CHAPITRE 44 - Souvenirs d'Angie

85 9 0
                                    

Je descends les marches une à une, anticipant déjà notre « rencontre ». Cela fait tellement d'années que je n'ai pas vu Gabriel, que mon cœur bat la chamade à l'idée de recroiser sa route.

Je n'ai absolument pas envie de le voir...

Deux semaines à me coltiner sa face de rat...

Et pour l'insulte, je reste encore gentille.

Pourquoi je le hais autant ? Parce qu'il m'a abandonnée il y a des années, provoquant ainsi l'expérience du premier cœur brisé, même si pour la plupart de mes proches, cela n'avait l'air de rien.

Je descends les trois dernières marches et tombe enfin sur lui. La source de toutes mes angoisses. Ma respiration s'accélère drastiquement. Je suis figée, sentant peu à peu mon corps abandonner toute motricité.

Je me racle la gorge pour attirer son attention et, déjà, lorsqu'il pose son regard sur moi pour la première fois, je sens de la rancœur. Peut-être même de la haine. Mes émotions semblent décuplées. Le jeune homme remarque bien entendu ma présence, mais efface son sourire narquois et détourne rapidement son regard de moi pour le verrouiller sur ma mère, qui s'adresse à lui en lui posant différentes questions farfelues auxquelles nous avons déjà les réponses.

« Ah, tu es enfin là ? »

« Tu es fatigué ? »

« J'espère qu'on t'a manqué ? »

La réponse est évidemment « non » pour la dernière. Cela ne fait aucun doute, vu son attitude. Même le feu pourrait geler à son contact.

Tout à coup, ma mère se tourne dans ma direction avec une lueur menaçante dans le regard. Elle s'adresse alors à moi :

— Bah alors, Angie ! Viens dire bonjour !

J'aurais voulu disparaitre. Enfiler la cape d'invisibilité de ce cher Harry. Mais je suis coincée. Alors, je m'exécute et m'approche de Gabriel, qui me terrorise. Je lève le menton lorsque j'arrive près de lui et lui tends la joue. Sa poitrine se soulève lentement, peut-être trop lentement pour paraître vrai face à cette situation.

Nous sommes tous sur les nerfs depuis ce matin, pourquoi cela serait-il différent pour lui ?

Est-il réellement au-dessus de tout, comme ça ?

— Allez, Angie, bon sang ! M'encourage encore une fois ma mère.

— Ça va...

Je me mets sur la pointe des pieds, et lui donne une bise, qu'il me rend instantanément. La chaleur de sa peau me ramène à des centaines de souvenirs douloureux. Et pendant que nous nous embrassons, je perçois son regard de glace.

— Salut, m'envoie alors Gabriel.

Je constate alors que ses yeux me mitraillent de haine à travers ses pupilles incandescentes. Je bats nerveusement des paupières à cette constatation.

Son regard froid, malgré ses iris brûlants et ses cils noirs qui rendent son regard sombre tellement captivant, me dévisagent sans piper un mot. C'est comme si l'écoulement du temps s'était interrompu, comme si nous voguions dans un univers parallèle.

— Eh bien dites donc... Ça faisait un bail ! Constate ma mère.

À ses mots, le jeune homme me fixe ardemment en faisant la grimace, comme si j'étais la dernière personne qu'il aurait aimé croiser sur cette terre. J'ai presque envie de le frapper, mais ce geste m'enverrait directement en enfer, assassinée par les mains de ma propre mère.

LE BAISER DE L'ANGEWhere stories live. Discover now