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J'ai mal partout, même à des endroits dont j'ignorais l'existence. Dormir sur le contreplaqué de mon bureau était une mauvaise idée. Mais je n'avais pas réussi à me résoudre à regagner mon lit. Je voulais être solidaire de mon charmant voisin.

Il a menti. Swann a fini par s'endormir vingt minutes plus loin que la première fois. Son portable, qui gît sur le bord de son bureau, n'arrête pas de vibrer et glisse dangereusement vers le rebord de sa fenêtre restée ouverte. Swann va finir par tomber malade. Ou pire, passer par-dessus bord. J'en frissonne. Je retiens mon souffle quand son portable commence à dépasser du bureau et me penche pour ouvrir ma fenêtre.

— Swann ! crié-je. Swann !

Ce dernier ne bouge pas d'un millimètre. Son bras pend dans le vide et son corps se contorsionne dans une position étrange. Son visage est si détendu. J'ai envie de le caresser.

— Swann ! Eh merde...

Son portable passe par-dessus bord et s'écrase quelques mètres plus bas, dans l'herbe gelée de son côté du muret. Je ferme ma fenêtre et me précipite dans les escaliers, ma couette sur les épaules. L'un des coins qui traîne par terre passe sous mon talon et je dégringole les dernières marches dans un vacarme assourdissant. Patrick roule sur quelques mètres avant de rebondir sur la porte d'entrée.

— Aïe.

Ma mère se matérialise dans le couloir, les traits tirés.

— Qu'est-ce que tu as encore fait ? râle-t-elle avant de m'aider à me mettre sur pieds.

— Je vais bien, merci, grimacé-je.

Elle soupire.

— Tu ne t'es pas fait mal, au moins ?

— Non, ça va. Je dois...

J'entreprends de me remettre en marche, mais ma cheville me lance et je m'agrippe à l'épaule de ma mère en gémissant.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— J'ai mal à la cheville, gémis-je. Je crois que je me suis fait mal, finalement.

Elle m'intime de m'asseoir et soulève le bas de mon pantalon de pyjama. Elle manipule ma cheville dans tous les sens et je serre les dents pour ne pas crier. J'ai envie de la frapper. Mais elle est infirmière, alors elle sait ce qu'elle fait. Il faut que je lui fasse confiance.

— On dirait bien que tu t'es fait une entorse, annonce-t-elle en soupirant.

— Fait chier.

— Langage, me gronde-t-elle. Eh merde, le boulot !

— Langage, la grondé-je à mon tour.

Elle lève un sourcil.

— Franchement mon cœur, tu étais obligé de te faire une entorse ? On va passer la journée à l'hôpital maintenant.

— Parce que tu crois que ça m'amuse ? m'écrié-je. Je vais rater une journée de cours.

— Mais toi tu n'es pas payé pour aller en cours, souffle-t-elle. Tu sais à quel point c'est difficile pour moi de joindre les deux bouts... Désolée, je ne veux pas te culpabiliser. Je sais bien que tu n'as pas fait exprès... Allez viens, je t'emmène.

— Mais... je suis en pyjama, balbutié-je. Je ne peux pas sortir comme ça ! Et je dois récupérer le portable de Swann...

— Comment ça ? demande-t-elle en m'aidant à me mettre debout.

— Euh... il est tombé de sa fenêtre.

— Et il ne peut pas le récupérer lui-même ?

— Il... euh... il dort.

On both sides [MxM]Where stories live. Discover now