Prologue

1.1K 88 20
                                    


Toronto, Canada

30 septembre


Celui qui creuse un trou pour autrui y tombe lui-même.

Ce sont les derniers mots prononcés par le juge de la Cour suprême de Toronto avant que la sentence ne tombe. Dix ans d'emprisonnement, dont six années de sureté.

— Tu as entendu, Juliette ?

Assise sur l'un des bancs de la défense, je suis parcourue d'une onde de choc.

— Oui, murmuré-je.

Je reste figée, la gorge nouée par l'émotion qui m'envahit. À mes côtés, ma grand-mère me prend dans ses bras pour me réconforter, sa chaleur enveloppant mon cœur meurtri.

Des exclamations de joie s'élèvent dans le tribunal, félicitant le jury et le juge pour la sentence rendue. L'année d'attente, de peine et de douleur semble finalement trouver un peu apaisement dans la décision prononcée.

— Ne traînons pas, lance mon père, ému, en caressant mon visage.

La chaleur de ses doigts chauds contre ma peau me fait sortir de ma torpeur.

— Tu as raison. Je n'ai pas envie de rester ici plus longtemps.

Je prends une grande inspiration et j'essuie les larmes qui coulent sur mes joues. J'aimerais pouvoir sourire comme la majorité des personnes présentes autour de moi et me ravir de ce moment, mais je n'y parviens pas. J'ai l'impression d'être plongée dans un brouillard qui ne s'estompe pas. Un brouillard dans lequel je m'enfonce sans jamais apercevoir la moindre lueur ou le moindre espoir d'une vie meilleure.

— Juliette, tout va bien ? me demande l'un des avocats de la défense qui a tant œuvré dans ce dossier pour faire condamner Woody Smith, un jeune homme asocial et transi d'amour pour ma colocataire qui n'a eu de cesse de repousser ses avances.

N'acceptant pas un énième refus de sa part, il l'a assassinée. Jamais je n'oublierai cette tragique nuit d'hiver, deux ans plus tôt, qui a fait basculer ma vie dans l'obscurité.

Les souvenirs horribles défilent soudainement sous mes yeux.

Le sang. Le marteau. Le corps inerte dans le lit.

Je secoue la tête pour chasser ces images de mon esprit et je me lève brusquement sous les expressions compatissantes de mes proches.

— J'étouffe, confié-je à ma grand-mère qui me saisit par la main.

Sur le point de quitter la salle d'audience, je croise le regard froid et mauvais du criminel. Il a trente ans, mais est si frêle et a une bouille si enfantine qu'on ne lui en donne que dix-huit.

Un frisson d'appréhension parcourt mon corps avant que la terreur ne fasse palpiter le sang dans mes veines.

Un monstre se cache sous ses airs de gars timide et inoffensif. Un monstre qui me délivre un message sans se soucier d'avoir tous les regards braqués sur lui.

Ce n'est pas fini, dit-il après quoi, il baisse la tête comme un petit malheureux sur lequel la vie s'acharnerait.

Ses paroles n'ont pas échappé à son avocat. Il se plante devant lui, l'air grave.

J'ai l'impression d'être dans un cauchemar interminable. J'ai chaud, ma respiration s'accélère et mon cœur s'emballe. C'est plus que je ne peux en supporter.

Il cherchera à se venger, c'est sûr.

— Juliette, tu es pâle. Sortons, insiste mon père.

J'acquiesce, tremblante.

En quittant la salle, je jette un dernier coup d'œil, hésitant, par-dessus mon épaule. Le regard de Woody, empreint de haine et de rancœur, s'ancre en moi comme un présage funeste. Je sais que les esprits sombres ne se résignent pas facilement à leur sort. Sa rage ne tardera pas à se déchaîner à nouveau et je serai prête. Je l'affronterai.


N'hésitez pas à commenter ;)




Savage loveWhere stories live. Discover now