Un quotidien anormal.

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Une légère brise me caresse le visage et j'étouffe un grognement suivi d'un " trop tôt... fatiguée ". J'entends le démon rire.
Quand j'ouvre finalement les yeux, le soleil est déjà haut dans le ciel et Anophiel n'est plus sur la berge, bien qu'il ait laissé son cheval et quelques affaires.

"Parfait, sitôt venu sitôt repartit. Je suis lasse de t'attendre Anophiel, si lasse."

Lorsque je rentre dans l'eau je réprime un frisson, elle est vraiment fraiche et j'ai trop puisé dans mes pouvoirs de chaleur entre le bûcher aquatique et la glaciale nuit dans les bras de mon démon pour ne pas le ressentir. Mes longs cheveux sont extrêmement emmêlés et leurs rendre une forme honorable me prends plus de temps que je ne l'aurai pensé. C'est donc la peau rougie et les lèvres bleues de froid que je ressort, gelée mais propre.

Une fois séchée, et réchauffée, je pars à la recherche de bois et de mousse ainsi que de plantes pour refaire mon inventaire ayant lui aussi brûlé sur le radeau. Lorsque les bras chargés de bois et d'herbes je rentre au campement, je découvre mon démon accroupi en train de dépecer un faisan, et deux humains d'une quinzaine d'années chacuns assis dos à dos, à quelques mètres de là.

- Alors la chasse à été bonne à ce que je vois, on vas se régaler à ce que je vois, dis-je un léger sourire aux lèvres.

Je peux sentir la terreur immonde qui étreint les deux garcons, qui augmente leur rythme cardiaque, qui les fait trembler de tout leurs membres.

J'étais comme eux avant.

Ça me donne envie de rire et de jouer un peu. Je rejoint Anophiel, pose mon chargement et en jetant un coup d'oeil exagéré au deux pauvres garcons je lance :

- Tu m'a ramené le dessert, comme c'est charmant.

Les deux garçons on l'air encore plus terrifiés et l'un d'eux se met à pleurer en suppliant.

- Je vous... en p... rie, n...ous faites pas d...e mal.
- Ça dépend de ce que vous appelez "faire du mal ",dis je avec un sourire sinistre.

À côté de moi, Anophiel se marre très franchement, il prend un pic et le passe en travers du corps désormais vidé du faisan et s'essuie les main. Puis il effleure mon front d'un baiser brûlant et accroche quelques longues plumes dans mes cheveux à l'aide de liens de cuir. Je le sens passer ses doigts dans mes cheveux et je ne peux m'empêcher de retenir mon souffle. Je ne m'en rends compte que lorsqu'il me murmure à l'oreille "respire" de sa voix douce et grave.

Exaspérée par ma faiblesse, je me lève brusquement et me dirige vers les deux prisonniers et une lame courbe apparaît dans ma main. Leur rythme cardiaque déjà rapide s'affole et leur respirations deviennent erratiques.
D'un coup sec, je tranche leurs liens tout en leur précisant :

- N'essayez même pas de vous enfuir, vous seriez morts avant d'atteindre le prochain village, et voyant leur mines déconfites j'ajoute d'une voix plus douce, on vous déposera dans la prochaine ville qu'on traversera. D'ici là, il vaut mieux que vous restiez avec nous.

Leur rythme cardiaque s'est calmé, parfait, je connais Anophiel et je sais qu'il peux se retenir mais mieux vaux ne pas tenter le diable.
Nous mangeons en silence, et une fois notre repas achevé, nous levons le camp. Anophiel prends la direction des opérations.
Sur son ordre, j'ôte son licol au cheval noir qui accompagne toujours mon démon et il s'ébroue avant de s'élancer dans la forêt, faisant s'envoler les oiseaux sur son passage, la lumière reculant en sa présence. Comme si il appelait l'ombre. Comme si tout ce qui était pur le craignait.
La traque pouvait commencer.

Les Innombrables Où les histoires vivent. Découvrez maintenant