Chapitre 45

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Jake se tient le dos droit, les paumes posées à plat sur la table et le regard fixé sur le mur en face de lui. Derrière la vitre, Casey et Raphael observent le moindre de ses mouvements.

— Il me parait trop calme, constate Harris, je ne suis pas comportementaliste, mais durant ma carrière, j'ai remarqué que les innocents stressent davantage pendant les interrogatoires que les coupables. Pour la simple et bonne raison qu'ils ignorent de quoi nous les accusons. Ils se rongent les ongles, se tripotent les mains, demandent des explications et gesticulent sur leur chaise. À l'inverse, les coupables font l'erreur de se dire qu'en paraissant sereins, ils auront l'air innocents.

Les souvenirs de ces dernières semaines affluent dans l'esprit de Raphael. Il se revoit dans le bureau du lieutenant à quelques mètres de là. Il repense à cette boule atroce dans son estomac lorsqu'il a franchi le seuil du commissariat afin d'y déclarer le meurtre d'Hasna Malek et la disparition de Maya. À la peur d'être pris pour un fou. Les scientifiques analysent en ce moment même les fragments de peinture retrouvés sur l'épave du GMC. Ils obtiendront bientôt un modèle et peut-être un nom.

— Vous croyez que c'est lui ? demande le collaborateur.

— À vous de nous le dire. Je ne veux pas vous influencer. Son comportement peut être dû au fait que ce soit un p'tit con... ou un grand con, compte tenu de son âge.

Sam pénètre dans la salle à l'éclairage tamisé. Il tend un gobelet à Raphael qui jette un anti-inflammatoire au fond de sa gorge. Son ardoise repose sur un meuble d'appoint à côté d'un dossier et d'un magnétophone. Il ignore pourquoi il persiste à la trimballer partout. Il l'a à peine utilisée, malgré la douleur que lui inflige la vibration de ses cordes vocales. Il se rapproche du faux miroir en tentant de se remémorer l'agression, ne serait-ce que la couleur des yeux du taxidermiste, mais la porte demeure verrouillée à double tour.

— Je ne sais pas. La vérité, c'est que je ne me souviens d'aucun détail. Mes souvenirs divaguent, comme si je n'avais pas vraiment été là.

Depuis son enfance, cela lui arrivait lors de sensation de danger. Il se détache de la réalité, passant le relais à un autre lui. Il a l'impression de flotter au-dessus de son propre corps, de s'observer. Ainsi, il ne sent plus les coups, n'entend plus les cris. Lorsqu'il reprend ses esprits, les événements précédents ressemblent à un mauvais rêve nébuleux.

— Êtes-vous sûr d'avoir répliqué ?

— Je l'ai frappé à la glotte. J'ai essayé de fuir une première fois, mais il m'a retenu par la cheville. C'est à ce moment-là que je lui ai balancé ma chaussure à la figure. Une ou deux fois, avant de m'échapper. Je ne crois pas qu'il m'ait suivi par la suite.

— Nous cherchons toujours à comprendre cette histoire de cabane. Sam vous l'a certainement appris, mais elle appartenait à LeBlanc.

— Chloe l'a reconnue grâce à la tête d'élan, complète celui-ci, Emmy, sa copine dont je t'ai déjà parlé. C'est la fille de Stephen. Elles trainaient souvent là-bas, gamines.

— Nous avons fouillé les ruines de fond en comble. Nous avons bien trouvé des restes d'animaux empaillés, différents produits utilisés pour la taxidermie et des jerricanes, mais rien sur l'arme du crime. Le coupable a dû l'embarquer.

Helen Anderson entre à la hâte dans la salle d'observation.

— Puis-je connaitre les raisons de détention de mon frère ?

— Regardez par vous-même, réplique Sam, les marques correspondent. Les équipes ont interrogé Beaver, ainsi que Reagan, les Taylor et Campbell. Aucun ne présente des traces de coups aux visages. Ce n'est pas le cas de...

Le Passé Ne Meurt Jamais [En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant