❤️‍🩹

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— C'est toi qu'il regarde.
— Non c'est toi, ça se voit.
— Je t'assure que c'est toi. En plus ça peut pas être moi.
— Pourquoi ?
— Parce que moi ça se voit que je suis pas libre.
— T'es libre techniquement, et en quoi ça peut se voir de toute façon ?
— Un homme aussi beau que moi ne peut pas être célibataire, murmura Ryômen.
— Donc moi je suis moche ?
— ... Tu sais Yuji, c'est la personnalité qui compte le plus.
Yuji secoua la tête, et tous deux reportèrent leur attention sur l'homme assis en face d'eux, qui ne cessait de les observer depuis une dizaine de minutes. Ryômen ne l'avait pas remarqué tout de suite, il était plongé dans son livre lorsqu'il avait remarqué que Yuji lui tapotait la cuisse pour attirer son attention. Il avait alors levé les yeux à contrecœur, et avait remarqué qu'un jeune homme de son âge était assis en face d'eux, dos aux quais de la gare, et les fixait avec intensité. Il ne faisait même pas d'efforts pour se cacher, et il leur faisait de grands sourires, signe qu'il n'était pas indifférent à leur charme, et avait déjà esquissé plusieurs mouvement pour se lever vers eux. Ryômen était partagé entre l'envie de rire et l'envie de le pousser sur les rails. Il détestait savoir que quelqu'un essayait d'attirer son attention lorsqu'il était en train de lire, surtout quand cette personne en question était un blond. S'il voulait se faire draguer, il s'inscrirait sur une application de rencontre, sinon, il aimerait bien rester tranquille dans son coin.
Mieux valait l'ignorer, avec un peu de chance il finirait par partir. Il fallait juste espérer qu'il ne prenait pas le même train qu'eux, sinon le trajet allait être très compliqué. Ryômen ne savait pas si cet homme le draguait lui ou Yuji, mais dans les deux cas, il n'allait pas le supporter longtemps et il allait finir par faire un meurtre à mains nues. Il était déjà suffisamment impatient de rentrer à Tokyo pour retrouver Megumi, il n'allait pas en plus supporter un guignol décoloré pendant dix heures d'affilée. C'était hors de question. D'autant plus qu'il était en pleine lecture d'un nouveau livre, il tenait à tout prix à le terminer aujourd'hui et il était prêt à tuer quiconque dérangerait sa lecture. Excepté Yuji, qui ne passait son temps à l'interrompre. Yuji était son jumeau, il ne pouvait pas le tuer malheureusement...
Supporter Yuji pendant dix heures d'affilée n'était pas si difficile, Ryômen avait l'habitude, il arrivait à l'écouter parler et à lire en même temps. Ryômen espérait simplement que le voyage ne serait pas trop long, car il avait hâte de rentrer chez lui. Sa cuisine lui manquait, il n'avait presque pas pu cuisiner de la semaine et il avait besoin de pâtisser pour retrouver ses bonnes habitudes. Son lit lui manquait, surtout ses draps qui portaient encore l'odeur de Megumi. Choso aussi lui manquait, il devait s'ennuyer tout seul, et le connaissant il devait s'inquiéter pour eux. Et puis il devait rester avec Yuki, la briseuse de lignée, Ryômen devait surveiller cela.
Et surtout, il avait très envie de revoir Megumi. Depuis qu'il le connaissait, il n'avait jamais aimé arrêter de lui parler, leurs disputes lui avaient toujours laissé un sentiment de vide, de tristesse et d'ennui profond. Et maintenant qu'ils étaient proches, ne pas lui parler plus d'une journée était bien trop difficile. La présence de Megumi lui faisait du bien, elle le réconfortait, le rassurait, elle était comme un rayon de soleil au milieu d'un nuage de pluie. Megumi lui manquait. Ses iris semblables à deux lacs brumeux, ses longs cils, son sourire imperceptible, ses cheveux en bataille lui manquaient... Sans parler de sa voix. De son rire, de son contact, de sa chaleur, de ses messages... Même sa mauvaise foi lui manquait. Ryômen ne comprenait pas comment il pouvait à ce point désirer Megumi, il ne comprenait pas comment il pouvait à ce point ressentir le manque de sa présence. L'amour rendait son cœur faible. Il était démuni sans sa présence, abandonné, comme une feuille morte tombée de son arbre.
