À la mode sanglante.

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La douceur veloutée de la nuit s'enroule autour de moi, me sublimant dans mon horreur. Tel un chat maléfique, je me glisse et me faufile, parmis les ivrognes et leurs putains. Aucuns ne peuvent me voir, je suis trop rapide. Beaucoup trop rapide.

L'incident de cet après-midi ne les a pas alarmés le moins du monde, comme on pourrais s'en douter.

Rien n'empêcherait un parieur de parier.

La carcasse de Silf a été poussée dans un coin et son sang tache encore le plancher de la tribune. Même pour moi, l'odeur est répugnante. L'odeur ayant attiré des insectes, mouches et faible-bracs bourdonnent et s'aglutinent autour des chairs exposées du mauvais joueur.

Le perdant, lui, est toujours allongé sur son banc, ses blessures ont été bandées mais la sueur perle sur son front et ses gémissements trahissent un manque de savoir faire évident de l'imbécile l'ayant soigné. Trahissant surtout une agonie lente et douleureuse. Très douleureuse.

Pour ne pas dire horrible.

Du bout des doigts, j'effleure ses tempes et après une longue expiration, arrache toute cette douleur physique de son corps. Sous la pression et l'énergie, les veines de mes mains gonflent et pulsent au rytmhe de son coeur. La douleur concentrée infuse mon corps et me fait trembler. Mais pas un son ne franchis mes lèvres. Au bout d'une quinzaine de secondes, le flot se tari, je retire délicatement mes doigts et d'un geste de la main, fait flotter l'homme à dix centimètres du sol.

Ne pouvant prendre le risque de repasser devant les parieurs avinés, j'escalade la palissade de pierre et de bois et me laisse tomber de l'autre côté, amortissant ma chute en modifiant la densité de l'air. À toute vitesse, mon bagage humain passe par dessus le mur et se place aux niveau de mes mollets.

Je me mêle aux ombres du soir, un simple mirage entre-aperçu à la fenêtre une nuit de cauchemars. Ou d'orgie.

Seul un chien errant croise notre chemin, et un simple regard le fait partir la queue entre les jambes. Les rues sont désertes, un vent de mort plane sur la ville. Exact contraire de la veille au soir.

***

Encore envahie par la langueur douce du plaisir, je me blottis un peu plus contre le torse large de mon mari.

Depuis que je lui appartient, pas une fois il ne m'a prise, pas une fois il ne m'a fait saigner. Mais chaque nuit, c'est repue de toutes les faims que je tombe sous la coupe du marchant d'étoile. Dans des bras protecteurs, dur et doux à la fois.

Nous avons quitté la capitale le lendemain du mariage, la route étant longue et plus officieusement parce que mon cher époux ne pouvais plus supporter le vice du roi.

Malgré ma haine du roi, je ne peux dire que voyager en compagnie des hommes de Skirrt me rassure. Comme simple exemple : les chevaux nous accompagnant sont complètement en accord avec leur possesseurs, effrayants.

Car bien que je ne craigne plus autant Olger, tout ses hommes, eux me terrorisent, leurs manières brutales et leur facilité à la violence me font suinter le coeur de terreur.

Lorsque mon titan retire ses doigts, je gémit de mécontentement, un rire rauque sors de ses lèvres.

- Ma petite femme, tu es adorable.

Je me retourne, plaquant mon ventre contre le sien.

- Je suis heureuse de l'être.
- Quoi, demande-t-il avec un petit sourire, adorable ?
- Non, ta femme.

Aussitôt il se raidit et m'embrasse les cheveux avec tendresse.

- Tu me le rediras dans deux ans, petite épouse.

Les Innombrables Où les histoires vivent. Découvrez maintenant