air princier.

Mon téléphone bip me sort de ma contemplation macabre, Anton me prévient que la voiture est en place.

Une grande inspiration plus tard, je me mets en marche. Bien décidée à mettre toute cette histoire au clair.

Qu'importe le prix à payer.

Personne ne double Aleksander Stakhanov.

Personne ne double le croque-mitaine. 

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⏰ Last updated: Aug 20, 2023 ⏰

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