Chapitre 6

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Le déjeuner a été d'une platitude à pleurer : j'ai fait la connaissance de Brendan, un truc petit et malingre qui aurait pu postuler pour le rôle de Gollum dans « Le Seigneur des Anneaux » et qui m'a à peine adressé deux mots.

En revanche, il a parlé peinture avec Terry pendant tout le repas, tant et si bien que j'ai eu l'impression de tenir la chandelle au milieu d'un vieux couple - ce qui m'a laissé un goût amer dans la bouche.

C'est un scénario que je n'avais pas envisagé : si Terry ne s'intéresse pas à moi, c'est peut-être tout simplement parce qu'il n'aime pas les filles ? Ce serait tout moi d'avoir eu un coup de cœur pour un type homo - auquel cas, j'ajoute un dossier à la longue liste de mes ratés amoureux.

Je rentre directement à la maison ce soir, avec le sentiment que le ciel au-dessus de mon avenir sentimental s'est assombri. En mettant la clef dans la serrure, je suis en train d'envoyer un texto à Karen pour lui faire part de mes doutes.

Karen : C'est n'importe quoi. Franchement, ce n'est pas le genre.

Maya : Hein... Tu l'as déjà vu en compagnie d'une fille ?

Karen : Non.

Maya : Donc, on ne sait jamais... Ça y est, je bascule en mode déprime.

Karen : Ma grande, arrête de voir tout le temps ton avenir en noir. On a peut-être eu un mauvais angle d'approche.

Maya : C'est-à-dire ?

Karen : Tu es une collègue de boulot, tu l'as invité à déjeuner au travail. Il faut que tu lui refasses la même proposition, mais dans un autre contexte. Pourquoi pas lors du vernissage, par exemple ?

Je fais la moue. Je suis déjà maladroite en comité restreint, alors au milieu d'une foule de plusieurs dizaines de personnes...

Karen : Bon, il nous faut passer au dossier urgent du moment : ta tenue de ce soir !

J'attends qu'elle soit chez elle pour lancer un appel vidéo afin de jouer les mannequins. Après trois tours d'essayage, le verdict tombe : ce sera une robe rouge courte et moulante avec des escarpins noirs.

Lorsque je me regarde dans la glace de la salle de bain, je ne peux m'empêcher d'objecter :

— Je trouve que ça fait limite vulgaire, on dirait Tiffany !

— C'est une pétasse, tu es sexy à mort. Avec ça, tu te fais un maquillage branché genre smoky eyes.

Euh... OK !

— Avec une silhouette roulée comme la tienne, pas certaine que vous ayez le temps d'arriver jusqu'à un lit, voire jusqu'à une chambre.

Je déglutis. Karen est bien la seule à être convaincue. Quoi qu'il en soit, l'heure avance et je ne peux plus reculer.

En parlant de mon collègue, je décide de mettre en place l'opération « Séduction 2 » - on dirait le titre d'un mauvais roman pour ados.

Maya : Coucou Terry ! Ce serait sympa que tu joues les chauffeurs pour ta collègue préférée. Bisous, Maya.

En attendant une réponse, je file me maquiller. Pendant que je mets une touche de blush sur mes pommettes, je m'imagine déjà les bras autour de sa taille, plus excitée par lui que par cette virée en bécane. Un bip me fait sursauter - et me mettre du mascara dans l'œil. Super, je suis borgne !

Terry : Salut Maya ! Désolé, pas possible pour moi. À tout à l'heure, bisous.

C'est mort. Je vais faire un direct sur mon canapé, le Terry ne comprend pas la subtilité.

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