Feu de joie, sans joie

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Je suis agenouillée sur le radeau de bois, une place d'où je peux si bien admirer la bêtise des hommes. Massés au bord de la petite étendue d'eau, il acclament, scandent des horreurs qui ne m'atteignent même plus, qui ne veulent plus rien dire.
Trois flèches enflammées, lancées depuis des sapins bordant le lac se fichent dans le bois du radeau et une fend les flots en un pathétique clapotis.

"Loupé"

Très vite, tout le petit bois entassé sur les bords du radeau prend feu et de grandes flammes s'élèvent, dansantes, aussi fragiles que dangereuses. La légère chemise de lin qui recouvre ma poitrine s'enflamme et des petites flambées naissent sur mon pantalon de grosse toile. Mes vêtements ne sont plus que des cendres et le feu commence à s'attaquer au gros bois du radeau, il consume et détruit si vite que le bois calciné ne tarde pas à craquer sinistrement.

"3, 2, 2 et demi, 1, 0"

Sous mon poids, le radeau carbonisé se casse en deux et je tombe nue dans l'eau froide du lac. Ma peau claire tranchant avec les eaux noires, je nage en pleurs vers la rive. Je m'extrais des flots en rampant, mon ventre souillé par la vase et la cendre. J'entends les hourra des villageois sur la rive opposée, il ont allumés des feus de joie et la nuit tombante, je ne peux que les voirs, recroquevillée contre une des nombreuses roches noires de la plage. Mes longs cheveux roux me font comme une cape à l'exeption qu'il sont aussi trempés que possible. Une larme monte. Elle file le long de ma joue et s'écrase sur un galet de la plage. Une seconde suit et bientôt je pleure autant qu'il est possible de le faire, mon nez coule et de gros sanglots me secouent.
En accord avec mon humeur, le ciel se met à pleuvoir, au loin les feux se meurent. Je reste prostrée là pleurant comme une madeleine, pendant de longues minutes. Jusqu'à ce qu'un bruit d'arc se fasse entendre. Je me lève, un poignard courbe se matérialise dans ma main gauche, quelques flammèches dansent sur le bout de mes autres doigts. Je regarde le nouveau venu avec haine. L'empennage de sa flèche lui frôle la pommette, à la lueur de la lune, je ne peux qu'admirer sa magnifique silhouette de démon. Une grande envie de me blottir contre son torse, de me laisser aller contre lui me prends à la gorge, ma ma colère et trop grande.

- Anophiel...,ma voix est si froide qu'elle pourrais faire givrer le lac.
- Alice, sa voix se fais tendre et suppliante à la fois, je t'en prie...
- C'est trop tard Anophiel, j'ai brûlé, et tu n'es pas venu, il m'ont attaché sur ce radeau et il y ont mis le feu, tu n'étais pas là, tu n'a rien fais pour les en empêcher. Je ne suis qu'un tas de cendre, j'ai mal, j'ai si mal, TU ME FAIS MAL ANOPHIEL, c'est toi qui me fais du mal. C'EST TA FAUTE, TA FAUTE.

Je bondit sur lui et le renverse. Assise à califourchon sur son torse, mon poignard lui frôle la gorge, mes larmes coulent encore. Je tremble. Je laisse le couteau glisser de ma main, me fais aussi molle qu'une poupée de chiffon. Sans effort il inverse la situation, je me retrouve sous sa grande carcasse, frisonnante.

- J...J'ai...f...froid

"Je suis faible "

Il se redresse et ouvre les boutons de sa chemise révélant un ventre à se damner, retire le vêtement et me prends dans ses bras.

"Tellement faible"

Je suis tellement bien contre lui, j'y resterais un millénaire. Le démon finis par me décoller doucement de son torse et il m'enfile doucement la chemise.

- Alice, si tu savais comme j'ai eu peur, me dit-il de sa voix grave, il ne t'on rien fais d'autre ?

Je secoue doucement la tête de gauche à droite.

- Moi aussi j'ai eu peur, peur que tu m'aies abandonnée, que tu sois parti, pour toujours.

Il me chuchote doucement que c'est fini, il laisse ses lèvres glisser dans mon cou, m'embrasse délicatement la nuque, écarte mes cheveux et baisse ma chemise pour me caresser les épaules du bout des doigts. D'un coup, il se fige, je le sens se crisper contre moi.

- Alice, qu'est-ce qu'ils t'on fait, sa voix tremble de colère, qu'est-ce qu'ils ont osé te faire ?

Je sens ses doigts effleurer une bosselure sur mon épaule droite, une bosselure qui n'était pas là avant.

- Anophiel, qu'est ce qu'il y a ?
- Ils ont osé te marquer au fer comme une bête.

"Comme une sorcière ou une putain"

Je souffle par le nez, et me colle contre lui, tout est fini, je suis fatiguée, je veux dormir, je suis fatiguée, si fatiguée...

Les Innombrables Where stories live. Discover now