Il pensait à lui tous les jours, chaque matin, chaque soir, sans le vouloir. Il surgissait dans son esprit et s'installait dans ses pensées avant que Ryômen ne s'en rende compte, son visage était peint derrière ses paupières, ses gémissements tournaient dans son esprit. Tout ce qu'il faisait semblait le ramener à lui, il voyait ses yeux dans l'océan et entendait sa voix dans le sifflement du vent, comme si la brise la portait depuis Tokyo. Il se demandait si Megumi aussi pensait à lui et s'il lui manquait. Il devait au moins repenser à la nuit qu'ils avaient passé ensemble, se repasser le moment en boucle et se demander s'il s'était bien débrouillé. Il devait aussi sûrement se demander comment se passerait leur retrouvaille, Ryômen le connaissait suffisamment pour se douter qu'il angoissait à propos de cela. Lui-même était assez anxieux en pensant à ce moment, il n'avait aucune idée de comment se comporter avec Megumi, et encore moins comme le saluer après une nuit passée avec lui et une semaine d'absence... Il espérait simplement que Megumi n'ait pas changé d'avis durant cette semaine et qu'il l'aimait toujours.
— Moi je pense que c'est toi qu'il drague, reprit Yuji en sortant un livre pour se cacher derrière.
— Tu tiens ton livre à l'envers, fit remarquer Ryômen qui avait le regard perdu dans le vide.
— Et si t'allais lui dire quelque chose ?
— Comme quoi ?
— Tu lui demandes qui il drague, et ensuite tu dis qu'on est déjà pris !
— Toi fais-le, moi je suis avec Pénélope et Colin là, répliqua Ryômen en se reprenant sa lecture.
— Mais j'ai peur ! Je me suis jamais fait draguer par un mec ! J'espère que c'est toi qu'il drague...
— Va lui dire qu'on est hétéro et ça sera réglé.
— Mais et si il s'en fiche ?
— Frappe-le.
— Oh mon dieu il se lève, Ryô c'est toi qui parle, dit Yuji à toute vitesse.
Ryômen leva brièvement les yeux, et vit qu'en effet, le jeune homme qui les fixait s'était levé et s'approchait d'eux. Il marchait lentement, avec confiance, un grand sourire au visage. Ryômen avait espéré avoir mal interprété ses intentions, mais il ne pouvait plus le nier, ce jeune homme était bien en train de les draguer. Il n'y avait rien de plus agaçant que de se faire déranger par un inconnu, surtout dans une gare, et par un blond. Ryômen était presque certain que ce n'était pas lui qui était visé, mais ça restait tout aussi agaçant, il détestait que quelqu'un importune son frère.
— Fais semblant de lire, arrête de le regarder, murmura-t-il en joignant le geste à la parole.
— Ryô c'est toi qui parle, moi je sais pas quoi dire, dit précipitamment Yuji.
— Ignore-le et lis.
— Mais je panique ! Je-
— Salut les gars, je vous dérange ? demanda un jeune homme en s'approchant d'eux.
— Oui, répondit Ryômen sans lever les yeux vers lui.
— Euh... Est-ce qu'on peut t'aider ? dit Yuji par politesse.
— Je me demandais si je pouvais avoir ton numéro. T'es vraiment mignon !
— Euh... Moi ? dit Yuji en écarquillant les yeux.
— Oui ! Tu prends quel train ? On peut prendre un café avant qu'il parte ?
— Ah oui mais non, je préfère les femmes et j'ai une copine, dit Yuji avec gêne.
— C'est pas grave, on peut s'arranger, dit le jeune homme en penchant la tête.
— ... S'arranger ? Comment ça ?
— T'es pas obligé de lui dire, je propose rien de sérieux.
