IV | PEARL

550 28 95
                                    



2010. Dix-neuf ans.
Forks, Washington.

Mon ouïe détecte une voix que je connais par cœur. Mon corps se fait secouer, je suis trempée et congelée. J'essaie d'ouvrir mes paupières, mais ce fut en vain. Mon corps ne touche plus le sol, et je sens une chaleur humaine m'envelopper.

– Bordel de merde Pearl, qu'est-ce que t'as encore foutu.

C'est donc Alexander qui me porte. Il fallait que ça tombe sur lui. Je remue mon corps pour essayer de me défaire de sa prise. Il lâche un grognement de mécontentement alors, j'ouvre subitement les yeux.

Son visage paniqué me fait face, et c'est là que je me rends compte. J'ai fait une grosse connerie en venant ici.

– Est-ce que ça va ? Tu as besoin que j'appelle une ambulance ? me demande Alexander.

Je ne réponds pas tout de suite, concentrée sur notre proximité. Le toucher d'Alexander est le seul que mon corps et mon âme acceptent. Je ne sais pas pourquoi, mais dès que nous nous sommes rencontrés, dans le parc, mon esprit s'est immédiatement vidé.

– Oui, ça va, dis-je en m'écartant de son emprise, qu'est-ce que tu fais ici, à cette heure ?

Il lève la tête vers le ciel, sûrement pour éviter mon regard empli de questions. Ses yeux s'accrochent aux miens, comme autrefois. Deux aimants.

– Je me baladais dans la forêt, en pensant à Lisa et d'où elle pourrait être. Puis je t'ai trouvé à moitié dans la rivière, tu avais perdu connaissance. Je pense que tu as dû te prendre un coup en tombant, tu as un bleu sur la joue, il me répond, en plaçant ses mains dans ses poches.

Je hoche la tête en regardant la forêt pour fuir son œillade. Le fuir lui. Je passe mes mains sur mes vêtements trempés, essayant de les faire sécher. Alexander remarque que je tremble de froid, alors il s'avance vers moi d'un pas hésitant avant d'enlever sa veste.

– Tiens, prends ma veste, je te rends l'appareil.

Mes yeux s'écarquillent en entendant cette phrase qui fait remonter énormément de souvenirs. À notre rencontre, je lui avais donné ma veste. Celui-ci tremblait de froid avec ses vêtements déchirés.

Je hoche négativement la tête, je ne veux pas. Je ne peux pas.

– C'était pas une question, Pearl, il me répond, en la mettant sur mes fines épaules.

Je chuchote un merci avant de reculer pour laisser une certaine distance entre nous. Je l'entends marmonner des choses incompréhensibles, puis il se met à parler, pour mon plus grand malheur.

– Je t'accompagne chez toi, il m'ordonne en se mettant en route.

Je ne bouge pas d'un poil, n'osant pas lui dire ce qui me tracasse. Il se retourne, attendant que j'avance.

– Je ne veux pas rentrer chez moi Alexander. Je ne peux pas, je chuchote, la voix tremblante.

Il se retourne et marche à grandes enjambées avant d'arriver devant moi. Ses yeux parcourent chaque parcelle de mon visage avant de s'arrêter dans mes yeux glacés.

Il passe une main sur mon épaule, la serrant un peu, avant de me gratifier d'un léger sourire.

– Je comprends. Suis-moi, on va aller chez moi pour que tu puisses te changer, ensuite, je te déposerai à l'arrêt de bus, ça te va ?

La sonnerie de mon téléphone nous coupe brusquement, affichant le nom de Nelli. À la fête du début d'année, celle-ci m'a donné son numéro. Nous nous sommes bien rapprochées et c'est maintenant mon amie.

DimensionWhere stories live. Discover now