Je m'appelle Skye, Tome 1 : Et je vais vous tromper [édité]

CHAPITRE 7

Pourquoi je me sens si mal ?

Ce n'est pas la première fois qu'il me demande de prendre une vie, et que je le fais. Alors pourquoi, cette fois, mon cœur bat la chamade ? Pourquoi j'ai envie de vomir ? Pourquoi je ne ressens pas l'exaltation ? Le plaisir que j'ai ressenti pour les autres ?

Son sang sur ma peau me glace. La lame que j'ai utilisée pour lui trancher la gorge me brûle. J'ai l'étrange impression de mourir en même temps que lui.

Les images de ce qui vient de se passer me tournent dans la tête.

Comme si elles essayaient de m'imprégner pour que je ne les oublie pas. L'odeur de son sang et de sa chair, déjà en train de pourrir, me donne l'impression d'être un animal sauvage, assise là, devant sa proie abattue.

J'ai entendu.

Mais je ne suis pas sûre de l'avoir compris.

« C'est ta vie ou la mienne, mais sache qu'une fois que ta lame touchera ma chair, tu ne pourras plus jamais revenir en arrière. Si tu vas jusqu'au bout, tu auras signé un pacte avec le diable. Puis bientôt, tu seras... comme moi. »

À ma place, qu'auriez-vous fait ?

Auriez-vous choisi votre vie, au risque de vendre votre âme au diable ? Ou auriez-vous abandonné en attendant patiemment qu'il appuie sur la détente, laissant par la même occasion une balle se frayer un chemin dans votre crâne ? Je pense que vous tous auriez agi comme moi. Que peu d'entre vous auraient hésité à serrer votre main autour de cette lame, dure et froide, pour l'abattre sur cet homme maintenant étendu sur le sol, sans vie !

Peut-être avait-il raison au fond...

Peut-être que je deviens aussi monstrueuse qu'il m'a appris à l'être. Peut-être suis-je en train de me perdre pour de bon. Peut-être que le diable va me faire devenir comme ses guerriers, froids, impassibles, sans pitié et sans aucune trace d'une émotion quelle qu'elle soit.

Je baisse mon regard sur ma lame et, prise d'un frisson étrange, je l'approche de mes lèvres. Devant ce nouveau nectar, je ne peux que m'abandonner totalement. Soudain, je ne me sens plus du tout mal.

Ce goût me donne des spasmes de plaisir.

À la fois doux et amer, à la fois délicieux et horrible.

Une texture fluide.

Comment résister à cette saveur merveilleuse bien que répugnante en tous points ?

*•*

Je me réveille en sursaut. Rayha accourt vers moi comme si elle avait senti mon mal-être. Elle me regarde, affolée, et m'attrape les épaules pour me forcer à poser mes yeux sur elle. En la voyant, ma respiration se fait plus lente et mon pouls reprend un rythme normal. Je me sens revenir à la réalité. Elle me prend dans ses bras et je la serre contre moi, comme pour me raccrocher à une bouée de sauvetage, puis je la repousse un peu et l'observe.

Nous sommes presque identiques. Seuls la couleur de nos yeux, ses cheveux qui sont lisses alors que les miens sont bouclés et le fait que mon visage est plus abîmé par la vie que le sien permettent de nous différencier.

Cela fait quelques jours que nous sommes parties et nous ne savons toujours pas où aller. Nous passons notre temps à rouler jusqu'à dénicher des maisons abandonnées où passer la nuit. En ce moment, nous sommes dans une vieille cabane abandonnée à l'entrée d'une sombre forêt. Nous avons essayé de l'arranger un minimum pour en faire quelque chose d'agréable, mais ça fait longtemps que nous n'avons rien mangé.