C'était une blague, n'est-ce pas ? Ryômen avait forcément mal entendu. Cet inconnu ne venait pas sérieusement de proposer à Yuji de tromper Yuko ? Ryômen releva les yeux et jeta un regard perçant au jeune homme, qui continuait de dévisager son jumeau avec un grand sourire. Aucun doute, il lui avait bien dit cela, et il se permettait de sourire et de le regarder comme s'il n'était qu'un morceau de viande. Il dépassait les limites, Ryômen refusait qu'on dérange son jumeau, et il refusait qu'un blond fasse du mal à Yuko.
— T'as une minute pour dégager avant que je m'occupe de toi, menaça-t-il d'un ton froid.
Son regard était si noir qu'il suffit à calmer le jeune homme en face d'eux. Il lui jeta un coup d'œil agacé, puis regarda de nouveau Yuji pour lui demander silencieusement d'intervenir. Mais Yuji ne fit rien, et il finit par partir en marmonnant. Ryômen baissa alors les yeux sur son livre, et Yuji se détendit sur son siège. C'était généralement amusant de voir un homme draguer Yuji, car Yuji ne savait jamais comment réagir et se mettait à paniquer, il était toujours très mal à l'aise lorsqu'il attirait l'attention de quelqu'un. Mais aujourd'hui cela n'avait rien d'amusant. Comment pouvait-on proposer à quelqu'un de tromper sa petite amie avec autant de calme ? Ce n'était pas étonnant que ce garçon en vienne à draguer un inconnu dans une gare, personne ne devait vouloir de lui ailleurs. C'était désolant.
— Les hommes vraiment, murmura Yuji, en suivant le jeune homme des yeux. J'espère qu'il va louper son train.
— Il est vraiment con pour penser que tu vas tromper Yuko avec lui. Quand on est un surimi comme ça on reste sage.
— Surimi c'est gentil encore...
— T'as raison, une morue c'est mieux.
— J'aurais préféré que ça soit toi qui te fasses draguer, tu te débrouilles mieux que moi pour ça...
— C'était sûr que ça serait toi.
— Pourquoi ? demanda Yuji sans comprendre.
— Parce que c'est toujours toi.
— Pourquoi tu dis ça ? demanda Yuji en fronçant les sourcils.
Ryômen ne répondit pas tout de suite, il tourna une page de son livre et continua à lire, avant de réaliser ce qu'il venait de dire. Ses yeux se figèrent sur sa phrase, son esprit se vida, et il tourna lentement la tête vers son jumeau. Comme à chaque fois qu'il disait ce genre de chose, Yuji le regardait sans comprendre, un air inquiet sur le visage. Il avait parlé sans réfléchir, il aurait dû faire plus attention à ce qu'il disait. Ryômen sourit pour le rassurer, et se redressa machinalement sur son siège.
— Pour rien. Je voulais juste dire que c'était toi qu'il regardait, il était tourné vers toi, dit-il simplement.
— Oui mais pourquoi tu as dit « c'est toujours toi » ? insista Yuji.
— C'était juste une manière de parler.
— Vraiment ?
— C'est juste que ça se voit que t'es plutôt attiré vers les femmes, et les gays aiment les hétéros. C'est pour ça.
— C'est vrai ? demanda Yuji d'un air perplexe.
Pas du tout, mais Ryômen préférait lui mentir plutôt que lui dire que tout le monde le préférait. Il se contenta alors d'acquiescer avec indifférence, avant de détourner le regard et de poursuivre sa lecture. Le regard de Yuji resta rivé sur lui un moment, il sentait ses yeux scruter son visage, à la recherche de la moindre crispation, mais il fit comme si de rien n'était. De toute évidence, Yuji n'avait pas cru un seul mot de ce qu'il avait dit, et il sentait que quelque chose clochait. C'était l'un des problèmes avec lui, Yuji sentait toujours quand il y avait un problème et que Ryômen était mal à l'aise, il n'arrivait jamais à lui mentir. Surtout en ce moment, il était particulièrement attentif à ce qu'il disait, il avait passé la semaine à le surveiller, à l'écouter avec sérieux, à tout faire pour être sûr de le comprendre, et Ryômen avait de plus en plus de mal à lui cacher la réalité.
