Chapitre 20

382 63 5
                                    


21 octobre

« Une voix résonne en écho tout autour de moi.

— C'est ton tour. C'est ton tour, répète-t-elle dans un murmure.

Une rue sombre s'étend devant moi, comme une plaie béante dans une ville endormie. Les pavés grincent sous mes pas. L'air est oppressant, figé dans un silence effrayant. Soudain, un frisson glacial me parcourt l'échine. Je me retourne pour apercevoir une silhouette toute de noir vêtue. Elle est une ombre implacable à ma poursuite.

Mon cœur frappe violemment contre ma poitrine et je m'élance dans la rue déserte. Mes foulées résonnent. Elles sont un écho sinistre de ma propre terreur. Mes cris percent le silence nocturne. J'appelle à l'aide. Malheureusement, l'endroit demeure muet. Si bien que je me demande si je ne suis pas dans une ville fantôme.

L'ombre persiste, insatiable, se rapprochant un peu plus seconde après seconde. Je sens le poids de sa présence qui me talonne. Elle est une menace sans visage. Mes jambes brûlent, mais je continue de courir. Permettre à la peur de l'emporter reviendrait à signer mon arrêt de mort. Il n'en est pas question.

Soudain, l'inconnu tend le bras et parvient à se saisir de ma capuche. La hache qu'il brandit scintille dans la lumière pâle qui filtre entre les maisons. Mon souffle se coupe et je stoppe le percutant de plein fouet alors que le monde se désagrège sous mes pieds. Tout s'assombrit jusqu'à disparaître.

— C'est ton tour, me chuchote mon assaillant à l'oreille bien qu'il se soit volatilisé.

Je virevolte à sa recherche.

Il apparaît et s'éclipse dans un voile de fumée. Il est insaisissable, me tourne autour, prend un malin plaisir à m'effrayer. Je poursuis ma course effrénée dans ce lieu qui sombre qui respire le désespoir.

Il jaillit devant moi.

D'un geste rapide, il retire sa capuche, dévoilant un vide à la place du visage.

Je m'arrête net, le souffle court, fixant cette absence de "vie" avec panique. Aucun cri ne franchit mes lèvres, car même la terreur semble figer dans ma gorge. Elle me donne l'impression d'étouffer.

La hache s'élève et s'apprête à s'abattre sur moi... »

Je m'éveille en sursaut, les draps collés à ma peau moite. La chaleur suffocante de mon cauchemar m'oblige à repousser la couette pour chercher un peu de fraîcheur. Je me laisse tomber dans le lit, les mains plaquées sur le visage.

— Ce n'était qu'un mauvais rêve, me persuadé-je en me mettant à fixer le plafond que lequel se reflètent les rayons de la lune.

Une anxiété diffuse serpente dans mes veines, me poussant à sortir du lit. Je me lève, le sol frais sous mes pieds nus et je commence à marcher. Je fais les cent pas dans ma chambre. L'air nocturne ne semble pas apaiser la fièvre qui me consume de l'intérieur. Les souvenirs du rêve s'effilochent. Ils laissent derrière eux une sensation d'inconfort persistant. Je ne me vois pas me rendormir maintenant.

Alors que je traverse la pièce accompagnée par les miaulements de Pudding, je pousse un cri. Le chat cavale dans le couloir. Une silhouette semble se découper derrière la fenêtre, immobile. Je retiens mon souffle, mes yeux écarquillés fixés sur l'ombre étrange. La bouche sèche, j'essaie de déglutir sans y parvenir. Mes lèvres tremblent. La chair de poule fait se lever les poils sur mes bras. Je recule en saisissant mon portable sur la table de nuit persuadée que mon imagination s'égare.

Secouant la tête pour chasser des pensées irrationnelles, je m'approche de la fenêtre. D'un geste brusque, je tire sur les fins rideaux révélant un extérieur qui paraît désert. Aucune menace. Aucun individu qui essaierait de m'épier. Un soupir de soulagement s'échappe de mes lèvres, et je me convaincs que mon esprit fiévreux m'a joué des tours.

