Chapitre 17

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Hazel



— Argh, quel con !
— Heu, bonjour à toi aussi, Haz… me lance ma meilleure amie alors que je franchis à peine la porte vitrée qui donne accès à l’endroit où, normalement, j’aurais dû passer ma soirée. Qu’est-ce qui t’arrive ?
Elle me serre fort dans ses bras et ça me réconforte un peu. J’ai les nerfs et c’est de nouveau sa faute à lui.
— Je ne vais pas pouvoir rester pour le cours de danse. Encore une fois. Je ne fais que passer, je devais te rendre la brassière que je t’ai empruntée l’autre jour.

Lui tendant le vêtement, elle le récupère et le jette dans son sac qui est posé au sol, à côté de la table où trône la sono.
— Je vois. Le con en question, je le connais, hein ? C’est toujours le même ?
— Ton mec va très prochainement être en deuil, je le jure ! Sérieux ? C’est trop lui demander de m’oublier un soir ou deux dans la semaine ?
— C’était le cas hier…

Je lui fais les gros yeux et Abi sait qu’elle ne doit pas continuer sur cette voie. Une Hazel en furie, c’est pas beau à voir !
— Ezio pourrait lui parler, me propose mon amie. Tu lui as dit que tu avais d’autres projets ce soir ?
— Si seulement il en avait quelque chose à foutre, mais tu sais comme moi qu’il n’y a que sa petite personne qui compte. Tim a exigé que je le rejoigne chez lui et comme je l’ai déjà évité la veille, je n’ai pas vraiment le choix aujourd’hui. Nous devons finaliser le dossier en cours. Tu sais, la fameuse crème de massage chauffante.

Abigaëlle me lance un regard lubrique et se couvre la bouche pour étouffer un gloussement.
— Quoi ? demandé-je. Qu’est-ce qui te fait marrer ?
— Toi. Franchement, tu te prends la tête pour une heure de cours avec moi alors que tu vas passer un moment à parler et à vanter les mérites d’un gel aphrodisiaque avec un mec aussi séduisant que Tim ?
— T’es au courant que tu viens de mentionner ton beau-frère là ? dis-je faussement écœurée.
— Oui et alors ? C’est le double de mon fiancé, ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau et, si je n’étais pas follement amoureuse d’Ezio, j’aurais moi-même du mal à les reconnaître, avoue-t-elle. Je ne peux pas nier que lui aussi est beau garçon. Et tu ne peux pas dire le contraire.
— Pff, non. T’as raison. 

Résignée, je me laisse retomber en glissant contre le miroir. Assise par terre, je bascule ma tête en arrière et attrape ma longue chevelure pour la placer sur mon épaule gauche. Penser à lui me rend toute chose, surtout après qu’Abi m’ai fait remarquer que nous allions tous les deux bosser avec un produit qui pourrait vite faire déraper la soirée.
Je ne devrais pas m’imaginer ce genre de choses maintenant que j’ai répondu aux avances d’Adam, mais c’est plus fort que moi. San Remi m’obsède depuis des années.
Ma meilleure amie s’assied à côté de moi et d’un geste d’épaule me bouscule gentiment.
— Propose lui un essai.
— De ? la questionné-je.
— De ta crème, pauvre nouille ! Avoue que tu aimerais lui étaler sur le corps.
— Putain, oui !

C’est sorti tout seul, très vite. Trop.
— Merde ! je l’ai dit tout haut, hein ?
— Pauvre Lelucq !

Ce garçon est sympa, c’est vrai. J’ai passé une belle soirée avec lui, néanmoins, c’est resté très platonique. Il a essayé, bien sûr, mais chaque fois qu’il effleurait mon bras, qu’il rapprochait sa jambe de mes cuisses nues sur le canapé, je voulais que ce soit Tim qui le fasse. Je repensais à la fois où nous avons failli nous rapprocher, succomber. J’ai frissonné avec Adam, cependant, c’était uniquement en rapport avec le souvenir de ce renflement dans le bas ventre de mon boss.
Mon rencard l’a ressenti. Je me suis excusée auprès de lui et, par chance, il s’est montré compréhensif. D’après lui, ça saute aux yeux.
Il m’a expliqué avoir eu envie d’essayer, de passer outre le fait que Tim me mange du regard. Mon comportement a simplement confirmé le fait que je n’étais pas émotionnellement disponible.
Nous avons préféré rester en contact pour quelques sorties entre amis.

