La nuit est surnaturel ; le brouillard se lève, la température baisse, la nuit tombe. Les ombres se rallongent et donnent l'impression que tout est plus grand, plus loin, plus plus dangereux. Je regarde Jean-Baptiste. Son visage est fermé, sinistre. Je n'arrive pas à savoir à quoi il pense, ou pourquoi il est là. On s'éloigne tous les deux loin de mon père, loin de Marcus. Je l'avais regardé avec colère tout le long de la soirée, puis au moment de le quitter, je l'avais regardé avec malice. je cachais juste ma peur. Je voulais qu'il souffre. Qu'il ne sache pas. Qu'il soit surpris, inquiet. Qu'il m'attende. Je suis pathétique. je n'aurais même pas du le regarder, avec Jean-Baptiste à côté. Mais c'est trop. On s'éloigne. En silence. De plus en plus loin. Je ne me suis jamais senti aussi loin de lui. J'ai un mal de tête qui pointe le bout de son nez, et j'ai l'impression de flotter au dessus du béton mouillé.
On arrive près du cimetière ; là, il n'y a personne. Juste un banc, sous le saule pleureur. C'est un lieu magnifique, où personne ne se rend. Le tabou de la mort. Mais nous y voilà. Je ne sais pas si j'apprécie qu'il ait choisi ce lieu spécifiquement. Jean-Baptiste s'assoit sur le banc, et commence à rouler une cigarette. Le filtre entre ses dents, il dit :
- Désolé d'avoir interrompu cet important dîner. Tes parents ont apprécié leur futur beau-fils ?
- Qu'est-ce que tu veux ? crache-je.
- Je suis venu te prévenir."
Je le regarde. Il est calme, trop même. Mais il ne semble pas mentir. Il met le tabac dans la feuille, et roule. Son geste est répété, précis. Je me focalise un instant sur ses mains, qui travaille avec élégance, et expérience. J'ai un million de questions qui restent au bord de mes lèvres, et refusent de sortir. Je suis vraiment perdue. Il doit le sentir, alors il poursuit :
- Maxime va diffuser des copies de ton carnet demain, juste après la première épreuve."
Je m'assois à côté de lui. Il allume la clope, tire dessus, et me la tend. Je secoue ma tête. Je n'ai pas envie de poursuivre cette conversation - j'ai simplement envie d'aller me coucher. Je prends ma tête entre les deux mains, et retient mes larmes.
- Personne ne sait que c'est ton carnet, à part Maxime, Gabriel, moi et... toi. Personne ne suspectera Marcus. Quand ça arrivera, ne dis rien. Ne fais rien. Garde ta bouche fermée.
- Avec les rumeurs qui existent déjà...
- Oui, tout le monde pensera que c'est toi. Mais si tu joues l'innocente, si tu ne réagis pas, qu'est-ce qu'ils vont pouvoir faire ? Rien. Ils parleront, c'est tout. Et Maxime n'a rien d'autre contre toi. Tout ça, ça fait partie de son plan : il veut juste te voir souffrir. Si tu ne souffres pas, il aura perdu."
Je renifle. Je me relève, pose mes yeux sur Jean-Baptiste. La lune vient éclairer la partie droite de son visage, le reste est caché par l'ombre de l'arbre. J'ai envie de lui demander, au début : "Pourquoi me le dire ? Tu n'es pas censé être un connard ?" Mais une seule question enserre mon cœur. Une seule question. La plus importante.
- Comment tu as su que c'était Marcus ?"
Il rit, secoue sa tête. Il reprend une bouffée de nicotine. Quand à nouveau il ose me regarder, ses traits semblent dire : "C'est ça, la seule question que tu me poses ?" Je ne le connais pas, mais je sais, qu'il en veut à Marcus. Il agit comme s'il avait commis un crime. Si je lui disais à quel point c'était beau, entre lui et moi, comment réagirait-il ? Il se foutrait de moi, et incendierait Marcus. Tout le monde réagirait comme ça, pas vrai ? Personne ne comprendrait. Et je ne sais plus si je comprends aussi. Finalement, il répond à ma question :
- J'ai lu ton carnet. Comment ne pas savoir, avec la façon dont vous vous regardez ?
- Comment on se regarde ?
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Cruelle année
RomanceLe destin est une entité amusante, qui rit souvent de l'infortune des humains. Quand le destin fait se rencontrer Alex et Marcus, il leur joue là un cruel sort, car ni l'un ni l'autre ne peut s'aimer et ne doit s'aimer. L'une est élève, l'autre est...