Au fond, il savait qu'un jour la vérité finirait par éclater, il ne pouvait pas éternellement cacher à Yuji que la plupart de leurs connaissances ne l'aimaient pas. Ils étaient sur le même groupe de messages en plus de cela, et si jamais ils venaient à faire une sortie tous ensemble, il allait être difficile de cacher qu'il y avait une préférence entre eux deux. Mais... Ryômen n'était pas sûr d'être capable d'en parler. C'était déjà suffisamment honteux d'avoir dû en parler à Uraume et Megumi, il n'avait pas non plus envie de susciter de la pitié chez tous ceux qu'il aimait. Et il ne voyait pas comment expliquer cela à Yuji. Il ne pouvait pas lui dire qu'il était toujours le préférait, cela le ferait se sentir coupable. C'était trop délicat à expliquer, et Ryômen n'avait aucune envie de faire de la peine à Yuji. Il était heureux en ce moment, il venait de se mettre en couple, tout allait bien dans sa vie, c'était tout sauf le moment de l'attrister en lui parlant de ses problèmes. Ryômen venait tout juste d'accepter que le manque d'amour envers lui le blessait, et il n'était pas sûr de pouvoir le dire à Yuji. L'accepter était une chose, le dire en était une autre.
Il en parlerait plus tard. Lorsqu'il n'aurait plus d'autre choix que de tout lui dire... Ryômen ferma son livre dans un claquement et le posa sur ses cuisses, avant de se tourner vers son jumeau. Yuji avait fini par détourner la tête et regardait à présent ses pieds, l'air ailleurs.
— Tu vas faire quelque chose avec Yuko en rentrant ? demanda-t-il pour le faire penser à autre chose.
— Hmm ?
— Vous êtes en couple maintenant. Vous allez faire quelque chose pour officialiser ça ?
— Ah, oui, je vais passer la soirée avec elle. Ça te dérange pas ?
— Tant que c'est pas dans mon resto, non, dit Ryômen en haussant les épaules. T'as hâte d'être demain ?
— Oui, en plus j'ai son cadeau de demain avec moi donc je vais pouvoir lui donner, dit Yuji en retrouvant le sourire. Et toi ? Tu vas faire quelque chose avec Megumi ?
— Il m'a dit qu'à mon retour je pourrais le bais-
— Ok en fait je veux pas savoir. Je me suis toujours pas remis de ce que tu m'as raconté, coupa aussitôt Yuji.
— Le soixante-neuf ? Tu sais que c'est rien comparé à ce que j'ai prévu de faire avec lui ?
— Tu devrais y aller doucement avec lui, il est encore innocent...
— Il était pas innocent quand il m'a sucé.
— Je- Ryô, je veux pas savoir ! s'écria Yuji en se couvrant les oreilles des mains. Il est innocent, il est innocent, il est innocent...
— Tu sais pourquoi il est pas innocent ? demanda Ryômen en baissant ses mains.
— ... Non ?
— Il a dit qu'il voulait bien des photos de moi, avoua Ryômen en baissant la voix.
— Des photos de toi ? Ben encore heureux, c'est bon signe... Attends. Quel genre de photo de toi ? murmura Yuji en écarquillant les yeux.
— À ton avis ?
— Mais non ! Et tu l'as fait ? Il l'a fait ? Vous l'avez fait ?!
— Oui. Et il a adoré, dit fièrement Ryômen.
— Mais oh mon dieu ! s'écria Yuji en bondissant de son siège pour sauter sur place, attirant l'attention des personnes autour d'eux.
— Yuji reste discret ! dit Ryômen en le tirant vers lui pour le forcer à se rasseoir et à rester calme. Toute la gare a pas besoin de le savoir.
