Vampire Académie (Olone Nero t. 1) [TERMINE]

Chapitre 6

  Je n'ai même pas le temps de cligner des yeux que la créature démoniaque est déjà sur moi. D'un coup de sabot, qui par ailleurs se révèle aussi tranchant qu'une lame de rasoir, elle m'entaille la joue. Ouf. J'effectue une roulade afin d'éviter de me faire couper la carotide et d'être saignée à blanc, et me relève d'un bond. Je me mets en garde. C'est d'une inefficacité abyssale. Le Kelpie s'élance et me percute de plein fouet, me faisant voler sur trois mètres. Je me cogne violemment le dos contre la clôture, mais retrouve rapidement mes réflexes peaufinés au fil des ans et me relève en un clin d'œil. Ça fait un mal de chien ! Qu'est-ce qu'elle est rapide, cette créature. Je n'arrive à prédire aucun de ses mouvements. C'est une folie. Je vois qu'elle charge à nouveau, et je tente de l'amadouer :

- Shelly chérie, n'étions-nous pas copain il y a à peine quelques minutes ?

  Cette dernière me regarde avec dédain, et souffle rageusement. Au loin, tous les Chevaucheurs sont sortis et regardent le combat avec attention. Génial. Je suis super contente.

  Un autre vol plané me remet les idées en place. Il faut vraiment que je fasse quelque chose. Par exemple, trouver une idée, et très rapidement. Je ne tiens pas à mourir dans cette arène, malgré mon instinct de survie quasi inexistant vu à quel point mon cerveau peine à trouver une solution.

  Du sang s'écoule de mon arcade sourcilière, de mon nez et de tous les endroits susceptibles d'en contenir, formant un rideau rouge devant mes yeux que j'essuie rageusement. Olone, concentre-toi. Garde levée. Réfléchis. J'observe la créature, tentant de trouver des points faibles ou frapper. J'esquive une fois, deux fois. Dix fois. Je commence à voir flou. Des multitudes d'étoiles dansent devant mes yeux, et je produis un effort surhumain pour ne pas m'évanouir lamentablement devant tout ce beau monde. Soudain, le Kelpie me renverse sur le dos, sans que je l'aie vu venir. J'engage un combat visuel avec lui. Tente de produire de l'Eau, du Sable, quelque chose. Mais rien ne vient. Le professeur ne semble pas vouloir intervenir. Plutôt mourir qu'il rappelle sa créature en arrière, de toute façon. Pas dans un combat aussi engagé. Il faut vraiment que je fasse quelque chose.

  Je tourne la tête vers la droite, dans l'espoir de trouver quelque chose, n'importe quoi, pour me sortir de là. Un monticule de sable se trouve à ma portée, sûrement issu des précédentes expériences de mes camarades. J'en saisis une poignée, évite un coup mortel d'une autre roulade et la jette directement dans les yeux sans fond de la créature, sans réelle attente. Un geste désespéré. Elle se cambre en hennissant, me faisant hérisser le poil. S'abat sur moi. Au même moment, prise d'un instinct suprême, je porte ma main à mon fourreau invisible, saisis la lame et transperce son ventre d'un coup de poignet, alors qu'elle s'écroule de tout son poids sur moi. 

  L'instant d'après, elle a disparu. Le professeur se tient les côtes en grimaçant. Hélios accourt près de moi, et m'aide à me relever. Je suis encore sous l'effet froid de l'instinct du combat, prête à bondir sur n'importe quelle éventualité. Est-ce que le Kelpie est mort ?

- Professeur, elle a triché ! Elle a pris du sable qui ne lui appartenait pas, crie une greluche à ma gauche.

  D'autres élèves se joignent à ses cris, et l'un d'eux me pousse délibérément, alors que je tiens à peine debout. Le coup par de lui-même. Un pur réflexe. Mon coude vient se visser dans son nez, produisant un craquement sinistre.

- Pardon, je ne voulais pas ! m'horrifié-je.

  Le garçon en question se tient le nez, d'où s'écoule une grande quantité de sang. Mes camarades s'agitent de partout, criant que je suis une mutante, que j'ai triché et que je n'ai pas ma place ici.

