CHAPITRE 2

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— Tu es déjà là, Ray ? Alors, cette première journée ? demande-t-elle en se tournant vers nous.



Quand elle m'aperçoit, sa bouche forme un parfait ovale. Le plat en verre qu'elle tient dans ses mains lui échappe et se fracasse sur le carrelage de la cuisine. La scène semble se passer au ralenti. Le bruit résonne dans toute la pièce et les morceaux du récipient se dispersent entre elle et nous. Le choc qu'elle doit ressentir se lit sur son visage. Ma soi-disant sœur garde la tête baissée alors que je me contente d'observer ce qu'il se passe sans jamais ouvrir la bouche. L'atmosphère qu'il y a dans la pièce est si pesante qu'on pourrait presque la palper.

Ma génitrice se penche pour ramasser les débris de verre, toujours dans un état second. Tellement ailleurs qu'elle en vient à se couper la main gauche. Plusieurs gouttes de sang s'écrasent sur le sol pour se mélanger au verre brisé. Rayha se précipite vers sa mère pour l'aider pendant que je reste où je suis à les fixer comme on dévisage quelqu'un que l'on voit pour la première fois. Mon visage est tellement neutre et vide d'émotions qu'on pourrait me confondre avec une statue de cire ou même une poupée de porcelaine. Le genre de poupées qu'aucun enfant ne veut dans sa chambre de peur qu'elle s'anime en pleine nuit. Le genre de poupées que seule Mercredi, de la famille Adams, pourrait aimer.

Nous nous retrouvons toutes les trois dans le petit salon, quelques longues minutes plus tard. Aucune de nous n'a encore ouvert la bouche et la pression est à son comble. Sans vraiment faire attention aux deux femmes, je fais ce que je fais toujours : j'analyse la pièce dans laquelle je suis. Leur présence m'est tellement insignifiante que c'est comme s'il n'y avait personne d'autre que moi dans cette étrange maison. Je ne me sens vraiment pas à l'aise parmi ces deux étrangères.

Au bout d'un certain moment, la femme d'une quarantaine d'années ouvre la bouche, sans pour autant en laisser sortir un son. Ses cheveux bruns tombent négligemment sur son visage plein de sueur. Elle réitère son geste plusieurs fois, sans rien dire. Je commence à perdre patience quand d'un coup, la porte s'ouvre dans un vacarme assourdissant. Un jeune garçon entre en furie dans la maison, suivi de près par une femme d'une vingtaine d'années, épuisée et essoufflée. Je ne peux m'empêcher de fixer ce jeune intrus et son accompagnatrice.



— Luis, attends ! crie presque la femme en soupirant bruyam­ment. Madame Johnson, je vous le laisse, je suis assez pressée ! À demain, dix heures !



Elle repart aussitôt au pas de course en laissant le gamin. Le jeune saute automatiquement dans les bras de sa mère. Un sourire de façade s'imprime sur son visage, avant qu'elle ne lui fasse un bisou sur le front. Mon sang se glace à cette vue et mes poings se contractent d'eux-mêmes. Ne supportant pas cet emportement soudain, je reprends vite mon sang-froid et garde mon impassibilité à son maximum, comme toujours.

Ledit Luis porte son regard sur moi dès que sa mère le pose au sol. Je vois dans son regard qu'il est en train de m'analyser pour essayer de savoir qui je suis, mais ayant tout au plus sept ans, il ne fait pas le lien entre lui et moi. Tant mieux, qu'il ne s'imagine surtout pas avoir une sœur de plus, il risquerait d'être déçu.



— Maman, c'est qui, la dame qui ressemble à grande sœur ? questionne le garçon en me regardant.



La procréatrice le regarde sans savoir quoi répondre avant de l'attirer à elle pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille que je parviens à entendre malgré la distance.



— Mon cœur, tu veux bien faire quelque chose pour Maman ? lui demande-t-elle.



Le gosse hoche alors la tête et la femme poursuit :



Je m'appelle Skye, Tome 1 : Et je vais vous tromper [édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant