46 - Dans les intestins du Stockholm (2/2)

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Quand Dubrov arriva sur le seuil de la grande pièce en désordre, il lutta pour ne pas offrir le spectacle de son visage décomposé en découvrant les cadavres gisants de ses hommes. Le monstre était encore penché sur le corps de Nevak, de l'hémoglobine plein le menton, comme un loup interrompu au milieu de son festin. La férocité du regard qu'il portait sur le militaire perçait les lunettes tactiques qui le masquaient ; tout dans sa posture et ce qu'il dégageait inspirait la sauvagerie.

Comme mu par un ressort, l'alien bondit en avant pour franchir la quinzaine de mètres qui le séparait de sa nouvelle cible. Dubrov recula d'un pas et poussa Ellie devant lui, en bouclier, pressant en un éclair la lame de son couteau contre la gorge tendre de son otage. Seth s'arrêta à trois mètres d'eux, aussi net que si on l'avait débranché. Cette réaction tira un sourire en coin au capitaine.

— On s'est pris d'affection pour la petite humaine on dirait, railla-t-il en exerçant encore davantage de pression sur la lame.

Un mince filet de sang teinta l'alliage d'acier. Seth ne bougeait plus, incapable de déterminer quelle était la meilleure façon pour lui de s'en tirer. Techniquement, il n'avait plus besoin d'Ellie pour reprendre le contrôle du Stockholm ; mais elle avait été sa prisonnière, et lui son prisonnier ; il y avait un lien insaisissable entre eux qu'il ne pouvait laisser aux mains de Dubrov. Si l'humaine devait mourir, ce serait de ses griffes et de nul autre.

— Je te comprends, elle est sûrement plus appétissante que les femelles blafardes et décharnées de ton espèce, poursuivit Dubrov en léchant la joue de son otage par pure provocation.

— Va-t'en, j'en fais mon affaire, ordonna Ellie au géant hésitant.

Ces paroles déclenchèrent le rire gras du militaire. L'idée que cette peste pense encore pouvoir le manipuler était hilarante.

— Rêve pas, poupée, après ce que toi et ta saleté d'albinos avez fait à mes hommes, y'a aucune chance que je te laisse la vie sauve, souffla-t-il à l'oreille de sa proie.

Ellie déglutit et sentit la brûlure du couteau se faire plus mordante.

— Enlève ces saloperies de lunettes, commanda Dubrov à son adversaire immobile.

Seth croisa le regard – plus apeuré qu'elle ne cherchait à laisser paraître – de sa... geôlière ? captive ? Elle avait l'air aussi effrayée que ses camarades capturés par l'ADICT cinq ans plus tôt, lorsqu'il les croisait dans les couloirs du laboratoire où ils venaient de subir les pires tortures. Elle l'avait aidé à survivre et à échapper à ses poursuivants pendant huit mois à bord du Stockholm. Elle était humaine, il aurait dû la détester pour ça, mais il n'y arrivait pas.

Avec des gestes lents et mesurés, Seth retira ses lunettes en signe de reddition. Sous l'impulsion d'un nouvel ordre concis, il les posa à terre et les envoya glisser dans la direction de Dubrov.

— Voilà qui équilibre un peu les choses, apprécia le gradé en étudiant le visage aux yeux fermés de son ennemi.

— C'est vous le monstre, ragea Ellie. Vous voyez pas qu'il souffre comme ça ?

— Tu me débectes à te soucier de cet albinos à ce point. C'est quoi ton délire ? La zoophilie ? Parce que c'est tout ce qu'il est : un animal.

Seth répondit à l'insulte par un grognement rauque plein de défiance.

— Et toi, reprit Dubrov avec un rictus méprisant que son adversaire ne pouvait pas voir. T'es vraiment stupide si tu crois que tu peux faire confiance à cette fraudeuse. Qu'est-ce qu'elle t'a promis en échange de ton aide ? La liberté ?

StockholmWhere stories live. Discover now