CHAPITRE VINGT TROISIÈME.

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Les gouttes des conséquences de la flotte coulent en synchronisation jusqu'aux dalles de la baie vitrée à laquelle je fais face.
La nuit est tombée, et Nonna a pris soin de faire maint et maint aller-retour, me demandant à plusieurs reprises si j'étais persuadé de ne rien vouloir manger. Son souci maternel transparaît dans chacun de ses gestes, dans chacune de ses paroles, mais rien ne parvient à percer le mur sombre qui s'est érigé autour de moi.

Adossé aux canapés, mes jambes près de ma poitrine, je fixe l'extérieur d'une couleur bleu nuit seulement éclairée par un lampadaire aussi blanc qu'une colombe. La froideur de la nuit est à l'image de ce que je ressens à l'intérieur, un froid glacial qui s'installe et ne semble jamais vouloir s'en aller. La solitude m'enveloppe, me submerge, et je me sens plus perdu que jamais dans cet océan d'obscurité.

Je ne sais pas quelle heure il est, mais ça fait un bon moment que la télé défile sans que je ne la regarde, plongé dans mes pensées, me résignant à ce que mon destin me réserve vraisemblablement. Les images qui se succèdent à l'écran sont floues, indistinctes, tout comme mes pensées qui s'entrechoquent dans ma tête, formant un tumulte de souvenirs douloureux et de regrets amers.

Je repense à la manière dont plus tôt j'avais pris la fuite. Thémis a manifestement le don de dire et de faire des choses maladroites, mais cette fois-ci, sa maladresse a eu un effet nauséeux.

Peut être bien que j'ai exagéré ? Ce qu'il peut bien dire ou penser ne doit pas m'atteindre.

Des flashs de la nuit de jeu rattrapent mon esprit, je frissonne, mon cœur se met à battre si fort que j'en entends ses battements, les larmes coulent désormais à flot sur mon visage, me brûlant comme des braises ardentes.

Les seuls moments d'apaisement que j'obtiens se terminent par des flashbacks affreux, des cauchemars éveillés qui me hantent sans relâche. Je me redresse subitement du canapé, accourant dans la douche, j'enjambe les escaliers deux à deux, cherchant désespérément une échappatoire à cette douleur lancinante qui me dévore de l'intérieur.

Des remontées, des sueurs froides. Tout, tout ce qui est et restera inimaginable me submerge, me noie dans un océan de tourments. Je ne cherche plus à savoir si quelqu'un risque de m'entendre, ce que je veux, c'est retirer cette odeur répugnante qui parcourt comme un fantôme dans mon esprit, échapper à cette douleur insoutenable qui me déchire le cœur.

J'ouvre la pression de l'eau et j'y balance mes vêtements au sol, les symboles de ma défaite, de ma souffrance. Je remplis la baignoire d'eau, une eau si chaude que la fumée en embue la pièce très rapidement, comme un voile de vapeur qui enveloppe mon corps meurtri. J'y mets en premier ma jambe, émettant des gémissements de douleur, mais rien de cette douleur ne m'arrête, rien ne peut éteindre le brasier qui brûle en moi.

J'ajoute ma deuxième jambe et prends une grande inspiration avant d'y abaisser tout mon corps, m'immergeant dans cet océan de chaleur, de douleur, de désespoir. Soufflant d'un coup sec, j'attends que cette douleur disparaisse de mon corps, de mon être, de mon esprit, de mes pensées. Rien que quelques secondes. Faisant place à une douleur plus supportable. Rien que quelques secondes.

De mes doigts, je gratte mon corps, devenant d'un rouge vif, les larmes dévalent mon visage, ne pouvant même pas feindre de s'arrêter, une cascade salée qui ne tarit jamais. Rien que quelques secondes. Je suffoque, je tremble, les décharges de chaleur au contact de mes rougeurs me font frémir, mais je refuse de céder, de laisser cette douleur m'engloutir tout entier.

In BetweenWhere stories live. Discover now