- Suffit ! tonne la voix gutturale de Darius. Je ne veux plus entendre un seul son de vos petites bouches de voraces mal éduqués. Son sombre regard se fixe dans le mien, et je me recroqueville sous son poids.

- Quant à vous, jeune demoiselle, continue-t-il, en pointant un doigt sur moi. Malgré le fait que votre combat à été tout à fait honorable, je ne peux permettre un tel écart. Vous allez me suivre immédiatement. Les autres, dispersez-vous. Le cours est fini.

  Un parfum beaucoup trop connu vient titiller mon nez. Oh non. Je suis dans de beaux draps. Je me masse les tempes, soudain lasse de tout. Mon euphorie de victoire n'à duré que quelques secondes. Je n'ai même pas à me retourner, car je sais déjà qui se trouve derrière moi. C'est injuste.

- Mademoiselle Olone.

  Shelly n'est pas du tout démoniaque, comparé à elle. Shelly est carrément super mignonne et gentille. Un vrai plaisir.

  Je soupire amèrement et me retourne, faisant face au cobra suprême se trouvant devant moi. La Directrice. Avec toute sa meute de Chevaucheurs derrière elle. J'imagine que le cours dans le hangar devait être dirigé par elle. Tiens tiens. Comme par hasard. Cela veut dire qu'elle a tout vu, elle aussi.

- Mademoiselle Olone, vous êtes vraiment une épine dans mon pied. Est-ce que vous voyez ces rides ? me demande-t-elle, en montrant son front.

  Je scrute son visage parfait avec attention, mais ne vois rien du tout.

- Exactement, enchaîne-t-elle. Je n'en ai pas, et je ne compte pas en avoir à cause d'une petite écervelée comme vous.

  Je regarde Hélios, qui secoue silencieusement la tête. On est d'accord, lui et moi. Elle raconte n'importe quoi. On ne peut plus en avoir, des rides, après avoir décidé de ne plus vieillir.

  Après un silence parfaitement calculé, pendant lequel la Chevaucheuse me scrute comme ci elle voulait dévorer mon âme, elle toussote et m'annonce :

- J'ai réfléchis, mademoiselle Olone. Vous avez l'air d'aimer vraiment les combats, à ce que je vois.

  Elle se met à faire des aller retours, les mains jointes derrière son dos, de manière totalement dramatique. Mes yeux suivent sa déambulation, dans l'attente du verdict. Vais-je me faire exclure ? Servir de déjeuner à leurs créatures ?

- Les préparatifs de la première Arène Sanglante ne sont pas encore terminés, mais, continue-t-elle, je vais quand même organiser cela rien que pour vous.

  Elle s'arrête d'un coup, et vient se planter devant moi. Me regarde de ses yeux froids, noirs, sans vie. Soupire théâtralement.

- Vous allez combattre trois de mes Chevaucheurs. Demain. A l'aube. Arène Nord.

  La Directrice ferme brièvement les yeux, esquisse un sourire cruel et me lance :

- Si vous perdez, vous êtes exclue. Si vous gagnez, et bien...vous ne le serez pas.

  Mon sang se glace instantanément dans mes veines. Mes camarades Sable retiennent tous leur respiration, de stupeur. Même les Chevaucheurs ont l'air ahuris. Je les entends se demander en chuchotant qui sera choisi pour combattre.

  Je tourne vivement la tête vers Hélios, mais ce ne sont pas ses yeux que je rencontre, mais ceux du Chef. Il a l'air très intéressé, tout d'un coup, voir même excité. Sans doute par le probable massacre auquel il pense pouvoir assister. Oui Chevaucheur, tu vas assister à un massacre, mais pas le mien. Je vais gagner ces trois combats sans mes pouvoirs, qu'importe s'ils sont accompagnés de leurs créatures démoniaques ou non. Et peut-être qu'enfin, la Directrice réalisera que tout ceci est injuste et verra mon potentiel pour la Garde. C'est ma destinée. La seule chose qui compte. Je le sais depuis que je suis née. Je dois aller à la Garde. Pour moi, pour ma mère, pour...

  Il n'y a eu jamais d'autres alternatives. Je n'ai jamais considéré la possibilité même infime d'échouer. Ce qui se passe est en fin de compte très bénéfique pour moi.