Me relevant, je m’apprête à partir quand dans ma poche, mon téléphone sonne. Je sais d’avance qui est à l’origine de cet appel. Ça ne peut être que lui. Et si j’avais un doute, la musique qui hurle me prouve qu’il s’agit bien de Tim, je lui ai attribué………. Ça colle parfaitement avec ce que je ressens pour lui à ce moment précis.
— Hazel, où es-tu, bon sang ? Je t’attends depuis quinze bonnes minutes déjà, c’est plus que ce que je peux supporter. Fais vite !
Bien, chef ! pensé-je alors qu’il a déjà raccroché.

Abi presse mon épaule puis m’embrasse sur la joue. Son beau-frère, elle le connaît bien, ma meilleure amie sait qu’on ne fait pas attendre sa majesté San Remi, alors elle me pousse vers la sortie. Avant que je ne quitte le studio, elle me lance :
— Ne fais pas la tête, tu sais que tu peux venir ici quand tu le veux. C’est juste une soirée, Haz…
— Non mais je rêve ! Tu prends sa défense maintenant ?
— Ce n’est pas ça, souffle-t-elle, amusée.
— Tu sais que ce mois-ci, c’est le troisième cours que je loupe ? Trois fois, Abi ! La pole, c’est le seul truc qui me permette de souffler et de ne pas l’étrangler.
— On sait toi et moi que Tim, t’as tout sauf envie de l’étrangler…
— Argh tu m’énerve toi aussi, tiens ! J’y vais, tu n’es pas d’un grand soutien de toute manière ! Embrasse Ezio pour moi.
— Et toi, amuse-toi bien avec ta crème ! crie-t-elle.

Je l’entends rire dans mon dos et le son provoque le retroussement de mes lèvres. Abi passe son temps à faire des allusions graveleuses, surtout lors des repas de famille, ce qui met tout le monde à l’aise… 
Une chance que je ne lui ai pas encore raconté les derniers rebondissements dans notre « relation ».

Mon smartphone bipe et je rage à l’idée que ce soit encore lui qui me rappelle à l’ordre. Seulement, ce n’est qu’Abigaëlle.

Abi : À défaut de faire onduler ton corps sur la barre de pole, raccroche-toi à celle de Timy ! De barre !
Qu’est-ce que je disais ? Elle est aussi lourde que moi !

***

Un trajet en Uber plus tard, me voilà en bas de l’immeuble où vit ce sale type qui me fait tout de même rêver. Le concierge qui me reconnaît immédiatement, m’ouvre en me saluant.
— Bonjour, mademoiselle Daly, comment allez-vous ? Encore de corvée ce soir ? Vous travaillez beaucoup trop, ma petite.
— Allez dire ça à votre patron, souris-je.
— Il vous attend.
— Je sais, Paul. Il m’a d’abord appelé, puis, ensuite, envoyé cinq messages. Tout ça en une vingtaine de minutes.

L’homme habillé de noir me lance un regard compatissant et les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Je m’y engouffre et atteint vite le dernier étage. Tim habite un loft avec une vue imprenable sur la colline de Fourvière à Lyon. Issu d’une famille aisée, il n’a eu aucun mal à se dénicher un appart aussi luxueux, bien que je n’aie pas à me plaindre du mien. J’ai hérité d’une partie de la fortune de mon grand-père et mon poste chez PubNco m’offre un salaire plus que confortable. Néanmoins, j’adore cet endroit. Peut-être parce que j’y passe le plus clair de mon temps libre. Je me suis faite à sa décoration, à l’ambiance masculine qui y règne et à son parfum qui emplit les pièces.

Avant même que je frappe contre le métal de la porte, celle-ci s’ouvre sur un Tim tout aussi guindé qu’au bureau. Guindé mais diablement sexy.
Il porte le même costume que lorsque l’on a quitté les locaux de l’entreprise quelques heures plus tôt. C’est celui que je préfère. Le bleu marine est réellement la couleur qui lui va le mieux au teint. Tout lui va, mais celle-ci fait ressortir le doré de ses yeux et le hâle de sa peau.