— Ryô c'est super important pour lui de faire ça, j'espère que tu réalises ce que ça veut dire ! Et lui il t'en a envoyé ? demanda Yuji avec excitation.
— Non, je veux pas lui en demander trop, et puis les images que j'ai en tête me suffisent.
— Je croyais que c'était pas ton truc de nuder ?
— Avec les autres oui, mais avec Megumi j'ai envie de tout essayer. Il m'a dit qu'il m'aimait, alors je suis à l'aise pour faire ça. Et puis au pire il les jette sans les regarder, c'est pas très grave, dit Ryômen en haussant les épaules.
— Impossible qu'il les jette, je suis sûr qu'il va les garder précieusement. Tu vois, ça montre qu'il t'aime vraiment, dit Yuji en souriant. Tu peux plus en douter maintenant.
— Je préfère pas me précipiter, répliqua Ryômen, ce qui fit soupirer Yuji.
C'était peut-être idiot, mais il préférait ne pas s'imaginer vivre une idylle avec Megumi, il préférait continuer d'envisager le pire pour l'instant. Megumi lui avait peut-être dit qu'il l'aimait, mais c'était juste après avoir eu un rapport avec lui, peut-être qu'il avait dit ça dans l'euphorie du moment. Ryômen savait que c'était idiot, il connaissait Megumi, il savait comme il fonctionnait, et il savait qu'il ne lui mentirait jamais sur ses sentiments. Mais il ne pouvait s'empêcher de penser que tout cela ne pouvait pas être vrai. Qu'un jour, il se réveillerait, seul, que Megumi aurait disparu, que ses messages auraient disparu, que ses annotations dans ses livres auraient disparu, et que toute leur histoire n'avait jamais existé. Et si un jour, Megumi se lassait de lui et ne voulait plus le voir ? Et s'il finissait par préférer Yuji ? Ryômen ne voulait pas vivre cela, il était prêt à rester endormi jusqu'à la fin de sa vie pour continuer de voir Megumi en rêve. C'était idiot et il le savait, mais ces peurs ne quittaient pas son esprit, et plus il aimait Megumi, plus il s'y accrochait. Il pouvait accepter le rejet des autres, mais pas le sien, Megumi avait une trop grande place dans son cœur désormais.
Il tenait vraiment à lui, et il n'était pas prêt à ce que leur histoire se termine. Alors... Même s'il devait rester dans un profond déni toute sa vie, se contenter de lui envoyer des photos de lui nu et coucher avec lui lorsqu'il en avait envie... Il en était capable, tant que cela lui permettait d'être près de Megumi. C'était ridicule, mais Ryômen préférait envisager cela tant que Megumi ne lui aurait pas dit en face qu'il l'aimait. C'était plus prudent.
Une tête se posa sur son épaule, et Ryômen sentit les cheveux de Yuji effleurer sa nuque.
— Moi je pense vraiment qu'il t'aime, murmura Yuji au bout d'un moment.
— J'y croirai quand il me le dira en face, en attendant, je préfère ne pas y penser, répondit Ryômen avec calme.
— Ryô... Pourquoi tu veux jamais le croire quand quelqu'un t'aime ?
— C'est pas ça, c'est juste que je veux pas faire d'erreur avec lui.
— Tu sais, je crois que tu es le seul à avoir peur entre vous deux. Megumi t'aime et il fait tout pour te le montrer, il te l'a même dit. Tu sais qu'il dirait jamais ça sans raison, et puis tu sais qu'il aurait jamais couché avec toi s'il t'aimait pas. Parce que Megumi se forcera jamais à faire ça, et puis il est tellement têtu que tu peux être sûr qu'il changera jamais d'avis à ce sujet. Pour lui, le sexe c'est avec celui qu'on aime, rien d'autre. Alors fais lui confiance et accepte qu'il t'aime.
— C'est pas aussi simple, ne put s'empêcher de répondre Ryômen, les yeux perdus dans le vide.
— Bien sûr que si ! Qu'est-ce que tu as à perdre ? Il t'aime Ryô, il est amoureux de toi ! Tu peux pas dire que tout ça c'est faux, il t'aime, et ses sentiments sont sincères ! s'exclama Yuji en relevant la tête. De quoi tu as peur ?
