Chapitre 104

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Yéléna

Silja était partie et elle ne reviendrait pas. J'étais seule désormais, comme je l'avais peut-être toujours été finalement. Seule à affronter les critiques et les fantômes qui m'assaillaient de toute part. Et c'était moi qui m'étais mise dans cette situation depuis toujours en refusant toute aide extérieure. Je m'étais rapprochée de Silja parce que nous avions mutuellement besoin de quelqu'un pour nous soutenir dans notre solitude. Nous avions toutes les deux perdu un être cher en l'espace d'une journée. C'était notre seul moyen de panser nos blessures respectives. Elle avait toujours su me conseiller et je l'avais écoutée, malgré quelques désaccords parfois. Maintenant qu'elle n'était plus là, c'était à moi de me débrouiller.

J'étais restée enfermée dans ma tente depuis le début de la matinée et avais empêché les rayons du soleil d'y pénétrer en bloquant tous les interstices. Allongée sur mon lit, dans le noir, j'essayai de faire le vide dans ma tête. Je n'y étais jamais parvenue, c'était impossible. Et pourtant, j'essayai sans relâche. Soudain, des cris à l'extérieur m'en empêchèrent une nouvelle fois. Je fronçai les sourcils et m'interdisai d'ouvrir les yeux pour ne pas ruiner tous mes efforts. Cependant, je sentais les battements de mon cœur qui accéléraient petit à petit. Ma respiration n'était plus aussi calme.

« Calme-toi, ce n'est rien », murmurai-je à moi-même.

J'essayai de nouveau de me détendre, en relâchant tous mes muscles qui s'étaient soudainement crispés. Mais les cris reprirent aussitôt. J'inspirai profondément et tentai de comprendre ce qu'ils disaient. Ce n'était qu'un flot de voix désorganisé qui partait dans toutes les directions. Je me concentrai davantage et compris soudain. C'était mon nom qu'ils hurlaient tous. J'ouvris brusquement les yeux, attrapai mon bâton que j'avais laissé au pied du lit et me levai. J'écartai doucement les pans de ma tente. Il y avait tout un attroupement de Northuldra au centre du village. Même de loin je pouvais voir leurs poings se lever rageusement vers le ciel.

« Ton heure est venue Yéléna, tu ne peux plus rien faire maintenant.

— Oh si, je peux encore en faire des choses », répondis-je.

Je sortis et avançai d'un pas lent vers eux. Des murmures fusèrent dans tous les sens à mon arrivée.

« Silence ! » hurlai-je pour les faire taire.

Ils m'obéirent. Il n'y avait plus personne pour clamer mon nom. Leur soi-disant courage s'était brusquement dissipé. Ils semblaient ne plus avoir aucune réclamation à me faire. Eh bien quoi ? Qu'est-ce qu'ils veulent au juste ? me demandai-je. Personne ne m'en donna la réponse. Soudain, je vis un jeune homme avancer vers moi. C'était Erik. Il traînait un sac de toile derrière lui. Tout le monde le regardait. Il s'en moquait. C'était justement ça qu'il recherchait, c'était ce qu'il avait toujours voulu après tout. Attirer l'attention. Personne ne l'avait jamais admiré comme il l'aurait souhaité. On l'avait toujours considéré comme un gamin capricieux et rebelle. Mais était-ce vraiment de sa faute ? Il avait été privé tout petit de son père, le seul qui aurait pu lui apporter l'admiration et la reconnaissance qu'il recherchait. Ou plutôt... JE l'avais privé de son père. Cela avait été ma décision de l'époque. Si Aksel voulait s'occuper de cet enfant d'Arendelle – blond qui plus est – il devait partir. Je ne l'avais pas forcé à le prendre en charge, c'était son choix. Mais si j'avais su à quel point cette décision aurait des conséquences néfastes pour son fils aîné, jamais je ne l'aurais autorisé à quitter le village. Il nous en voulait à tous les deux, même au-delà de la mort de son père. Et peut-être au-delà de la mienne...

Erik grimpa sur un rocher. Je le regardai faire, sans un mot. Ce fut seulement là que je remarquai la présence d'Anna et Kristoff. La foule venait de s'écarter pour les amener de force aux côtés du jeune homme. Il y avait également Honeymaren et Ryder. Je lançai un regard rapide à la jeune Northuldra. La voir ainsi séparée du reste du groupe me faisait comprendre que ce contre quoi je l'avais avertie était en train de se produire. On les mettait à l'écart, elle et son frère, pour avoir été différents des autres. On ne les considérait plus comme faisant partie des nôtres mais comme ayant rejoint le camp adverse.

La Reine des Neiges 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant