Le cheveu retrouvé dans le GMC gris n'appartient ni à Hasna Malek, ni à Lucy et David Moore, mais à Oswald Beaver. À peine le pied posé sur le tarmac de l'aéroport, Casey Harris s'est dirigé vers le commissariat dès qu'il a reçu le message de l'agent Greene. Ses valises pouvaient attendre. Beaver ne leur a pas tout dit. Il se rend en ce moment même au motel, accompagné de Raphael.
Divers camions traversent l'artère principale de Bellwood. Peu s'y arrêtent. Beaucoup d'entreprises semblent avoir mis la clé sous la porte. Certains investisseurs considèrent cette ville comme maudite. De nombreuses affaires, décrites comme prometteuses, ont coulé du jour au lendemain. Cette rue n'a pas échappé à la crise économique. Autrefois animée et commerçante, elle est aujourd'hui déserte, parsemée de bâtiments abandonnés avec des devantures fermées par des rideaux de fer. Seules subsistent les plus anciennes boutiques, en raison de la méfiance apparente des habitants vis-à-vis des nouveaux venus. C'est le cas du restaurant des Taylor, étriqué entre l'épicerie de Fawcett et un magasin d'articles de chasse et pêche. Rick a repris la relève après sa mère. Il espérait que son fils le rejoigne avant que la vie en a décide autrement.
La Ford Explorer s'arrête à une intersection, laissant passer un camion à la remorque chargée de grumes de pins. Le grondement des moteurs et le crissement des chaînes sur la route gelée résonnent dans une symphonie sinistre. Le grumier tourne à droite. Ses feux arrière s'estompent lentement dans la brume, direction Harrington Sawmill, la scierie. L'une des rares usines implantées dans la région ayant résisté à la crise économique.
— Ça vous dérange si je fume une cigarette ? demande Harris en sortant un briquet de sa poche.
— C'est votre voiture, rétorque Raphael.
— D'accord, mais est-ce que ça vous dérange ?
— Vous voulez savoir si ça risque de réveiller certaines tendances chez moi ?
— Je prends ça pour un oui.
Il réprime son manque de nicotine et remet le Zippo dans sa poche.
— Sinon, vous avez passé un bon Noël ? s'enquiert Casey après un temps.
La question surprend Raphael.
— Oui. Je l'ai passé chez les Greene.
— Gentil de leur part de vous avoir convié.
— Et vous, comment c'était à Philadelphie ?
Harris lance un regard inquiet dans le rétroviseur avant de se remettre en route.
— Super. Ça fait du bien de rentrer à la maison et de retrouver les siens, croyez-moi.
Raphael profite de l'occasion.
— Comment avez-vous atterri à Bellwood ? Ce n'est pas vraiment la porte à côté.
— Mutation professionnelle, répond Harris sans s'étendre, et jetant derechef un coup d'œil derrière eux. À choisir, j'aurais préféré la Floride. Je pourrais vous retourner la question. Qu'est-ce qui vous a poussé à vous installer dans un trou pareil à votre âge ?
Le regard cerné de Raphael se perd dans le paysage gris. Les bâtiments en bois robuste se blottissent les uns contre les autres, alternant du rouge au vert et au bleu. De légères volutes de fumée s'élèvent des cheminées depuis leur toit couvert de lourdes chapes de neige. Dans les rues éclairées par la lueur terne du soleil, des rares âmes courageuses se promenent protégées sous plusieurs couches de vêtements.
— Plus rien ne me retenait à Juneau. J'avais besoin de changer d'air. La vie en ville devenait étouffante. Alors, j'ai vadrouillé un peu partout. Je ne restais jamais plus d'une semaine au même endroit. Quand j'ai vu Bellwood... Je ne sais pas. Il y avait cette drôle d'énergie qui m'appelait.
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Le Passé Ne Meurt Jamais [NON CORRIGÉ]
Mystery / ThrillerRaphael frappe à la porte du commissariat de Bellwood pour déclarer un meurtre et la disparition de Maya, la fille de la victime. Seul fait étrange : tout cela s'est produit dans un rêve. Au départ septique face à ce qui semblait être la déclaration...