Chapitre 10

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C'était désagréable de se faire tatouer, et cela prenait du temps. La jeune femme se mordit la lèvre inférieur lorsque l'aiguille continua de pénétrer sa peau pour tracer un trait éthéré. Elle avait choisi de se faire encrer des nuages, symbole évident des Bruadar. Elle était en passe de devenir l'un des plus jeune Maître de la guilde. En dehors de cela, les Bruadar signifiait beaucoup pour elle. C'était la preuve qu'elle s'était construite comme elle le désirait et non comme sa mère aurait pu le vouloir. Elle n'avait pas laissé de place au traumatisme. Brandan l'Hirsute ne peuplait plus ses cauchemars. Dans deux mois elle aurait vingt ans. Cela ferait dix ans qu'elle se consacrait à sa formation. En dehors de Taranis, Jacob et Douce, c'était toute sa vie et tout ce qu'elle était. Un ligne de nuages barreraient le bas de son dos pour en attester. En attendant, seule l'euphorie de cette idée l'aidait à tenir. Jamais elle n'aurait pensé que cela puisse être aussi inconfortable. Intérieurement, elle grimaça. Elle en avait encore pour une bonne heure.


Ils apprirent la mort de Douce au retour d'une exploration à Endgard. Wisna s'était une énième fois émerveillée devant la faune et la flore si spécifiques au monde, elle ne se lassait jamais de découvrir des bestioles ou des plantes qui n'existait pas à ML ou dans les autres mondes qu'ils avaient déjà visité. La réaction de Taranis fut cataclysmique. Il ne s'énerva pas, non, il ne prononça pas un mot. Ce fut le fait de le connaître depuis si longtemps qui permit à l'apprentie de le décrypter. Face à un tel silence, elle ne sut quoi dire et suivit simplement le mouvement. Elle savait pertinemment que Douce était plus qu'une épouse pour Taranis. C'était une vraie compagne, un garde fou à sa folie. C'était le problème quand on vivait longtemps, sans un être vigilent pour veiller sur nous. On se laissait submerger par sa mémoire. Ils arrivèrent la veille d'un conseil de guilde. Jacob les attendait, les joues creusées et les yeux rouges. Il était pâle à en faire peur. Pendant un instant, elle s'interrogea sur la raison de son manque d'émotivité. Cette femme avait été une deuxième mère pour elle et un facteur déterminant dans son attachement à cette famille. Puis elle réalisa qu'elle repoussait simplement la souffrance au fond d'elle. Elle lui laisserait le temps de s'exprimer, plus tard, quand elle aurait le temps et l'espace. Là, elle avait des éléments à comprendre. Douce était l'apprentie du Doyen. Pour mourir, assassinée selon leurs suppositions, il avait dû y avoir un soulèvement. Jacob confirma ces soupçons, une fois qu'ils furent en sécurité chez eux.


« Le Doyen est encore en vie, mais ses jours sont comptés, il le sait parfaitement. Ils essayent de me monter contre vous...

— Qui ? souffla Taranis.

— Iir et pleins d'autres. Ils sont devenus fous...

— Cela fait des années que la situation est instable. »


Cette affirmation crispée de la part de leur père firent d'autant plus s'inquiéter Jacob et Wisna. Nerveusement, elle gigota, avant de se figer et d'attacher ses cheveux. Une simple manie qu'elle avait hérité de son Maître.


« Pourquoi Douce ? Il n'était même pas sûr qu'elle devienne Doyenne, finit par demander Wisna.

— Parce qu'ils cherchent à ébranler la guilde, à la détruire de l'intérieur. Pour cela, ils leur faut anéantir ses piliers. Le Doyen, Ignis, Douce, bientôt toi...

— Je ne suis même pas encore passée Maître. »


Ignis, le Maître de Jacob, était proche de la famille. Elle avait du être ravagée par cet assassinat. Plus tard, Taranis confirma cela, expliquant qu'Ignis avait grandi avec Douce. Jacob était allé se coucher, épuisé par toutes ces émotions. Elle ne savait pas s'il arriverait réellement à dormir. Mais elle savait pertinemment, qu'elle ne trouverait pas le sommeil avant un bon moment. Se penchant en avant, elle fixa Taranis dont le regard était perdu dans les flammes. Ses mains étaient crispées sur les accoudoirs, seul signe de tension chez lui. Elle comprit qu'il luttait pour ne pas céder à ses propres Ombres, à son désir de vengeance et de sang. Lentement, elle posa une main sur la sienne, tentative médiocre de le réconforter. Il se détendit imperceptiblement.

Mara-bruadar - NaNoWriMo 2023Où les histoires vivent. Découvrez maintenant