10. 3 ans plus tôt. Stephen, 15 ans

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Complètement vidé, le regard dans le vague, épuisé comme jamais, je sors de l'avion d'un pas trainant pour rejoindre mes grands-parents qui me font de grands signes un peu plus loin, me permet de les repérer facilement dans la foule. Arrivé à leur hauteur, je ne sais pas trop comment me comporter avec eux. Est-ce qu'ils savent pour moi ? Et si ce n'est pas encore le cas, me rejetteront-ils, eux aussi, lorsqu'ils l'apprendront ?

Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions qu'ils m'enlacent tous les deux tendrement, m'insuffle un peu de l'amour et de la tendresse qui me manque désespérément. Je souffle imperceptiblement, presque soulagé, m'imprègne du précieux réconfort qu'ils m'offrent quand ils me serrent dans leurs bras.

— Comment tu vas, mon garçon ? me demande de façon purement rhétorique ma grand-mère, car son regard trahit toute la peine, la compassion et l'inquiétude qu'elle me porte.

— Ça va. je me contente de répondre d'une voix lasse.

Je n'ai rien de mieux à leur proposer. Sans un mot de plus, Josie s'accroche à mon bras alors que Richard glisse affectueusement sa main autour de mes épaules, m'entrainent déjà vers la sortie pour rejoindre leur voiture.

J'ai l'impression qu'ils me comprennent mieux que moi-même en cet instant, car l'aéroport grouille de voyageurs pressés, je me sens oppressé. J'ai l'impression de ne plus pouvoir respirer, et quitter ce bâtiment sans attendre est un soulagement. Aussitôt la porte automatique franchis, je m'empresse d'avaler de grandes goulées d'air, essaie d'inhaler autant que possible de l'oxygène qui me manque désespérément.

La route se fait dans le silence le plus total et malgré le profond vide que je ressens, celui qui me ronge de l'intérieur, j'ai l'impression d'être en sécurité ici, avec eux.

La chaleur de l'été est plus douce, plus supportable ici, dans le New Jersey, et je m'autorise à fermer les yeux pour le reste du trajet, afin de me reposer un peu.

Hier, après avoir été mis à la porte de chez mes parents, je me suis senti perdu et démuni, désespéré. J'ai alors appelé Ashley pour qu'elle me vienne en aide, quand je me suis retrouvé sans m'en rendre compte près de la gare.

Nous avons beaucoup discuté des évènements de ma terrible journée et je suis resté un long moment assis par terre, observe les quelques trains passer devant moi. Puis, elle m'a informé avoir réservé un billet d'avion pour moi afin que j'aille m'installer dans le New Jersey, chez nos grands-parents. Elle m'a certifié que tout était organisé et qu'elle les avait prévenus de mon arrivée, mais je n'ai pas osé lui demande quelle raison leur avait-elle donnée pour que je débarque chez eux de la sorte.

Arrivés devant leur jolie maison, entourée d'un magnifique jardin fleuri, ma grand-mère m'accompagne directement dans la chambre que j'occupe normalement lorsque je leur rends visite. La leur est en bas alors, je dispose du premier étage pour moi tout seul.

Sur le palier, la porte de droite sera désormais mon refuge. Celle d'en face, la salle de bain et celle de gauche, la chambre d'amis, celle de ma sœur quand elle est ici.

Le parquet vieilli grince, le lit une place n'est pas très grand, le bureau en bois a largement fait son temps, la peinture bleue est ternie par les années, mais l'odeur de lessive qui imprègne l'air ambiant est agréable et je la respire pleinement. Ce n'est pas le grand luxe, mais c'est probablement la seule chose qu'il me reste alors, je ne vais pas faire le difficile.

— Je t'ai déposé des serviettes dans la salle de bain et les draps sont propres. Prends le temps de t'installer, Richard et moi allons faire les courses. me prévient Josie pendant que je lance un coup d'œil circulaire à la pièce.

J'entre dans la pièce puis me tourne vers elle pour lui répond par un simple hochement de tête.

Sans un mot de plus, elle comble la distance qui nous sépare et me prend dans ses bras réconfortants. Et puis, nous finissons par nous écarter l'un de l'autre, laisse la solitude m'envelopper de nouveau. Josie m'offre un dernier regard compatissant puis tourne les talons pour sortir de la chambre pour me laisser un peu d'intimité.

Sans aucune motivation, je lâche mon grand sac de sport sur le sol, dernier vestige de ma vie d'avant et me laisse tomber sur mon lit, reste immobile pendant de nombreuses heures, jusqu'à ce que la nuit l'emporte sur le jour et que je suis appelé pour le diner.

Impossible pour moi de m'installer, de ranger mes affaires ici, tant la situation est surréaliste et que je peine à y croire. Comme si j'étais en plein cauchemar et que j'espérais toujours me réveiller d'un moment à l'autre.

À table, un silence gênant accompagne le diner, mais après ce que je viens de vivre, je n'ose même pas ouvrir la bouche et ne fais rien pour le combler. Je joue sans entrain avec ma nourriture, aimerais faire honneur au délicieux poulet rôti de ma grand-mère, mais j'ai l'estomac au bord des lèvres alors que la bille remonte douloureusement dans ma gorge nouée.

— Tu sais, Stephen. Tu n'as pas à t'en faire. Nous savons pour toi, Ashley nous en a parlé, et nous voulons que tu saches que tu n'auras jamais à te cacher ici. finit par lâcher mon grand-père.

Comme s'ils ne savaient pas comment aborder le sujet sans me blesser, je sens qu'il mesure ses paroles et je veux m'assurer d'avoir bien tout compris. Je redresse la tête et le regarde fixement quand je ne sais pas trop comment réagir.

— Que tu aimes les hommes n'a aucune importance pour nous, tant que tu es heureux. Et quoi qu'il arrive, sache que nous t'aimons et t'aimerons toujours. Ma grand-mère rajoute et je fonds en larme, sans rien pouvoir retenir.

Je m'effondre complètement. Soulagé que quelqu'un m'accepte enfin, terrorisé par le fait que cela puisse être éphémère, anéantie par tout ce que je viens de vivre ces derniers jours.

Quand ils se lèvent d'un bon pour venir me prendre dans leur bras, pour venir me réconforter, me soutenir, c'est comme si mon cœur rassemblait ses morceaux et un léger sentiment de sécurité vient lentement me caresser. Comme un nouveau souffle qui me donne l'espoir qu'un jour, tout pourra finir par s'arranger, que je ne serais plus seul.

— Merci !

C'est tout ce que je peux leur dire. Peu importe mes mots, jamais ils ne seront assez forts, assez puissants, pour leur témoigner toute ma gratitude de m'accueillir chez eux, de m'aimer comme je suis et de me soutenir sans condition.

Et pour la première fois depuis des années, surtout depuis ces dernières soixante-douze heures, j'ai enfin l'impression de pouvoir respirer normalement.

La semaine suivante, j'essaie de reprendre goût à la vie, comme je le peux. J'aide Richard à remettre la clôture en état, Josie à s'occuper de son jardin et étant une charge supplémentaire pour eux, je me décide à trouver un travail pour l'été.

Désormais, je suis serveur dans un petit restaurant non loin de chez eux, deux soirs par semaine ainsi que le week-end. Cela m'occupe et m'empêche de trop réfléchir et lorsque je rentre, je suis tellement épuisé que je m'endors à peine ma tête tombée sur l'oreiller.


BROKEN ( préquel SAVED) Romance MMWhere stories live. Discover now