Chapitre 71

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Silja

Je sentis une présence qui me réveilla. J'ouvris d'un coup sec les pans de ma tente. Les rayons du soleil qui venait tout juste de se lever se posèrent sur ma peau. Les yeux pourtant rivés sur l'horizon, je ne distinguais rien d'autre qu'un voile blanchâtre auquel je m'étais désormais habituée. Je savais cependant que deux silhouettes se dessinaient au loin. Je souris et vins m'installer sur ma chaise à bascule restée dehors. Elles étaient de retour. Yéléna avançait d'un pas sûr, s'appuyant sur ma canne, tandis qu'Elsa qui se tenait à ses côtés semblait davantage fébrile. Son pas n'était pas régulier.

Quand elles furent suffisamment proches, je leur fis signe de me rejoindre. Je retournai dans la pénombre de ma tente, emportant la chaise à bascule avec moi. Je m'y assis de nouveau et me balançai d'avant en arrière.

« Vous en avez mis du temps, fis-je en les entendant entrer.

— Nous avons eu un petit imprévu », répondit la cheffe Northuldra.

Je souris, sachant ce dont elle parlait. Mon amie glissa ma canne entre mes mains. Je l'attrapai et la posai contre mon siège.

« Peux-tu... Peux-tu attendre dehors s'il te plait Yéléna ? » demandai-je en me tournant vers elle.

Elle se retira sans protester.

« Bien, fis-je. Raconte-moi tout maintenant. »

Je tendis les mains. Il fallut quelques secondes avant qu'Elsa les saisisse et s'agenouille devant moi.

« Que voulez-vous que je vous dise ? souffla-t-elle d'un air morne.

— Qu'as-tu vu à Ahtohallan ?

— L'île est toujours recouverte de glace. Elle semble intacte malgré la chaleur qui l'entoure.

— Non, ce n'est pas ça dont je veux parler. Qu'as-tu vu dans le glacier ? »

Elle se tut. Je pressai ses mains. Elles n'étaient pas froides comme d'habitude, au contraire, elles étaient moites. Je sentis la jeune femme trembler et sa respiration se hacher soudainement. Elle pleurait.

« Je... J'ai vu ma mère... Elle ne m'a jamais semblé aussi réelle... »

Je ne répondis rien. Mon visage se crispait malgré moi. Je ne voulais pas le lui montrer.

« C'était elle le cinquième esprit avant moi n'est-ce pas ? Elle m'a transmis ce rôle à sa mort...

— Non, dès ta naissance », rectifiai-je.

Elsa tenta de retirer ses mains des miennes. Je l'en empêchai, resserrant mon emprise sur elle.

« Ce rôle comme tu dis se transmet de génération en génération, dès la naissance du premier enfant.

— Mais... Je ne comprends pas... Comment ma mère pouvait-elle être une passerelle entre le monde des humains et celui des esprits ? Elle n'avait aucun pouvoir s'apparentant aux miens ou à ceux des esprits...

— Elle a donc renié ses origines jusque-là... murmurai-je.

— Comment ça ? » demanda la jeune femme en reprenant soudainement contenance.

Je lâchai ses mains, saisis ma canne et traversai la tente jusqu'à l'étagère à côté de l'entrée.

« Vois-tu, commençai-je, ta mère était une chamane. Comme moi. »

Je tatai du bout des doigts les récipients qui s'y trouvaient et attrapai le bocal que je cherchais quand ma main se posa dessus.

« Elle possédait plusieurs dons semblables aux miens, comme la capacité d'avoir des visions. »

La Reine des Neiges 3Where stories live. Discover now