Hannah - mercredi 6 novembre

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Le doux balancement du métro me berce tendrement, comme une mère envers son enfant. Je me laisse porter, savourant la simplicité de cet instant et le calme qui m'envahit. On s'arrête et on repart dans un mouvement continu, comme s'il n'y avait pas de fin à ce trajet. C'est apaisant.

Je passe un coup d'œil désintéressé sur ceux qui m'entourent. Certains sur leur portable, d'autres ne faisant rien, d'autres encore avec des écouteurs. Chacun dans son monde, ne prêtant aucune attention à ceux qui l'entourent. Exactement ce qui me plaît dans les grandes villes.

Foules uniformes

Individualités

Aucune norme

Rayon de paix.

Je laisse ces vers glisser dans mon esprit puis s'évaporer dans le néant. Passagers, légers et certainement pas faits pour atterrir sur une feuille. Libres, universels, ils trouveront bien quelqu'un d'autre à qui s'accrocher.

Les portes s'ouvrent, se ferment, le métro repart. Cycle infini. Foule d'inconnus. Encore deux arrêts et ce sera à moi de me lever et de quitter cet instant de grâce. Il ne me tarde pas.

Mon regard s'accroche à un point invisible que je me mets à fixer sans m'en rendre compte. Mes pensées voguent sans but sur l'océan de mon âme, je les laisse faire. Mais quelque chose titille ma conscience, comme si inconsciemment, je sentais que quelque chose cloche.

Je me force à revenir à l'instant présent et manque de tomber à la renverse. Le point invisible est en réalité constitué d'un grain de beauté situé juste à gauche d'une bouche. Cet emplacement précis ajouté au teint de peau indubitablement asiatique me fait lever la tête.

Regardant par la fenêtre, l'air aussi absent que je l'étais il y a quelques secondes, se tient Émile. Cheveux lâchés, grosses lunettes, bonnet gris. Et sweat foncé accompagné d'un jean large. Comme avant. Comme toujours. Il n'a vraiment pas changé, lui.

Mais comment se fait-il qu'il prenne ce métro ? C'est la première fois que je l'y croise. Première fois que je le prends à cette heure-ci un mercredi aussi. Nous sommes-nous côtoyés pendant deux mois sans le savoir ? Serait-ce la raison pour laquelle il est allé à l'un des cafés du campus ?

J'ai la confirmation de mon intuition lorsqu'il descend à la station suivante. Pile en face de cette bouche de métro, il y a la fac de musicologie. Il doit y suivre des cours tout en continuant ses activités de chanteur. Ça ne m'étonne même pas, il aime réellement étudier. Il n'était juste... pas très doué dans les matières enseignées à l'école.

Je sors à l'arrêt suivant, encore plus perdue dans mes pensées qu'avant. Nous sommes-nous déjà croisés à la fac sans le savoir ? Ce n'est pas impossible. M'avait-il déjà vue ? Possible aussi. Je ne le saurai que si je pose la question de toute façon. Ce qui irait à l'encontre de mon vœu de m'éloigner de lui.

Je rejoins le bâtiment de la BU et respire avec plaisir l'odeur des livres qui envahissent ce lieu. Lieu de travail mais avant tout de connaissances. J'adore venir ici. On s'y sent en sécurité, comme sous le regard d'un dieu quelconque qui veillerai sur nous pendant nos révisions.

Le plus silencieusement possible, je vais m'installer à une table libre. J'ai du travail non seulement pour la fac, mais aussi pour préparer la séance d'écriture que je devrai faire à Émile demain. Enfin, Darknight. Ne pas mélanger les deux, il n'aimerait pas ça. Enfin bref, j'ai du boulot quoi !

Je m'y plonge sans plus tarder, le cœur vacillant entre joie et désespoir. Joie de mon travail de la fac, désespoir de mes leçons d'écriture. Comment apprendre à quelqu'un comment écrire quand on ne sait pas soi-même comment on s'y prend ? Je n'en ai aucune idée, mais pour que le partenariat se passe bien, je vais devoir trouver.

Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmesOnde histórias criam vida. Descubra agora