— J'ai pas peur, je veux juste attendre un peu...
— Mais attendre quoi ! De quoi est-ce que tu as besoin de plus ? Il a fait tout ce qu'il pouvait, ok il t'a dit qu'il t'aimait avant de s'endormir et il sait pas qu'il t'a entendu, mais ça compte quand même !
— Pour moi ça compte qu'à moitié. Je veux juste qu'il me le redise, et là, je voudrais bien y croire.
— C'est bête, tu te fais du mal tout seul et ça te fait angoisser pour rien !
— Je choisis pas de penser comme ça !
— Un peu quand même ! Tu lui demandes des efforts mais il faut que tu les remarques ! Il t'a dit qu'il t'aimait parce qu'il a parlé sans réfléchir, c'était un moment sincère, ça lui a échappé comme ça et c'était des paroles qui venaient du cœur ! Pourquoi c'est si dur d'accepter qu'il t'aime ?! insista Yuji d'une voix plus forte
— Parce que personne n'a jamais voulu de moi avant ! s'écria Ryômen sans réfléchir. Je suis pas comme toi, personne m'a jamais dit qu'on m'aimait, je suis pas le chouchou de tout le monde, alors excuse moi d'avoir des doutes !
Sa réplique jeta un froid entre eux, sa voix résonna dans la gare et ricocha contre les murs avant de s'évanouir sur les rails. Tout le monde se tut autour d'eux, les valises cessèrent de rouler sur le sol, les enfants qui criaient d'ennui dans les bras de leurs parents s'arrêtèrent, et les amoureux qui s'étreignaient sur le bord des quais s'immobilisèrent. Yuji s'était immobilisé, sa peau était devenue pâle, seulement rougie par la honte et l'agacement. Une fois de plus il le dévisageait avec de grands yeux, signe qu'il ne comprenait toujours pas. Il ne manquait plus que cela... Ryômen n'allait pas pouvoir s'échapper, il lui devait des explications. Toute la gare le fixait, il ne pouvait pas faire comme si de rien était...
Résigné, il attrapa le poignet de son jumeau et se leva, il récupéra sa valise, qui se trouvait près de lui, et entraîna Yuji avec lui. Il ignora les personnes autour de lui et les regards qui s'accrochaient à son dos, et fendit la foule avec indifférence. Il longea le quai près duquel il attendait et s'éloigna de son train, avant de sortir de la gare. Une place se trouvait devant l'entrée, à cette heure de la nuit elle n'était plus trop fréquentée, seuls quelques passagers empressés la traversaient à grandes enjambées pour rejoindre la gare. Ryômen repéra rapidement un banc de libre et se dirigea vers lui, avant de forcer Yuji à s'asseoir dessus.
Yuji se laissa faire sans discuter, et le regarda s'asseoir à ses côtés sans essayer de parler. Ryômen se tourna vers lui pour lui parler, il ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit. Il n'avait aucune idée de quoi dire. Yuji n'allait pas comprendre, c'était évident. Il ne comprenait jamais, il refusait d'admettre la réalité. Il n'allait jamais comprendre qu'il était le préféré, qu'il passait toujours avant les autres. Il n'allait jamais comprendre pourquoi Ryômen ne parvenait pas à croire aussi facilement aux sentiments de Megumi. Comment lui expliquer ? Comment faire pour lui ouvrir les yeux sans le blesser ? Comment le forcer à accepter la réalité sans le brusquer ? Ryômen ne savait pas du tout comment s'y prendre...
Son cœur battait trop vite dans sa poitrine, sa gorge se nouait à la simple idée de parler, et les mots s'emmêlaient sur sa langue. Il détestait ressentir de l'angoisse, surtout par rapport à cela, il ne savait jamais comment la gérer. Et s'il se mettait à angoisser, Yuji aussi allait se sentir mal, et Ryômen ne pourrait pas s'occuper de lui... Il ne savait plus quoi faire. Si seulement Choso était là pour l'aider... Lui réussissait toujours à trouver les bons mots et à les rassurer, quoiqu'il arrive...