Je vais dans la salle de bains me rafraîchir le visage après quoi, je fais une halte par la cuisine pour boire un verre d'eau froide.

De retour dans mon lit, une pulsion irrésistible me pousse à envoyer un message à Andrew. En ce moment, il est ma dose de positivité. Penser à lui me fait oublier les tracas du quotidien et me permet d'occulter, même si ce n'est qu'éphémère, des pensées effroyables.

« Bonsoir », je tapote, souhaitant rompre ce moment de solitude.

J'hésite à envoyer le message. Il est deux heures du matin.

Après un court instant de réflexion, j'appuie sur envoyer.

Sa réponse ne tarde pas à clignoter sur l'écran.

« Mme Campbell, il est temps de vous endormir. »

J'esquisse un sourire en lisant sa réponse.

« M. Thompson ne dort pas non plus. »

Immédiatement, une idée désagréable me vient en tête. Et s'il n'était pas seul. Andrew devance ma pensée en m'envoyant une photo de lui, allongé dans son lit. La lueur de sa lampe de chevet me révèle qu'il est torse nu. La couverture lui tombe à la taille. Il sait comment gagner des points.

« Ai-je marqué un essai ? »

« Un essai qu'il faudra transformer ! »

J'ai droit à une nouvelle photo de lui dévoilant sa hanche. C'en est assez pour que je comprenne qu'il dort nu et que mes sens s'éveillent. Il est tellement séduisant que j'en salive. L'effet Andrew Thompson incontestablement.

« C'est presque transformé... », lui réponds-je avec un smiley au sourire coquin.

En ce moment, il en faut peu pour m'émoustiller tant j'ai joué la carte de la solitaire.

« Presque, ne fais pas partie de mon vocabulaire. Nous en reparlerons... »

Allongée dans mon lit, je passe la main sur ma poitrine, puis sur mon ventre qu'elle traverse pour s'arrêter entre mes jambes. Fermant les yeux, je pense à Andrew et à ce qu'il me ferait s'il se trouvait à mes côtés dans le lit. Je l'imagine se rapprocher et se coller contre moi, son sexe en érection se calant contre mes fesses. Ils me prodigueraient des caresses irrésistibles. Ses doigts se baladeraient sur mon corps bouillant puis s'aventureraient entre mes seins avant de se glisser entre mes cuisses. Les images que je visualise me volent des gémissements quand un claquement retentit. Je sursaute et m'extirpe du lit sans lâcher la fenêtre du regard. Je tire doucement sur le rideau. Le bruit provient du volet que le vent a certainement fait claquer contre la façade. Je m'apprête à ouvrir la fenêtre mais je m'arrête au dernier moment en me rappelant du sujet abordé aux informations. Si un tueur se balade dans le comté de Cork, ouvrir la fenêtre pour fermer les volets en pleine nuit n'est pas une bonne idée.

Préoccupée, j'oublie le plaisir que je me procurais en pensant à Andrew et je fais le tour de l'annexe le portable à la main. Au bout de cinq minutes à vérifier et revérifier les verrous, je retourne dans ma chambre et je prends connaissance des derniers textos envoyés par le rugbyman.

« J'organise une petite soirée le 31. Tu seras dispo ? Costume obligatoire »

Cette proposition réchauffe mes pensées glaciales. Je suis fatiguée de vivre un grand huit émotionnel.

« Avec plaisir. Il est temps que je dorme un peu. Bonne nuit. »

« Bonne nuit, ma belle Juliette. »

Ce dernier message me réchauffe le cœur.

Au bout d'une demi-heure, je m'abandonne à la fatigue... mais je ne dors que d'un œil.

***

N'hésitez pas à voter ;)

Savage loveWhere stories live. Discover now