10. Te protéger

193 14 0
                                    

Après le dîner, j'attends naïvement que Bucky vienne vers moi, mais ce n'est apparemment pas dans ses intentions. Je l'intercepte finalement au moment où il remonte vers sa chambre.

« Hé, Bucky. »

Il se retourne et m'accorde un bref petit sourire. J'ai la désagréable impression que quelque chose cloche.

« T'allais partir sans me dire au revoir ?

— Je reviens demain soir, tu sais. »

Sa réponse me désarçonne. L'une de mes préoccupations principales de la journée s'avère être totalement dérisoire pour lui. Je me sens bête, tout d'un coup. Ai-je imaginé ou mal-interprété sa tendresse de la veille ?

« Hum, oui, bien sûr. Bon ben... Bonne nuit, alors.

— Bonne nuit. » dit-il avant de poursuivre son chemin avec indifférence.

La distance et le détachement dans sa voix me heurtent plus que je ne le voudrais. Dépitée, je m'assois sur une marche d'escalier. Après tout, il est peut-être simplement concentré sur sa mission qui approche.

C'est Scott qui me sort de mes pensées une dizaine de minutes plus tard en me trouvant au même endroit.

« Ça va ?

— Oui, et toi ? réponds-je avec un sourire. Prêt pour la mission de demain ? J'aimerais bien pouvoir vous aider, mais j'ai aucune compétence dans tous ces trucs de super héros.

— Ce sont des choses qui s'apprennent, tu sais. Avec de l'entraînement et ta force de caractère, je suis sûr que tu pourrais botter les fesses des méchants, toi aussi.

— La dernière fois que j'ai demandé à Sam de me montrer des techniques de combat, il m'a posé un tas de questions pour finir par rigoler et refuser.

— Il changerait peut-être d'avis aujourd'hui.

— Peut-être. » répété-je pensivement.

Nous restons quelques temps à discuter avant que Sam se pointe et nous envoie au lit en me reprochant de fatiguer son équipe.

Le lendemain matin, je reste longtemps dans mon lit, espérant qu'ainsi la journée se déroulera plus vite. Pourtant, c'est excessivement lentement qu'elle s'écoule.

Ils ont beau être discrets, les agents qui assurent notre sécurité nous rappellent inévitablement la menace qui pèse sur nos têtes. Je serai plus tranquille quand nos kidnappeurs seront tous derrière les barreaux.

La seule animation de la journée est notre première séance avec la psychologue pendant laquelle nous partageons nos ressentis sur l'enlèvement et la violence que nous avons vécu. Si en parler me fait du bien, ça a l'air de soulager encore plus Sarah, dont le visage chargé d'inquiétude depuis notre arrivée ici semble enfin se détendre un peu.

Nous restons tard à veiller, attendant impatiemment le retour de nos amis sans savoir à quelle heure ils rentreront. N'en pouvant plus de tourner en rond, je finis par sortir m'aérer l'esprit. La nuit est claire et mis à part quelques agents en uniforme, le complexe est désert.

Le Quinjet apparaît finalement à l'horizon, jusqu'à se poser à côté de moi en faisant voler mes cheveux. Je regarde ses passagers en descendre, ne cherchant qu'une seule personne. Quand mon regard croise enfin le sien, je crois voir une lueur y passer. Ou peut-être que je me l'imagine, car il détourne bien vite les yeux et me dépasse sans même me saluer. Je reste sans voix en le suivant du regard. Les autres me saluent et Sam m'annonce avec engouement que la mission a été un succès. Je les félicite et les remercie avant de monter me coucher.

J'ai beau me retourner encore et encore dans mon lit, je ne parviens pas à trouver le sommeil. J'analyse une centaine de fois la réaction de Bucky sans trouver la moindre explication qui tienne la route pour justifier son comportement.

N'y tenant plus, je me lève et vais frapper à la porte de sa chambre. Parfaitement réveillé, il semble étonné de me trouver là. Je n'attends pas qu'il m'invite pour entrer.

« Qu'est-ce qu'il y a ? m'interroge-t-il en refermant la porte derrière moi.

— C'est plutôt à toi de me dire ce qu'il y a. Tu as passé les dernières 48 heures à m'ignorer.

— Je ne t'ai pas ignorée.

— Alors c'est quoi toute cette distance soudainement ? N'essaie pas de me faire croire que c'est le fruit de mon imagination. »

Il soupire et va s'asseoir sur son lit. Je m'adosse contre le mur face à lui, les bras croisés.

« Toutes ces dernières années, quand je partais affronter des ennemis tous plus cinglés les uns que les autres, j'y allais sans attache. Ce manque d'attache, c'était ma force. Personne ne comptait assez pour moi pour qu'on puisse s'en servir contre moi. Il n'y avait que Steve, et il savait se défendre. L'autre jour, ils ont réussi à se servir de toi contre moi. Et ça, je ne peux pas l'accepter.

— Et donc quoi ? Tu as décidé de t'éloigner de moi jusqu'à ce que je disparaisse par magie ?

— Je voulais t'éloigner de moi avant qu'il ne soit trop tard.

— Trop tard ?

— Qu'il t'arrive quelque chose, ou que... que je sois trop attaché à toi pour y parvenir.

— Je ne suis pas sûre de comprendre, là. Tu es en train de me dire que tu essaies de t'éloigner de moi parce que tu as peur que je devienne une faiblesse, et que comme tu n'es pas assez attaché à moi tu n'as aucun mal à le faire ?

— Je veux juste te protéger.

— Non, tu veux te protéger en m'abandonnant et en te forgeant un pseudo cœur de pierre comme si tu étais imperméable à toute émotion. Tu crois que Sam va couper les ponts avec sa famille ?

— Justement, lui il ne peut pas.

— Alors que toi tu peux, parce que je ne suis pas assez importante pour toi. »

Un silence pesant suit mon constat, pendant lequel il n'essaye même pas de nier.

Blessée, je tourne les talons et m'enfuis. Une fois dans ma chambre, je ferme la porte et m'y adosse pour laisser mes larmes dévaler mes joues.

Et dire que j'étais en train de tomber amoureuse de ce super héros de pacotille. 

Au risque de t'aimer | Bucky BarnesWhere stories live. Discover now