— Yuji je suis désolé de t'avoir crié dessus, souffla-t-il après un moment d'hésitation.
— C'est pas grave, je t'en veux pas...
— Je vais te dire quelque chose, mais j'ai besoin que tu m'écoutes sans me contredire, et que tu acceptes ce que je vais dire. J'ai besoin que tu n'essayes pas de changer ça, parce que ça sera la réalité. Ok ? dit doucement Ryômen.
— Tu me fais peur, dit Yuji, la voix tremblante.
— Non, il faut pas que t'aies peur, c'est pas grave... C'est juste que... Yuji, je suis pas comme toi. Tout le monde ne m'aime pas comme toi.
— Non, c'est pas vrai, tout le monde t'aime Ryô...
— Yuji s'il te plaît, me contredis pas, insista Ryômen. T'es mon jumeau et je sais que tu m'aimes, tu vois les meilleures parties de moi et t'es toujours là pour moi, mais... C'est pas le cas de tout le monde. Sur presque toutes les personnes que j'ai rencontrées, elles ont toutes fini par te préférer. Parce que tu es le plus gentil, tu es le plus normal, le plus sociable et ça a toujours été comme ça.
— C'est pas vrai, tout le monde t'aime, c'est vrai, dit Yuji en secouant la tête. Je suis pas le préféré, je suis moins bien que toi.
— On est aussi bien l'un que l'autre, je veux pas t'entendre te dénigrer. Mais c'est pas comme ça que les autres nous voient... Et même si tu y crois pas, c'est mon ressenti, tu peux rien y faire.
— Mais...
— Nos camarades à l'école étaient comme ça, nos professeurs, nos voisins, et même notre famille. Je dis pas que personne m'aime, je dis seulement qu'on m'aime... Moins. T'es toujours premier sur ce coup-là, et moi je suis toujours passé après toi.
— Mais Ryô...
— Je sais que c'est difficile à entendre pour toi, et je sais que t'as besoin qu'on soit aimé équitablement, mais... C'est pas possible, et c'est pas ça la réalité. Et j'ai besoin que tu t'en rendes compte, parce que t'es mon jumeau, et j'ai besoin que tu comprennes ce que je vis. Et je t'en veux pas, c'est pas de ta faute ok ? C'est juste comme ça, on peut rien y faire. C'est pour ça que je veux pas avoir d'amis, et c'est pour ça que j'aime pas partager mes amis avec toi. J'ai besoin d'avoir au moins une personne qui m'aime moi.
— M-Mais moi je t'aime, dit Yuji, les yeux plein de larmes.
— Mais oui, je sais que tu m'aimes et je t'aime aussi, t'es mon jumeau Yuji, dit aussitôt Ryômen en essuyant ses larmes. C'est juste pas le cas de tout le monde et c'est comme ça, on peut rien y faire. Yuji, tu le sais très bien au fond de toi... Toi et moi on est pas à égalité sur ce point-là. C'était déjà comme ça avec papi et mamie...
— Pourquoi tu me l'as pas dit plutôt ? C'est horrible...
— Je voulais pas te voir pleurer, je savais que tu le supporterais pas. Mais Yuji, c'est pas grave, aujourd'hui ça va. Je t'assure.
— M-Mais je suis là pour toi, tu peux me le dire, j-j'aurais pu faire quelque chose !
— Il y a rien à faire, tu peux pas forcer les gens à m'aimer.
— M-Mais j'aurais pu te soutenir, t'aider e-et... Je sais pas... C-C'est pour ça que tu voulais partir ?
— En quelque sorte. J'avais besoin de mettre tout ça derrière moi, murmura Ryômen. Arrête de pleurer Yuji, c'est pas si triste.
