Les Roses Blanches

Décembre

- Et Anthony il tient le coup ?
- Je sais pas trop...quand je vais le voir il fait genre tout va bien...Et Rayane ?
- Rayane...il est en prison pour longtemps...Il fait le dur aussi, mais je crois que c'est pas simple pour lui.
- Je suis désolée...
- Merci pour lui...Mais bon...ça nous pendait au nez de toutes façons.

Peu de temps après le cambriolage désastreux chez Mme Perrin, la police avait débarqué à six heures du matin chez Nassim. La BAC avait tout retourné et rien trouvé, avant de penser à aller vérifier la cave de l'appartement qui était remplie de shit, jusqu'au plafond. Ses parents en ont été morts de honte, surtout qu'ils croyaient que l'argent que Rayane rapportait provenait de son temps plein à Quick. Les sommes étaient bien plus élevés que ce qu'un salaire de fast-food, mais bon, Rayane était censé faire des heures sup, tous deux avaient perdu leur travail et derrière Nassim, il y avait encore deux enfants à élever. En plus comme disait Nassim un sourire amer au coin des lèvres, le trafic de Rayane avait toujours été un peu minable. Il ne gagnait pas grand-chose, il en était pas à échanger sa Panda pour une Audi.

Récemment il avait eu des contacts avec des dealers, des vrais et c'est eux qui lui avaient donné le stock. Il s'était fait pincer comme un bleu. Et si avant le quartier fermait plus ou moins les yeux sur sa petite bande de pieds nickelés, avec la descente de police, les voisins parlaient sur sa famille, et son père était tout bonnement mort de honte, lui qui avait toujours mis un point d'honneur à être respecté.
Nassim a les yeux dans le vague et s'est assis comme un enfant, tout replié et le menton posé sur son genou. Amandine ne sait pas trop quoi faire, à part se taire et l'écouter. Au moins comme ça elle ne dit pas de conneries et en plus il a l'air d'avoir besoin de parler.

- Je me sens tellement mal pour mes parents...

Il se rappelle encore du regard des policiers, des cris de sa mère et des pleurs de ses sœurs. Son père est resté stoïque, immobile, et c'était presque pire. Ils sont venus très tôt le matin, quand tout le monde dormait encore. Et dans leur regard, il n'y avait aucune surprise, aucun doute, peut-être même un peu de mépris et ça, ça l'avait blessé au-delà du descriptible quand il avait vu leurs yeux se refléter dans ceux de sa mère.

Elle n'y croyait pas. Elle le répétait. Que son Rayane était un bon fils, qu'il travaillait jour et nuit pour les aider et Nassim s'était enfui, ou presque dans la chambre de ses sœurs, soit disant pour les recoucher, en réalité pour fuir ce qui allait se passer. Depuis trois semaines Rayane avait installé un énorme cadenas sur la porte de leur cave.

- Et ça Madame? C'est quoi? Des chocolats de Pâques?

Deux avaient ri. Et son père ne disait toujours rien. Il s'était juste assis dans son fauteuil - depuis qu'il était tombé d'un échafaudage, il avait perpétuellement mal au dos - et avait fixé le mur opposé jusqu'à ce qu'ils repartent.

- Ils m'ont demandé si je savais. J'ai dit que non. J'ai été lâche.

Il avait passé tellement de temps à supplier Rayane d'arrêter. A lui dire qu'il pouvait lui aussi prendre un boulot après l'école, qu'ils pouvaient se serrer la ceinture et son frère avait dit pas question. Toi tu travailles, toi tu as un avenir, et quand tu seras avocat, médecin ou ce que tu veux, alors tu pourras mettre la famille a l'abri et j'arrêterai. Rayane avait tellement toujours été un bloc de détermination que c'était impossible de le faire changer d'avis.

- Enfin bon, au moins pour moi c'est fini tout ça maintenant.
- Pourquoi maintenant ?
- Je vais partir, à la rentrée de Janvier.
- Partir ? mais où ?
- En banlieue parisienne, chez mon oncle...Mes parents veulent que je quitte le quartier à cause de...tout ça...Alors comme mes cousins sont dans un bon lycée privé ils vont m'inscrire là-bas avec eux. Mon oncle gagne bien sa vie donc il paiera les frais d'internat et d'inscription.
- Alors tu t'en vas pour de bon ?
- Je reviendrai les weekends...
- ...