𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝟖

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Sana

Dans la voiture du chauffeur personnel de mon beau-père, je fixe mon téléphone et les derniers messages reçus.

Il y en a une tonne.

Tous au nom de Leen.

Vous allez bien ?

Qui êtes-vous ?

Si vous voulez parler, je suis là.

Je peux vous aider.

Je vous connais ?

Répondez moi, je m'inquiète.

Dites moi juste si ça va mieux.

Sans lire le reste, je verrouille l'écran fissuré, encore bouleversée par les événements de la veille.

Le numéro de ma meilleure amie appartient à quelqu'un d'autre... me répète en boucle mon cerveau comme pour s'assurer que je ne l'oublie pas, comme si ça pouvait arriver.

Mais ce n'est pas seulement le fait qu'un inconnu a volé son numéro qui me tracasse autant. C'est surtout parce que cela veut dire que j'ai perdu une des seules choses qui me restait d'elle : sa voix, ses paroles, son ton rassurant.

Après l'appel d'hier, j'ai eu envie de détruire ma chambre juste pour ressentir un semblant de soulagement. Mais je me suis contenue. J'ai fini ma cigarette, en consommant le tabac au maximum, puis je me suis assise devant mon bureau, j'ai allumé une bougie et j'ai signé l'autorisation parentale moi-même.

Je ne peux plus attendre après les autres pour avoir ce que je veux. Je peux le faire seule. Cela a toujours été ainsi.

—  Passez une bonne journée, me dit le conducteur quand je sors du véhicule.

— Merci, réponds-je en claquant la portière.

Cette fois, je ne bouscule personne avant d'entrer dans le bâtiment. Et fort heureusement d'ailleurs car je ne crois pas que j'aurais pu rester calme.

Près de mon casier, j'observe Jaz qui remplit le sien. Je me munis d'un cahier, verrouille la portière et vais la rejoindre. Arrivée à sa hauteur, je rabaisse mon casque sur ma nuque.

— Salut, tenté-je.

Elle me jette un regard surpris. Et je ne peux que la comprendre. Cela doit être étrange pour elle que je revienne lui parler après la scène d'hier. Mais pour moi c'est mon quotidien. J'agis mal, sans réfléchir, manipulée par mes sentiments négatifs, par des peurs compliquées, et je repousse le monde entier. Puis le soir, lorsque la lune fait son apparition, je regrette mes paroles.

— Coucou, répond-elle avec peu d'enthousiasme.

Je ne pourrais jamais m'excuser face à quelqu'un. J'ai compris jeune que c'était une marque de faiblesse. Mais j'avouerais que j'en ressens l'envie quelquefois au fond de moi. Et là, c'est le cas.

C'est vrai que j'ai du mal avec les gens depuis la perte de mon amie, mais je n'ai pas non plus envie de rester seule toute ma vie. En fait c'est comme si je me persuadais d'aimer la solitude, en la détestant secrètement.

— Je n'aurais pas dû agir ainsi, hier, dis-je.

Elle referme derrière elle avant de me faire face. Je vois qu'elle se retient, mais ses lèvres roses s'étirent légèrement.

— Tu essaies de t'excuser là ? dit-elle.

Je hausse les épaules, lui offrant la seule réponse dont je suis capable. Et cela semble la satisfaire car cette fois, elle sourit complètement, avant de me sauter dans les bras et de me serrer un peu trop fort.

SPLEENWhere stories live. Discover now