— Vous devez m'aider, supplié-je, assis sur le ponton. Sans vous, je ne peux rien faire.
Près d'une semaine s'est écoulée, et aucun rêve ni message de la part d'Hasna ne m'est parvenu. Je scrute la vaste étendue d'eau, observant les bulles formées à la surface, seuls signes de vie dans les profondeurs du lac. Au loin, les corbeaux signalent ma présence. Confronté au silence radio de la police, je me sens démuni, sans valeur pour les investigations. L'intérêt des enquêteurs à mon égard diminue de jour en jour, je m'en doute. Je ne leur apporte plus rien. Ni la voiture, ni le corps, ni les effets personnels ne livrent le moindre indice. Aucun son. Aucune image. J'ai même repoussé mes limites pour avaler mon traitement, mais les preuves restent muettes.
Je me relève en époussetant mon pantalon et scrute le mémorial en granit, érigé juste en face du ponton. Quarante-et-un ans plus tôt, à cet emplacement exact, un chalet a pris feu, emportant avec lui la vie de trois adolescents. Quarante-et-un ans plus tard, une femme meurt à ses pieds, noyée. Le feu et l'eau. Deux éléments que tout oppose, unis par un destin tragique. D'une certaine façon, je trouve la situation ironique.
Je m'avance sur le bois quand l'une des planches cède sous mon poids. L'immersion soudaine dans cette eau glacée me coupe le souffle. Mes jambes battent dans le vide. Mes muscles se raidissent. Je jaillis à la surface, inspire, puis coule à nouveau. Mes pieds touchent le fond. Une branche s'entortille autour de ma cheville. Je me débats pour me libérer et me propulse vers le haut. Les bras tendus, je m'agrippe à une planche fendue en deux. Le bois craque. Le lac m'engloutit. Dans ma poitrine, mon cœur sonne l'alerte. Je répète l'opération, puisant dans mes forces, et parviens enfin à m'extirper de l'étreinte du lac, les vêtements imbibés d'eau. Je m'effondre sur le ponton, transi par le froid, et expulse l'eau de mes poumons. Je roule sur le dos, le regard levé vers le ciel. Pendant un quart de seconde, je doute de la réalité. Me suis-je vraiment rendu sur la rive cet après-midi ? Ou est-ce l'une de ces visions éveillées, si réalistes, comme au motel ? Je ne souhaite pas attendre la mort pour le découvrir.
Cachés derrière les branches épineuses, les corbeaux se moquent de moi. Je glisse sur le ventre et remarque des initiales gravées sur le bois : R. MC., N. P., J. N., A. B. De nouveau, j'étudie le granit. R. MC... Robert McGreight ? Les suivants doivent être Jimmy Novak et Anthony Blaire. Les trois jeunes victimes de l'incendie, et N. P... Serait-ce Nikita Pavel, le garçon de l'affiche ? J'y réfléchirai plus tard. Mon objectif immédiat est de me réchauffer avant que le froid m'emporte. Hors de question de mourir gelé ici. Je sors mon téléphone de la poche de mon cuir, dont l'imperméabilité a réduit les dégâts. Mes doigts, mouvant au ralenti, peinent avec l'écran tactile défectueux, m'obligeant à m'y prendre à plusieurs reprises. Après plusieurs essais, je compose le premier numéro qui me vient à l'esprit. Deux sonneries. Il décroche.
La porte du Beaver s'ouvre à la volée sur Sam. Pourquoi l'ai-je contacté, lui, plutôt qu'Harris ? Simplement parce que le lieutenant aurait saisi cette occasion pour me tomber dessus encore une fois. Cinq minutes après avoir raccroché, Oswald m'a trouvé étendu sur le ponton, incapable de bouger. Sam se précipite vers le fauteuil sur lequel je me suis réfugié, une simple couverture sur le dos et les cheveux chargés de givre. Il s'agenouille face à moi.
— Tes lèvres sont bleues, remarque-t-il.
Sam se tourne sur Beaver, le regard furieux.
— Vous ne pouviez pas lui fournir des changes ?
Oswald lève les deux mains en l'air.
— Je n'ai rien à sa taille, se défend-il, c'est un petit gabarit.
— On s'en moque de sa taille. Merde, c'est pas un défilé ! Je vous ai demandé de le réchauffer. Des vêtements secs, c'est trop vous demander ? Heureusement que j'y ai pensé. Déjà que vous n'êtes pas foutu de réparer votre saleté de chaudière.
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Le Passé Ne Meurt Jamais [NON CORRIGÉ]
Mystery / ThrillerRaphael frappe à la porte du commissariat de Bellwood pour déclarer un meurtre et la disparition de Maya, la fille de la victime. Seul fait étrange : tout cela s'est produit dans un rêve. Au départ septique face à ce qui semblait être la déclaration...