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— Alix, attends...

Je m'agrippe à la rambarde des escaliers. Mon corps entier tremble, comme si l'on m'avait plongé dans un bain de glace. J'ai la tête qui tourne. Pourquoi est-ce que j'ai si mal à la poitrine ? J'ai l'impression qu'on me martèle le cœur avec un marteau. Je devrais être heureux. Swann vient de m'avouer ses sentiments à haute voix. Alors pourquoi est-ce que je ne suis pas heureux ? Pourquoi est-ce que tout mon corps le rejette ? Je l'aime, moi aussi. Je l'ai aimé dès le premier jour. Je veux être avec lui. J'ai toujours envie de le voir. Il habite toutes mes pensées, jour comme nuit.

Je m'arrête net au milieu des marches. Des chaussures que je ne connais pas sont posées dans l'entrée à côté des New Rock de Swann. Je tends l'oreille. Ma mère chuchote, mais au son de sa voix, je comprends qu'elle est énervée. Une voix plus grave lui répond. Mon sang se glace. C'est lui. Mon père.

Je recule et mon plâtre tape dans la marche. Swann me rattrape in extremis. Je me laisse aller contre son torse, trop sonné pour le repousser une nouvelle fois. Je me tourne vers lui, les lèvres pincées et les yeux embués. Il me plaque contre lui sans rien dire. Ses doigts s'engouffrent dans mes boucles blondes.

— Viens.

Il me tend la main et je la saisis malgré le poids qui comprime ma poitrine. Je préfère encore affronter ses questions que celles de mon père. En bas, les chuchotements se transforment en éclats de voix. Ma mère perd son sang froid. Swann resserre la pression de ses doigts autour des miens.

— Je t'avais demandé d'attendre que je sois là ! crie-t-elle. Tu n'as pas le droit de débarquer comme ça dans sa vie, du jour au lendemain, après quatre ans de silence !

— J'ai quand même le droit de voir ma... mon enfant ! répond mon père de sa voix grave.

Je frissonne.

— Non, pas comme ça, je suis désolée ! J'ai dû appeler son petit-ami, qui était au lycée, pour qu'il vienne à la maison parce que ton fils a fait une crise d'angoisse ! Tu es égoïste, tu n'en fais qu'à ta tête ! Ça a toujours été comme ça !

— Alexan...

— Alix, le reprend-elle. Alix !

— Alix a un petit-ami ? Je croyais...

Je pousse Swann dans ma chambre et referme la porte derrière lui, paniqué. Je reste figé sur le pallier, oreille tendue.

— Je croyais qu'elle voulait être un garçon parce qu'elle n'assumait pas d'être lesbienne, avoue mon père, et je tombe des nues.

C'est tellement tordu. Tellement absurde.

— Qu'est-ce qu'on s'en fout, de l'orientation sexuelle de ton gamin !

Bien envoyé, maman. Mon père ne comprend rien. Il n'a jamais rien compris. Et plutôt que de nous laisser lui expliquer, lui et son égo ont préféré prendre la porte. Ma mère, elle, s'est documentée pendant des mois. Elle m'a posé toutes les questions qui lui passaient par la tête, même les plus farfelues, et elle a fini par assembler les pièces du puzzle. Mes parents recommencent à chuchoter. Je m'engouffre dans la chambre.

— Désolé, soufflé-je à l'attention de Swann, assis sur le bord de mon lit, Patrick sur les genoux.

Il caresse son petit crâne de peluche, pensif.

— Je...

— Non, c'est moi qui suis désolé, me coupe-t-il. Je ne voulais pas te mettre la pression. Je veux que tu te sentes bien avec moi. Si je fais ou dis quelque chose qui te met mal à l'aise, je veux que tu me le dises, d'accord ?

Je hoche la tête et m'assois à côté de lui. Il glisse ses doigts dans les miens. Mon cœur bondit dans ma poitrine au contact de sa peau contre la mienne.

— Je n'ai pas pris tes sentiments en considération. Je ne voulais pas te faire peur. C'est juste que quand tu m'as dit que tu pensais m'aimer, j'ai ressenti le besoin de le dire aussi.

Mes joues s'empourprent.

— J'ai menti, avoué-je, les yeux fermés.

— Comment ça...?

— Je... je ne pense pas... que je t'aime...

— Quoi ?

Sa voix se brise. Ses doigts lâchent les miens et il recule comme si je venais de le frapper en plein visage.

— Non ! m'écrié-je en me tournant vers lui. C'est pas... c'est... je... je suis sûr que je...t'aime. Je t'aime.

Ses yeux bleus sondent les miens. Un sourire étire son visage.

— C'est vrai ?

— C'est vrai.

Swann pose Patrick sur le parquet. Ses mains encerclent mon visage et ses lèvres s'écrasent sur les miennes. Je retiens mon souffle un instant, surpris, puis m'abandonne dans ses bras. Ses doigts s'emmêlent dans mes boucles blondes, sa langue joue avec la mienne. Je me laisse glisser sur mes draps défaits et peste intérieurement parce que les bosses qu'ils font ne sont vraiment pas agréables.

Mais je repousse mes pensées parasites quand Swann s'allonge sur moi. J'entends son cœur battre contre ma poitrine. Est-ce qu'il peut la sentir, ma poitrine ? La panique m'envahit. Est-ce qu'il peut sentir que ce n'est pas un torse d'homme que j'ai ? Ses mains quittent mes cheveux pour s'engouffrer sous mon sweat. Mon souffle se coupe. Je suis pétrifié. Et en même temps, mon corps brûle de désir pour lui.

Son pouce retrace le contour de mon nombril puis glisse sous l'élastique de mon boxer. Mes dents se referment sur sa lèvre inférieure. J'ai l'impression que mon corps est en train de fondre. J'entends mon cœur battre dans mes oreilles. Il bat si fort que ça m'en donne le tournis. Sa main glisse un peu plus sous le tissu de mon boxer et mon sang ne fait qu'un tour. J'arrête son geste.

— Non.

Swann se détache de moi, les joues rouges.

— Je... je suis vraiment désolé...

Je l'embrasse.

— Ne t'excuse pas, lui souris-je. Je... j'en ai envie, mais... je ne suis pas prêt. Et... euh... je ne sais pas quand je le serai. Mais... ça pourrait prendre beaucoup de temps. Ne m'en veux pas, s'il te plait.

Il caresse ma joue de son pouce.

— Pourquoi est-ce que je t'en voudrais ? On a le temps. On prendra tout le temps qu'il te faudra.

— Même si... même si ça prend... plusieurs années ?

— Oui, répond-il sans hésiter. Pour toi, je suis même prêt à attendre toute ma vie, rit-il.

— Ça ne me met pas du tout la pression, ironisé-je.

— Merde, euh... ce n'était pas mon intention...

— Je rigole !

J'attrape son visage de mes mains et pose un baiser sur ses lèvres.

— Comment est-ce que tu peux être si parfait ? Tu caches forcément des cadavres dans tes placards.

— Mmh... tu aurais des pelles et des sacs poubelle ?

Je le dévisage, les yeux ronds. Il éclate de rire :

— Plus sérieusement, je promets de les partager avec toi quand le jour viendra.

On both sides [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant