Chapitre 19

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Ouvrir les yeux me demande un effort inconsidérable. Une odeur aseptisée me remplit les narines : c'est une chambre d'hôpital. Ma mère et mon père sont penchés au-dessus de moi.

- Tu es restée deux jours inconsciente. Tu nous as fait peur., explique ma mère les yeux pleins de larmes.

Elle passe sa main dans mes cheveux. J'essaie de dire un mot mais tout ce qui sort est un grognement.

- N'essaie pas de parler, dis ma mère sur un ton doux. Tes cordes vocales ont été abîmées.

- Ça ira mieux dans une semaine, me rassure mon père.

- Et..., ma voix se casse, je n'arrive pas à finir ma phrase. Lucas...

- Ne force pas, me rappelle ma mère.

Elle sourit puis fait un signe de la tête en direction de la porte.

- Je vous laisse 5 minutes dit-elle en me faisant un clin d'œil.

Elle attrape mon père sous le bras. Il la suit en soupirant.

- J'aime pas ce gars.

- Ce n'est pas à toi qu'il doit plaire.

Ils sortent de la pièce et la tête de Lucas dépasse de l'encadrement de la porte. Je ne peux pas m'empêcher de sourire. Il s'approche doucement et mon sourire disparait. Son visage est violet d'ecchymose, il a un œil au beurre noir gonflé.

- C'est rien, dit Lucas. Une fracture de la pommette, le nez cassé et trois côtes brisées.

- Horrible...

C'est le seul mot que j'arrive à articuler.

- Tu t'es vu ? répond-t-il avec un ton enjoué.

Je lui souris en guise de réponse.

Quelqu'un toque à la porte puis un médecin entre suivi d'une infirmière.

- Comment est-ce que vous vous sentez ?

Je fais "oui" de la tête. Il sort une petite lampe de sa poche et me demande de suivre la lumière des yeux.

- Des vomissements ?

Je fais "non".

- Vous avez eu de la chance. La coupure est longue mais superficielle et n'a touché aucune artère. En revanche, cela à provoquer une inflammation des cordes vocales. Il va falloir un peu de temps pour que vous puissiez reparler normalement. Essayer de reposer au maximum votre voix et ça ira mieux dans une semaine.

- Il y a 12 points de suture. Le pansement sera changé demain matin, affirme l'infirmière.

- Et sauf contre-indication vous pouvez sortir demain, ajoute le médecin. On vous laisse, reposez-vous.

Puis ils sortent.

- Je vais y aller aussi, tes parents attendent.

Je remue la main pour lui dire au revoir mais il ne part pas. Je l'interroge du regard.

- J'attendrais que tu sois sorti d'ici pour te prendre dans mes bras.

Mes parents réapparaissent pour me dire qu'ils viendront me chercher à 14h demain, et tous les deux me souhaite une bonne nuit.

Une fois que je suis seule, je ferme doucement les yeux et des larmes de soulagement mouille mes joues. Je passe mes mains sur mon visage. Je ne veux plus penser à rien.

Le lendemain mes parents viennent me chercher. Je suis ravie de rentrer chez mes parents et de retrouver cette grande maison conviviale. Ce n'est que maintenant que je réalise vraiment ce qu'il vient de se passer et des interrogations émergent dans ma tête.

Papa, comment tu nous as retrouvé ? murmuré-je difficilement d'une voix enrouée.

- Je vais t'expliquer alors soit sûr de bien suivre.

On s'assoit confortablement sur le canapé pour que mon père commence son récit.

- C'est grâce au message que tu m'as envoyé.

Je lève les yeux au ciel en me remerciant intérieurement d'avoir envoyé ce message. Mon père continue :

- Je me suis douté que tu ne m'avais pas envoyé ce message pour rien. En recoupant les noms présents sur la liste et les archives de la police, je me suis rendu compte des suicides suspects. Te connaissant, je savais que tu allais venir me voir pour m'en parler. Au bout de 2h tu n'étais toujours pas arrivée. Alors de mon côté j'ai contacté l'équipe médico-légal pour obtenir les rapports d'autopsie. Ils avaient tous plus de 85 mg de méthylphénidate dans l'organisme. C'est une intoxication aigüe qui provoque une acidification du sang. Ces personnes n'auraient pas pu se suicider, elles étaient déjà mortes ! En bref, ces suicides ne sont que des mises en scènes pour cacher la véritable cause de la mort. J'ai envoyé tout ça au juge d'instruction et la brigade des stupéfiants. J'ai essayé de t'appeler mais tu ne répondais pas. Je n'ai pas attendu une seconde de plus et j'ai signalé ta disparition. Nous avons tracé le signal de ton téléphone mais il a été interrompu dans la périphérie de Marseille. J'ai donc cherché plus d'information sur cette boite de nuit "Evasion". Il se trouve que 3 entrepôts sont déclarés sous le nom de cette boite de nuit. Et il se trouve qu'un en particulier était en périphérie de la ville à 20 km de la dernière position où ton téléphone a émis un signal. Je suis partie avec deux équipes dans cet entrepôt.

Je reste bouche-bée en entendant son explication.

- Maintenant que Victor Cassel a été appréhendé, il va être jugé. Vous serez appelé à la barre comme témoin., ajout-t-il.

La date du procès est fixée dans trois semaines. Habituellement ce genre de procédure prendrait plusieurs mois mais cette affaire est devenue très médiatisé et avec la pression exercée par le public, les magistrats ont accélérés la procédure. En attendant je dois rester confiné chez mes parents. Selon la police c'est une simple précaution étant donné ce qu'il s'est passé. Ils ne savent pas encore jusqu'où s'étend le réseau et d'autres personnes pourraient vouloir me faire. Je n'ai même pas pu retourner à la fac. Il en va de même pour Lucas : je ne dois pas le contacter et encore moins chercher à le voir. Je n'ai aucune nouvelle depuis que je l'ai vu à l'hôpital mais je suppose que c'est parce qu'il va bien et qu'il ne lui est rien arriver de particulier. La seule personne que je suis autorisé à joindre est Thaïs, mais seulement par appel téléphonique qui ne doivent pas dépasser 20 minutes. Et cela a été autorisé surtout pour qu'elle puisse m'expliquer les cours. J'ai d'ailleurs dû racheter un téléphone portable, le mien ayant été détruit au moment de l'accident de voiture.

Malgré tout, ces contraintes sont accessoires au vu de la situation et je les accepte très agréablement. Ce procès à la dernière ligne droite avant de voir la fin du tunnel. J'ai essayé de passer ces semaines le plus sereinement possible. Les premiers jours ont été compliqué : je n'arrivais pas avaler la nourriture solide. J'ai eu mon quota de soupe et de purée pour les années à venir. Une infirmière venait à la maison tous les deux jours pour refaire le pansement puis au bout de sept jours elle a enlevé les points de suture. Il en était plus que temps : ces pansements horribles commençaient à me démanger. Maintenant j'ai une cicatrice de 10 cm au milieu du cou, impossible de passer à côté. Les colliers où ce genre de chose sont maintenant à proscrire. J'ai commencé à retrouver ma voix mais elle reste plus enrouée qu'habituellement. Je passe mes journées à lire, flâner dans le jardin ou regarder des films mais je m'en lasse très vite. Finalement je n'ai qu'une hâte : que le procès arrive rapidement pour être débarrassée.

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