Chapitre 22

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Lilith

«Ne vous habituez à personne, tout le monde finit par disparaitre.
Anonyme.
»

Je regarde le sol, les yeux humides. Le luminaire éclaire la pièce, mais le moment reste sombre. Mon père garde la tête baissée, une oreille semi-attentive aux paroles dites.
Une dame âgée que je ne connais pas, vêtue de couleurs sombres, prend la parole :

«- Sabrina a toujours gardé le sourire. Elle était heureuse, et sa présence nous rendait aussitôt joyeux. Je suis reconnaissante pour tous les bons moments passés à ses côtés. Elle restera toujours dans mon cœur, à jamais.»

Je revois mamie chanter et danser dans le salon, avec sa bonne humeur rayonnante. Je la revois m'écouter pendant que je raconte ma vie. Je la revois vivre, tout simplement.
La dame retourne s'assoir et mon père est appelé pour intervenir. Il fait un bref signe de la main indiquant qu'il passe son tour. Je le dévisage. Il ne semble pas pleurer, mais il doit sûrement se noyer dans ses pensées. Ce n'est pas tous les jours qu'il met une chemise noire.
J'ai réussis à tenir le coup, avec l'aide de Jordan, me rassurant dans ma chambre. Il m'a enlacé entre mes larmes, des larmes plus envahissantes que jamais, où elles se font petites en ce moment. Je ne cesserais cependant jamais de pleurer pour sa mort.
Une image de Ruby arrive soudainement dans mon esprit. Je ne peux retenir quelques larmes supplémentaires, réalisant que la mort est une épreuve qui nécessite beaucoup de temps pour en faire le deuil. C'est peut-être une épreuve dont je ne pourrais jamais faire le deuil.
Les personnes les plus joyeuses sont les personnes qui nous font le plus de mal lorsqu'elles partent. Parce qu'elles partent, gardant avec elles leur bonne humeur.

***

Nous entrons dans la classe, le professeur nous tenant la porte. Un air renfrogné, le professeur semble de mauvaise humeur. Nous nous dépêchons alors de nous installer à nos places, lorsqu'il arrête une fille entrant dans la classe.

«- Mademoiselle. Je vous envoie chez le proviseur.
- Qu'est-ce que j'ai fait ? demande-t-elle, interloquée.
- Votre tenue, répond-t-il fermement, lui tenant le billet d'exclusion.»

La fille semble regarder le professeur avec dégoût. La classe est silencieuse, ce n'est pas la première fois que ça arrive, mais reste consternée. Elle prendre le billet, baissant la tête, regardant sa jupe courte.
De quel droit un homme peut-il juger la tenue d'une femme ? Surtout dans le système scolaire, pourquoi nous devons faire des efforts, pour eux ?
J'entends quelques garçons chuchoter et insulter la lycéenne en question.

«- Vous pouvez pas vous taire ?! j'ose leur dire
- Pff...répond l'un d'entre eux avant de reprendre leur discussion.»

Quel système de merde. On doit avoir une tenue appropriée, parce que personne n'a appris aux garçons de se retenir. C'est dégoûtant, que le système scolaire pense que c'est de notre faute si un garçon est trop curieux. Lorsqu'on se fera violer, on ira au commissariat et ils nous demanderont «Quelle était votre tenue ?» C'est absurde.
Après l'heure, dans le couloir, je m'arrête en remarquant une affiche

« Représentante des lycéennes»

Encore un de ces concours stupides. Je reprends ma route, mais je revois soudain le sourire de ma grand-mère, qui m'aurait encouragée à y participer. Je reviens devant l'affiche. Je la fixe. Une lycéenne de «google images» sourit, le pouce en l'air. Je la dévisage.
Oui. Je peux le faire. Je vais essayer, du moins. Pour elle.

«- Tu vas quand même pas y participer ? me dit Harley, que je n'avais pas vu arriver.
- Et bien...
- Ca ne te ressemble pas !
- Il faut accepter le changement, dis-je pour conclure cette conversation.»

Elle me prend le bras et nous marchons gaiement.

«- J'ai un truc à te dire.
- Oui ?
- Tu vois l'amie que je m'étais faite sur internet ?
- Mhh ?
- Tu vas trouver bizarre ce que je vais t'annoncer, mais sache que ça l'est autant pour moi, voire plus.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Je crois que je l'aime bien.»

Mon cerveau cherche à faire le lien entre cette information et tout ce que je sais d'elle depuis notre rencontre. Harley aime les filles ? Maintenant que j'y pense, c'est assez logique. Elle n'a jamais vraiment réussi avec les garçons. Je lui souris, pour pas qu'elle s'inquiète de ma réaction.

«- Vraiment je pense que c'est la chance...»

Une notification sur mon téléphone attire mon attention, et plus encore quand je vois qu'il s'agit de ma mère. Le message décrit qu'elle est désolée pour la mort de mamie. Elle ajoute que je peux l'appeler quand je veux.

«- Ca va Lilith ? me demande Harley, voyant que je ne l'écoute plus.
- Oui oui, ça va, lui dis-je avec un sourire sincère.»

C'est là que devant moi, je remarque Rowan débarquer dans le couloir, Scarlett à ses côtés. Elle lui prend le bras, et il se laisse faire, bercé par leurs rires.
Je détourne le regard, après les avoir fixés assez longtemps pour me sentir trembler. Ils nous dépassent, et je ne peux m'empêcher d'esquisser une grimace dans leur dos. Peut-être même que je ne peux m'empêcher de faire s'écouler quelques larmes. Je songe à me diriger vers les toilettes, oubliant la présence de Harley qui me rattrape, m'empêchant de faire quoi que soit.

«- Tu vaux mieux que ça. Ils n'en valent pas la peine. Ok ?»

Je relève la tête en essayant de sourire. Elle me prend dans ces bras. Je me rends compte que toute cette merde, c'est superficiel. J'ai trouvé l'amour de ma vie, Harley est enfin là pour moi, et mon père songe à arrêter l'alcool. Qu'est-ce que ça peut me faire que Scarlett ait réussi à conquérir Rowan ? Je les ai laissés tous les deux, après tout.
C'est aussi ce que Jordan me répète, dans ma chambre, plus tard dans l'après-midi.

«- C'est pas ça qui va t'arrêter. Je suis là moi. Je vais prendre soin de toi Lilith, me dit-il en plongeant son regard dans le mien.»

Allongés sur mon lit, j'appuie sur le bout de son nez, pour le taquiner. Il appuie sur mon nez en retour, tout en imitant le clackson d'un camion. Ca me fait rire tellement ça n'a aucun putain de sens. Et c'est pour ça que mes moments passés avec lui sont aussi merveilleux.

«- Ta mère va bien ? je lui demande en me rappelant de sa situation.
- Pas tellement...
- Je suis sûre que son état s'améliorera un jour.»

Il hausse les épaules, pas très convaincu. Il caresse ma joue, comme pour me dire de ne pas m'inquiéter.

«- Tu sais, tu es parfaite Lilith, dit-il en souriant chaleureusement.
- Non. La perfection n'existe pas. Ça serait trop ennuyeux, conclus-je pour le taquiner.»

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