44 - Panser ses plaies

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— Sargasse ? Sargasse, tu me reçois ?

Ça faisait plusieurs minutes que le capitaine Dubrov essayait de joindre son subordonné, sans succès, et un mauvais pressentiment grandissait au creux de sa poitrine. Il rajusta son oreillette avant de faire une nouvelle tentative, aussi infructueuse que les précédentes.

— Horton, Nevak, vous recevez quelque chose, vous ? interrogea-t-il en espérant être le seul à souffrir d'une défaillance matérielle.

Les deux soldats échangèrent un regard impuissant. Que signifiait ce silence radio ?

Dubrov ne parvenait pas à trouver une explication logique au mutisme de leur pilote. L'ennemi qu'ils pourchassaient était pourtant censé être enfermé avec eux, là, dans la salle des machines. Bien sûr, il y avait toujours la possibilité que la petite baratineuse lui ait raconté des cracs sur la localisation de leur cible ; mais, où que se trouve le second albinos, il n'avait de toute façon aucun moyen d'accéder à la cabine de pilotage. Cette pièce stratégique – ainsi que toutes celles qu'ils avaient déjà fouillées de fond en comble – restait en permanence verrouillée de façon totalement hermétique pour prévenir toute mauvaise surprise.

Dubrov essaya de se rassurer, Sargasse s'était peut-être tout simplement endormi à son poste. A moins qu'il ait cédé à l'appel des raviolis qui lui avaient tant fait envie plus tôt et qu'il ait abandonné son fauteuil le temps d'aller s'en balancer une plâtrée derrière la cravate. Cette indiscipline mériterait une punition sévère... que le capitaine reverrait probablement à la baisse, eu égard au soulagement qu'il ressentirait en apprenant la raison stupide, mais bénigne, qui avait suscité ce bref moment d'inquiétude.

En attendant que les secrets de cette bêtise regrettable leur soient révélées, les militaires restaient coincés dans la salle des machines, pris à leur propre piège. Dans l'immédiat, ils ne pouvaient rien faire de plus utile que poursuivre leur mission. Il y avait une chance non négligeable qu'ils soient enfermés avec un albinos prêt à les attaquer pour défendre sa peau blafarde et il aurait été stupide de baisser la garde maintenant. L'incident Sargasse ne devait pas les distraire de l'essentiel.

Horton et Nevak renversèrent le contenu de leur cinquantième caisse de matériel sur le sol. Celle-là non plus ne renfermait aucun alien sournois. Dubrov veillait en couvrant du regard l'immense salle, dont il ne voyait pourtant pas l'entièreté depuis sa position. D'un hochement de tête, il autorisa ses hommes à passer à la caisse suivante. Le nombre déraisonnable de clous qui fermaient le couvercle allait encore leur faire perdre un temps considérable.


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Un petit retour sur le Waterloo s'était révélé nécessaire. L'infirmerie du Stockholm se trouvait près des quartiers du personnel, au cœur du vaisseau, et n'était pas accessible dans l'immédiat. Ellie avait laissé l'apprenti inconscient sous la surveillance de Seth, après lui avoir attaché les mains avec des liens de serrage trouvés dans le sac à dos de Sargasse, ça faisait un problème de moins. Etant donné la petite surface du patrouilleur, la jeune femme trouva sans difficulté le matériel de soin dont elle avait besoin et elle s'empressa de revenir dans la cabine de pilotage où le géant masqué n'avait pas bougé davantage que l'assoupi sous sa garde.

Seth eut un mouvement de recul en voyant des mains humaines s'approcher de ses plaies, mais celles-ci n'étaient pas gantées comme dans les cauchemars qui le hantaient et il se fit violence pour accepter leur contact. Ellie releva le bas du t-shirt pour révéler une entaille profonde, bien que pas si impressionnante rapportée à la quantité d'autres ecchymoses et meurtrissures, à divers stades de cicatrisation, qui couvraient son corps émacié. Elle entrouvrit les lèvres pour faire un commentaire, puis se ravisa. Il n'y avait aucune chance qu'il ait envie de lui parler de ce qu'il avait subi... pas à elle, sa geôlière, une humaine par-dessus le marché. En silence, avec des gestes presque professionnels, elle désinfecta la plaie récente et la couvrit d'un pansement, aussi dérisoire soit-il étant donné l'étendue des dégâts sur cette chair en souffrance depuis trop d'années.

StockholmWhere stories live. Discover now