Chapitre 8 : Mont des os

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L'aurore m'appelle, le jour et la rosée du matin se lève à peine quand je bondis dans le ciel. Je vole comme à mon habitude quelques minutes, découvrant de nouveaux muscles grâce aux nouvelles courbatures.

Nous avons une heure de vol par jour avec le professeur Brissal au-dessus de la plaine et ils nous donnent des objectifs. Devoir passer dans tel ou tel cerceau, éviter cette pierre ou atterrir en cas de chute.

Ses conseils montrent déjà leur fruit et cela me remplit d'espoir.

Espoir.

Je déteste ce mot depuis hier.

Il n'y a peut-être plus d'espoir pour vous.

Qu'est-ce qu'il m'a pris de lui dire ça ?

Qui suis-je pour juger quelqu'un ?

Sa peine contre la mort était légitime. J'ignore ce que sont les combats, les guerres et le champ de bataille. J'ignore ce que c'est de devoir ôter une vie et de voir celle-ci partir.

Comme toujours avec lui, je n'ai pas réfléchi. Je me suis laissé emporter par ce tourbillon électrique qui ne me rend pas juste.

Je vais l'ignorer. L'ignorer et faire semblant que nous ne nous sommes jamais hais avant.

Je suis passée voir Brett à l'infirmerie hier soir, il a quelques bleus, deux côtes cassées, mais se sentait prêt à se remettre sur pieds. Du moins, jusqu'à ce que l'infirmière arrive et l'allonge à nouveau en marmonnant qu'il voulait juste m'impressionner.

Je suis partie avant le souper, et je l'ai loupé de mon côté. Habituellement, j'entends Shade remonter au milieu de la nuit, pas cette fois, et je déteste me demander où est-ce qu'il a bien pu s'aventurer.

J'arrive au pied de la montagne, la fraîcheur de la brume matinale me fait presque frissonner quand je rejoins le petit groupe déjà rassemblé. L'atmosphère est lugubre, sinistre même.

Je me contente de regarder qui est déjà là, et je ne suis pas surprise quand je comprends qu'Yvanne est en retard. C'est inhabituel d'avoir cours aussi tôt, je l'imagine déjà sous la couette, avec jalousie, en train de dormir profondément.

Le soleil n'est même pas levé. La lumière est d'un gris frais, l'herbe bouge dans le sens du vent dans un écrin laiteux et l'immense montagne qui ressemble à un rocher en forme de hache me fait me dévisser la nuque. Tout cet amas de verdure et de roches est impressionnant.

Il parait que si nous traversons cette montagne et la forêt qui lui fait face, nous arrivons au voile humain. Les seules choses que je connais à son sujet, sont ce qu'a bien voulu me dire Mère Parla.

Personne ne peut traverser ce voile magique sans être carbonisé.

D'un côté, comme de l'autre.

Il parait que des marchands ont pris la route pour le monde humain, mais le voile est si transparent qu'ils n'ont pas vu qu'ils y étaient. Ils ont avancé, et se sont mis à fondre comme des poupées de cire devant une flamme. Leurs cris étaient si puissants que le village voisin les a entendus.

— On raconte que de l'autre côté de cette colline, commence une voix derrière moi, et je me tourne pour voir un garçon dont je ne connais pas le prénom.

— La guerre de Kirin a eu lieu, mais personne n'y va plus. Les marais ont recouvert cette terre, emportant les ossements des soldats et des chevaux. Les légendes disent que les lieux sont hantés par les fantômes des treize jours les plus sanglants de l'histoire. Personne ne revient jamais de ces terres, toute personne voulant rejoindre le monde humain périt dans d'atroces souffrances.

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