𝟹𝟹 - 𝚂𝙾𝙻𝙳𝙰𝚃𝚂

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Une ultime fois, je gravis ces escaliers

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Une ultime fois, je gravis ces escaliers. Lorsque je franchirai la porte de mon appartement, je deviendrai captif d'un médicament. Les palpitations surveillées tout au long de ma soirée à l'hôpital ont été scrupuleusement transmises à mon médecin. Le son de son appel a percé l'air ce matin pour m'informer de cette triste nouvelle.

Je connaissais la raison de ma visite imminente. Je savais que je quitterais son cabinet avec une ordonnance pour un traitement antiarythmique. Pourtant, au plus profond de moi, je gardais un mince espoir que la maladie aurait disparu entre-temps.

Les boîtes de pilules nichées dans mon sac sont porteuses de ma déception silencieuse. Mes pas ralentissent, le poids de mon corps devient lourd alors que j'insère ma clef dans la serrure de mon logement, le murmure lointain de la télévision parvenant à mes oreilles. Je me crispe sur la poignée. Quelqu'un est à l'intérieur, et l'absence du doux grattage familier de mon bouledogue sur le parquet – signe qu'il attend ma venue avec impatience – m'alerte. Le poing fermé, je pousse la porte de toutes mes forces. Mon père sursaute dans le fauteuil, les yeux écarquillés telles des soucoupes figées dans le temps.

— Tu veux que je fasse une crise cardiaque ?! je lâche sans réfléchir.

— La télé de la maison a rendu l'âme ! Je suis dans le regret de t'annoncer que je vais devoir regarder les matchs de foot ici le temps que la nouvelle soit livrée !

— Dans combien de jours ?

— Quatre. Tu as de la chance, c'est plutôt court !

— Quatre jours à t'entendre gueuler sur l'arbitre, c'est déjà trop.

— Rappelle-moi qui paie ton loyer ?

— OK. T'as gagné.

Je me déchausse et arpente le coin salon. Mambo dort entre l'accoudoir et le plaid roulé en boule, les quatre fers en l'air. Ses ronflements prennent une ampleur folle à l'instant où je chatouille son cou. Un rire s'échappe de ma bouche, mêlé à une pointe de nervosité. Je n'aime pas savoir mon père ici, à une infime distance des médicaments que je n'aurais jamais pensé détenir dans ma vie. D'instinct, j'enroule une main ferme sur la sangle de mon sac avant de reculer.

— J'ai promené ton chien. J'ignorais que tu finissais les cours si tard.

— En fait, j'étais... chez un pote de la fac. On bossait notre projet de littérature espagnole.

— Ah, d'accord ! J'imagine que tes souches mexicaines t'aident pas mal dans ce genre de devoir ! Hein, fils ?

— Euh, oui... Beaucoup...

J'attends que la télévision retienne à nouveau son attention pour filer discrètement dans ma chambre. Dos à la porte, j'expire enfin. J'ai cru m'évanouir.
Un projet de littérature espagnole ? Sans rire ! Mon père n'a même pas idée que j'ai abandonné l'option il y a deux semaines. Je risque d'y laisser ma peau à force de sortir des idioties pareilles, mais pour l'instant, je suis content de m'être tiré d'affaire, une fois de plus.

Last WoundsWhere stories live. Discover now