— C'est horrible Ryô, t-t'es incroyable et p-personne ne le voit, dit Yuji à travers ses larmes. Je suis désolé... Je voulais pas le voir... Je suis d-désolé... Par m-ma faute tu te sens pas aimé e-et si ça se trouve je t-t'ai même empêché d'être avec Megumi...
— Pas du tout, t'y es pour rien. C'est pas de ta faute.
— S-Si, je t'ai laissé tomber, je t'ai pas écouté...
— Yuji, c'est pas de ta faute, et je t'en ai jamais voulu. T'es la première personne ici à m'avoir fait me sentir aimé et ça me suffit, assura Ryômen, en continuant d'essuyer ses larmes. Yuji, je veux pas te voir pleurer, surtout pas pour ça. Tu y es pour rien, encore moins avec Megumi ! C'est juste que j'ai besoin d'entendre qu'il m'aime, c'est peut-être con mais j'en ai besoin, même si je lui fais confiance, et même si je sais comment il fonctionne. Je veux juste qu'il me dise qu'il m'aime et qu'il me veut dans sa vie, mais c'est moi, c'est mon besoin et c'est lié à mes problèmes, à mes blessures. C'est pas de ta faute, ça le sera jamais, ok ?
— Je suis quand même désolé Ryô, je suis pas un bon frère, dit Yuji d'une voix étranglée.
— C'est vrai. T'es un horrible petit jumeau qui me pourrit la vie et me fait pleurer tous les jours.
— Arrête... Je suis vraiment désolé... J'aurais dû être là pour toi...
— Tu l'as été, et ça m'a suffi. Yuji, si j'avais besoin de partir, c'est parce que Megumi m'a fait réaliser que grandir en étant celui dont on ne veut pas m'a blessé. Mais c'est mon problème, c'est à moi de régler ça et d'avancer. C'est mes blessures et tu pouvais rien faire pour les empêcher d'apparaître. T'y peux rien Yuji, vraiment. J'ai juste besoin que tu acceptes que tout le monde nous considère pas de la même manière.
— Ok..., dit Yuji, alors que Ryômen lui tendait un mouchoir pour se moucher.
— Et j'ai aussi besoin que t'arrêtes de pleurer pour tout et rien, Choso est déjà comme ça, je peux pas gérer deux pleurnicheurs moi, ajouta Ryômen avec un sourire.
— T'es con, dit Yuji en riant à travers ses larmes.
— Je suis sérieux, je suis pas psy moi, je suis pas là pour vous écouter pleurer.
— Un homme n'a pas peur de pleurer... Ryô... Tu sais moi je t'aime vraiment, et Choso aussi, dit Yuji en le prenant dans ses bras.
— Je sais Yuji, répondit Ryômen en le serrant contre lui.
— Megumi t'aime aussi, et Yuko aussi. Et je suis sûr que tout le monde t'aime sur le groupe, même Yuki.
— Ça me rassure, je sais pas ce que je ferais si Yuki m'aimait pas...
— On t'aime tous. Même Toge qui n'aime que Mario, même Mai qui a abandonné le groupe, même Nobara qui n'aime pas les hommes.
— Je les aime pas spécialement, mais merci. Ça me fait plaisir, répondit Ryômen avec un petit sourire.
— Et s'ils t'aiment pas je les tue.
— Ok, ça me va. Maintenant arrête de me coller on va croire qu'on est en couple. Ça craint de faire des câlins à un garçon en plus, dit Ryômen en repoussant finalement Yuji.
— Ah oui, c'est pas ton truc de faire ça, répliqua Yuji en essuyant ses joues humides. Allez viens, on va rater notre train à cause de tes bêtises.
— Oui. Ça serait dommage qu'on le rate et que je puisse pas voir mon miel personnel... Et ça serait dommage que tu puisses pas voir ta coccinelle.
— T'as raison... Si t'as un problème, tu peux m'en parler tu sais ? dit Yuji, avec une pointe de tristesse dans la voix.
— Je sais. Je le ferai la prochaine fois, c'est promis.
— T'as intérêt, répondit Yuji en passant son bras autour du sien.

Insta Jujutsu KaisenWhere stories live. Discover now