Chapitre 1

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Il est pile onze heures quand je franchis la double porte vitrée menant aux locaux du « Boston Tribune », une des plus importantes rédactions du pays. Cette dernière appartient à Javier Di Maria, un bel hidalgo d'une cinquantaine d'années.
Son histoire avait fait la Une de nombreux journaux : il est le premier Cubain à avoir pris la tête d'un quotidien national.

Je jette des coups d'œil un peu partout. Dans le hall, sur des plaques de verre, on peut lire le nom d'une vingtaine de sociétés touchant à tous les domaines de la presse et des médias.
Déjà mal à l'aise, je m'avance vers une jolie réceptionniste blonde. Si c'est ce genre de critères physiques qu'il faut pour bosser au « Boston Tribune », je suis recalée d'office : cette poupée est belle comme un cœur, avec ses grands yeux bleus et son teint de pêche. À côté de cette fille, je ressemble à un crapaud, un très vilain crapaud. Un peu grognonne, je lui demande :
— Bonjour, j'ai rendez-vous à 11 h 30 avec monsieur Raphaël Spencer.
La blonde lève vers moi un visage souriant. Elle ne doit pas avoir de souci pour attraper les mecs. Je la détesterais bien, mais... Elle a vraiment l'air super sympa.
— Un instant, je vous prie.
Même sa voix est sexy. La garce. Je m'imagine lui faisant un croche-pied bien sournois quand elle interrompt le fil de mes vilaines pensées :
— Mademoiselle ?
Je sursaute : la blonde m'adresse un sourire chaleureux rempli de sincérité.
— Prenez l'un des ascenseurs du fond, les bureaux du Tribune se trouvent au trente-cinquième étage. M. Spencer vous y accueillera.
D'un geste de la main, elle m'indique un ascenseur. Je la remercie un peu gauchement. Me redressant pour donner bonne impression, j'avance d'un pas que j'espère décidé vers le fond du hall.

Une fois dans la cage métallique, je sens une boule de stress enfler de seconde en seconde. Je vais me planter, c'est une certitude. Et j'en suis encore plus convaincue quand les portes s'ouvrent sur un magnifique open space... ultra bruyant !
Partout, ce ne sont que des personnes qui courent dans tous les sens, s'appellent à travers la pièce. D'où je me trouve, je ne comprends rien et, ce qui se révèle très perturbant, c'est que tout a l'air parfaitement clair pour tout le monde.
Il va falloir que je m'adapte vite, très vite...

L'espace de travail est immense et les baies vitrées offrent une lumière incroyable. Et que dire de la vue ? On est si haut que j'ai l'impression de dominer toute la ville : la vue porte si loin que j'aperçois même la flèche de Old North Church. Je n'en finis pas d'admirer les locaux du journal quand une voix grave interrompt ma rêverie :
— Mademoiselle Smith ? Enchanté, je suis Raphaël Spencer.
Lorsque mon regard s'arrête sur monsieur Spencer, j'ai le sentiment qu'il fait soudain une chaleur étouffante dans la pièce : grand, blond cendré dont les mèches, légèrement bouclées, lui tombent aux épaules, une carrure de sportif, des yeux verts, un sourire de tombeur, ce type est la définition du mot sexy... Grave sexy... Sans déconner, le gars aurait pu postuler sans problème pour le rôle d'un certain Christian Grey.
Quand il me serre la main, sa poigne est douce, mais ferme, j'ai du mal à réprimer un frisson. Sous ce regard perçant, je dois me souvenir de respirer et de me présenter :
— Enchantée, monsieur Spencer ; merci de me recevoir.
Waouh ! Tu as réussi à articuler une phrase, tu peux être fière de toi, Maya.
— Tout le plaisir est pour moi.
La lueur amusée qui passe dans ses yeux me fait rougir, ça commence bien.
— Si vous voulez bien me suivre, nous allons poursuivre dans mon bureau.
Ce dernier m'invite d'un geste poli de la main ; je lui emboîte le pas.
Au regard que posent les autres filles de la rédaction sur lui, j'ai l'impression qu'elles seraient toutes partantes pour faire des heures sup' avec le beau Raphaël.
Rien que de l'imaginer, mes pensées prennent un tour salace : je me vois, tard le soir, seule avec Raphaël, dans son bureau. Ses mains sont sur mes épaules, sa bouche près de mon oreille. Je sens son souffle chaud sur ma nuque...
Je me donne une gifle mentale : à peine arrivée, voilà que je fantasme déjà sur... sur qui au fait ? Je ne sais même pas ce qu'il est dans cette rédaction.

BéguinsWhere stories live. Discover now