Sans me laisser le temps de terminer ma contemplation, Tim se montre sous son plus beau jour, à savoir celui auquel j’ai le droit quotidiemment. Le connard est là, pas de doute. Fini la tentation, le jeu, la provocation.
— Ce n’est pas trop tôt !
— T’es au courant, Timy que je ne devrais même pas être ici, hein ?
— Cesse de me nommer ainsi !
— Oh allez, arrête ton cinéma. Tu dis rien quand c’est ta mère qui t’appelle comme ça. D’ailleurs, je me répète chaque fois, mais, tu sais, tu aurais pu te mettre à l’aise. Je t’ai déjà vu dans d’autres occasions. Un jean et un t-shirt blanc, laissant deviner la courbe de tes muscles auraient suffi. Ça ne doit pas être si confortable que ça ces costumes hors de prix, non ?

Il souffle d’exaspération et pars déjà vers le coin salon, là où nous passons quasiment toutes nos soirées. Ensemble.
Mais rien que pour bosser, malheureusement.

Habituée, je me déshabille dans l’entrée et accroche mon manteau à l’endroit approprié avant de le rejoindre.
Tim est debout, face à sa grande baie vitrée où l’on distingue les lumières de la ville qui brillent dans la nuit. Il est dos à moi, alors je m’avance, parfaitement consciente qu’il va forcément réagir en se retournant.
— Bordel ! C’est quoi cette tenue ? bafouille-t-il.
Alors comme ça, ça te plait ?

— Je t’ai dit que j’avais d’autres projets pour ce soir.
— Et je peux savoir quel genre de projets t’oblige à te vêtir ainsi ?
— Le genre cours de pole danse. Tu sais celui que tu me fais rater quasiment toutes les semaines.

Son regard change et devient plus sombre. Tim se retourne à nouveau et attrape un verre vide sur la desserte à sa droite. Il ouvre la bouteille de whisky et en verse dans le récipient avant de la porter à ses lèvres.
— Estime-toi heureux que je ne sois pas venue en culotte.

J’ai eu la décence tout de même d’enfiler un pantalon de sport ultra moulant, mettant mes courbes en valeur.
Bon, OK, en haut, je n’ai que cette brassière qui comprime ma poitrine généreuse, mais je l’avais prévenu. Je n’étais pas disponible pour lui, il a insisté.

Merde ! Il s’étrangle et recrache sa boisson.
— Hazel ! Putain ! parvient-il a articuler alors qu’il se gratte encore la gorge.

Ben quoi ? Qu’est-ce qu’il t’arrive, Timy ? T’as des images qui te viennent à l’esprit toi aussi ? tenté-je.
— On est ici pour le boulot, se reprend-il en enfilant de nouveau son masque de mec imperturbable.
— On est ici pour le boulot, l’imité-je comme la gamine que je suis. Sérieux, Tim, détends-toi. C’est juste une plaisanterie.
Ou pas…

J’ignore son regard empli de… De je ne sais trop quoi et décide qu’il est temps de s’y mettre. Au plus vite on attaque, au plus vite on aura terminé et je pourrais enfin rentrer chez moi me reposer. Nous sommes en fin de semaine et elle a été très longue.
— Allez, allons-y, lancé-je en tapant dans mes mains.

Je m’avance vers lui, ses yeux alternent entre mon visage et… Et mes seins.
Alors, Timy ! Je t’en prie, rince-toi l’œil !

Passant mes paumes sur son torse, je glisse mes mains sur sa chemise, tout près de ses épaules et entreprend de lui retirer sa veste de costume pendant qu’il me regarde, ahuri.
— Enlève-ça tu veux, t’es tout rouge.

Puis, comme si j’étais à la maison, je me dirige vers la climatisation et tourne le bouton.
— Il fait beaucoup trop chaud ici !

Je m’installe sur ma chaise et commence à déplacer les différentes maquettes sur le plan de travail. Je les trie par ordre de préférence, émet quelques doutes sur certains slogans et m’étonne de ne pas entendre de critiques. Je me retourne alors et remarque qu’il n’a pas bougé.
— Bon, tu viens oui ou non ? Je ne vais pas tout faire toute seule !

Il secoue la tête, comme s’il reprenait enfin ses esprits et dit :
— Surtout pas, ce contrat il nous le faut !
Voilà, ça y est, Tim est de retour.

Satané boss !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant