II/The beginning

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J'ouvre un œil, puis deux. Mes cils sont collés par les larmes séchées, je reste dans mon lit, immobile, réfléchissant aux horreurs que j'aurais à subir pendant ma journée. Mes pieds sont sur le carrelage froid, mes jambes supportent le poids lourd de mon corps : mes blessures. J'avance vers la seule fenêtre de ma chambre, ouvre les volets. Un grand soleil est présent, ne changeant rien aux éclairs et tornades de mon enfer. Je me dirige vers la salle de bain, forme un récipient d'eau avec mes mains sous le robinet, amenant l'eau à mon visage. Devant ma penderie, il reste mon dilemme quotidien : une chaleur étouffante est présente à Liverpool, l'été est là ; mes cicatrices aussi. Je dois cacher tout cela. J'opte pour un t-shirt à manche longues assez ample pour ne pas me sentir à l'étroit et laisser mes plaies cicatriser. Il est noir, le plus simple possible. J'ajoute un jean slim et des baskets noires à ma tenue ; je ne veux pas me faire remarquer. Un coup de brosse sur mes longs cheveux blonds, l'étape « maquillage » est bannie pour moi. Je prends mon sac de cours et sors de ma demeure. Mon arrêt de bus n'est qu'à une cinquantaine de mètres de chez moi. Quelques adolescents attendent tout comme moi, j'entends leurs messes basses à mon égard :

« Regarde, c'est elle... » « Le fantôme est là. »

Ce n'est qu'habitude pour moi, je ne veux pas répondre. Le bus vient d'arriver, je suis l'une des premières à monter, je prends un siège vers le fond, contre la vitre. Le trajet se passe comme tous les autres, sans sourire, regardant le paysage défiler.

Mon lycée ? Il en fait rêver plus d'un, sauf moi. Une des plus grandes écoles britanniques, il est réputé comme étant le « meilleur », le plus « stylé » comme disent les jeunes de mon âge. Je ne comprends pas ceux qui pensent cela... Pourquoi ? Ils ne pensent qu'a l'apparence, à la « popularité ». Personne ne se doute de ma situation. Tout le monde le sait, mon père est le chef d'une grande entreprise, pourtant cela ne l'empêche pas d'être un monstre. Pour autrui, ma vie semble « Parfaite » : Mes parents sont aisés, je suis dans le lycée le plus réputé. Ce ne sont que mes apparences, au fond de moi, ma seule quête est le bonheur.

Devant les portes du grand bâtiment, chaque jour, j'ai envie de partir, de m'enfuir, le plus loin ; tout au bout du monde, qu'on ne me retrouve plus jamais. Il me manque encore le courage. J'avance, un pied devant l'autre. Je n'ai aucun amis, je ne trouve pas ma place dans la société. Il y a ces gens qui ne se soucient pas de moi qui ne m'accordent aucune importance. Ceux qui essayent de venir vers moi, sans doute pour m'aider... Je refuse, je ne veux pas qu'on sache. Je suis bien trop pudique pour ça. Et ceux qui me font le plus mal, qui se moque de moi, m'insulte. Ce groupe de soi-disant « populaire ». Je les déteste.

Je suis dans les couloirs, avance vers mon casier. Les « populaires » m'empêchent d'y accéder. Il me faut mes affaires :

-Pardon... Dis-je doucement

Ils ne m'entendent pas... Je suis invisible à leurs yeux.

-Pardon, je répète en haussant le ton.

-Quoi ?! Qu'est-ce que tu veux ?! Me répond un garçon brun aux yeux bleus : Andrew.

-Je... Vous pouvez vous décaler ? Vous êtes devant mon casier...

-Et alors, la pauvre petite ne peut pas prendre ses affaires ? Dommage, rajoute Brooke, une magnifique blonde aux yeux verts ; elle a un corps parfait, mais son apparence ne s'accorde pas avec son esprit, elle est d'une méchanceté remarquable.

-Allez, c'est bon décalez vous les gars... On s'en fout, accepte Liam, un garçon brun aux yeux verts, je me méfie encore plus de lui.

Le groupe se décale, me laissant l'accès à mon casier. Je prends mes affaires du matin, maths et art : je n'ai pas un emploi du temps chargé, cela me va très bien. Mon cours de mathématiques se passe le plus banalement possible, le professeur s'énerve contre les mêmes élèves ; ceux qui bavardent, qui ne font pas leurs exercices. Je ne fais que noter le cours sans écouter.

Art, sujet principal : dessiner le plus beau paysage. De mon bureau je vois les œuvres de mes camarades ; des soleils couchant, des monuments célèbres, des paysages montagneux. Ma feuille n'est qu'une forêt noire, sombre et lugubre. Je ne trouve pas cela beau, mais représentatif de ma vie. L'art me permet d'exprimer ce que je ressens, sous une multitude de formes ; dessin, sculpture, peinture, collage... Le professeur accroche nos œuvres sur le tableau pour que l'on discute de ces dernières. La mienne est en haut à droite, il y a un immense contraste par rapport aux autres. Les élèves sont intrigués pas mon dessin, ils le montrent du doigt ; pour le moment il reste anonyme, personne ne sait qu'il a été fait par mes mains. Tout le monde a l'air de l'aimer, un léger sourire de satisfaction s'esquisse sur mon visage pâle.

-Qui a fait cela ? Demande Monsieur Sanchez, le professeur pointant du doigt mon œuvre.

Un grand silence s'installe ; je décide de lever la main.

-Moi, je réponds discrètement

Mes camarades se retournent vers moi, ils me dévisagent tous, un par un. Je suis mal à l'aise.

-Pourquoi, ce contexte ? Ces couleurs si sombres ? Lance Monsieur Sanchez.

Il veut que je lui explique mon œuvre ? Pourquoi c'est une forêt sombre, la nuit, un piano au milieu seul, un espace désert ? Il veut que je lui dise que le piano, c'est moi ? Que ma vie n'est qu'un désert noir ? Non je ne peux pas dire la vérité.

-Je... Je ne sais pas, je ne voulais pas faire comme tout le monde.

-Bah, c'est sûr c'est tellement moche, critique Courtney, une grande brune aux yeux verts.

Mon regard se baisse, mes joues s'enflamment. Mon angoisse prend le dessus comme à son habitude, les insultes s'enchaînent, je ne me défends pas.

Save meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant