Marc ne s'était jamais senti aussi heureux ; son grand-père était de retour, avec pleins de nouvelles histoires à raconter. Il avait d'ailleurs été surpris de le voir arriver en pleine nuit, il ne l'attendait que dans deux mois. Apparemment il avait terminé ses dossiers plus tôt que prévu et il avait eu droit à quelques semaines de repos, tant mieux ! Il allaient pouvoir profiter l'un de l'autre au maximum.
Dès qu'il l'avait entendu dans l'allée, Marc s'était dépêché de lui préparer un plateau repas qu'il emmena directement dans la bibliothèque. Il perçut du bruit dans la chambre de son grand-père, qui devait être en train de défaire ses valises. Il avait hâte qu'il le rejoigne dans leur repère ; dès qu'il franchirait le pas de la porte, il lui sauterait dessus et le prendrait dans ses bras. Mais Alban ne vint pas tout de suite. Marc les entendaient discuter dans la cuisine, par respect pour son grand-père il ne lut pas leurs pensées, de toute façon il saurait bientôt ce qu'il leur avait dit, Alban ne lui faisait jamais de cachotteries. Néanmoins les ondes cérébrales qui lui parvenaient n'étaient pas très joyeuses, elles étaient plutôt angoissées. Mais de nouveau il ne se fit pas de souci, sa mère s'angoissait toujours pour rien.
Au bout de deux heures d'attente interminables, son grand-père apparut dans l'encadrement de la porte. Comme d'habitude, Marc courut vers lui, et comme d'habitude, Alban le prit dans ses bras. Il sembla à Marc qu'il le serra plus fort et plus longtemps, mais il se sentait tellement bien qu'il mit ses doutes de côtés, préférant l'excuse de leur longue séparation enfin achevée. Son grand-père desserra enfin son étreinte et pris son petit-fils par les épaules et l'emmena vers la table où il avait laissé le diner."-Je suis désolé grand-père, ça a tout refroidi, le temps que tu parles avec Père et Mère. Tu veux que j'aille te le réchauffer ?
-Ahaha, répondit Alban de sa voix grave et suave, ne t'inquiète pas Marc, je vais bien me débrouiller tout seul. Et puis, je n'avais pas qu'à te faire attendre comme ça ! et il ébouriffa la tignasse de son petit-fils. Maintenant, laisse-moi te regarder, tu as énormément grandi ! Et regarde-moi ça, des beaux abdos et des beaux bras musclés... La dernière fois que je t'ai vu tu étais encore un garçon tout maigrichon, ahaha !!
-Eh ouais ! dit Marc fier de lui, je me suis mis au sport : je peux te dire que la combinaison rugby-badminton marche très bien.
-Bien bien, les filles doivent te courir après alors. Tu as trouvé la perle rare ?
-Grand-père ! On ne rigole pas avec ça, tu le sais très bien, et comment veux-tu que je trouve, je n'ai que onze ans !
-Il y a trop de choix, c'est ça, ahaha !!! Tu m'avais tellement manqué.
-Pfff, toi aussi grand-père, toi aussi...
-Bon, arrêtons là ces pleurnicheries, et voyons voir ce que je t'ai rapporté !
Il sortit de sa sacoche des parchemins et son ordinateur portable et commença le récit de ses dernières découvertes. Marc l'écoutait, les yeux grands ouverts ; il était suspendu aux lèvres de son grand-père. Les heures passèrent sans qu'ils ne s'en rendirent compte.
Il était neuf heures lorsque les cris retentirent. Ils provenaient du rez-de-chaussée. Alban réagit immédiatement : il bondit de sa chaise et commença à rassembler ses affaires éparpillées dans la bibliothèque tandis que les hurlements résonnaient dans la maison. Des voix graves s'élevaient du rez-de-chaussée. Marc était tétanisé, il n'arrivait pas à comprendre ce qu'elles disaient et aucun son télépathique ne lui parvenait. Il regarda son grand-père, il gardait son sang-froid et agissait avec méthode, tous ses mouvements s'enchainaient, tel un robot. Mais lorsqu'il aperçut son visage, toutes ses certitudes s'envolèrent ; il sentit des poils se dresser sur tout son corps devant la lueur de peur et de panique qui habitait les yeux de son grand-père.
Marc réagit enfin. Il se précipita vers Alban et l'aida à ramasser ses parchemins le plus vite possible. Il entendait les voix qui se rapprochaient. Voix qui le faisaient trembler. Il se tourna vers son grand-père et lui demanda du regard ce qu'il devait faire. Ce dernier le pris dans ses bras et lui murmura à l'oreille des paroles de courage. Marc sentait ses yeux s'humidifier mais un coup de feu stoppa net ses larmes. Alban le lâcha précipitamment et lui fourra dans les mains une clé USB :
-Garde-la en sécurité, le moment viendra, tu le sentiras. Je t'aime fort Marc, souviens-toi-en.
Et il sortit en courant, le jeune garçon l'entendait descendre les escaliers. Il serra la clé dans sa main et suivit son modèle. Il le retrouva dans sa chambre. Encadré de deux Agents. Il s'arrêta net. Il était pétrifié par les deux corps massifs vêtus de combinaisons grises, les cheveux rasés. Ils portaient sur le bras un "GA" tatoué en rouge sang. Marc avait entendu parler d'eux et de leur formation, comme tous les petits garçons, il avait toujours rêvé de faire partie de la garde très serrée des Agents, les justiciers du bien, la police du Gouvernement, et les protecteurs de leur secret. Mais en les voyant, ici, chez lui, avec cet air menaçant, l'admiration qui leur avait porté s'envola.
Il se sentit bousculé sur le côté et il se releva pour faire face au nouveau venu, il n'avait pas l'intention de se laisser faire. Un troisième Agent venait de rentrer dans la chambre, et celui-ci, d'après le cercle rouge tatoué sous le "GA", était le commandant de l'opération. Il était plus grand que les autres et sa combinaison grise sans manches laissait voir ses gros bras musclés. Marc n'en avait jamais vu des pareils. Mais ce qui le marqua le plus c'était son regard haineux couronné d'une pupille de couleur rouge. Tout son courage fondit alors, comme de la neige face aux flammes. Le "Commandant lui assena un coup et il s'effondra.
"-Ca t'apprendra à vouloir jouer les rebelles." lui dit-il et sa voix sonna comme de l'acier aux oreilles de Marc, froid et dur. Il trembla sous l'effet de la colère.
Il jeta un coup d'œil à son grand-père; il était assommé, ligoté, complétement hors d'état de réagir. Marc ne pouvait rien faire, ils étaient à la merci des trois Agents, qualifiés pour ce genre de situation, alors que lui n'était qu'un pauvre gamin de 11 ans avec un grand-père amorphe. Son incapacité de faire quelque chose pour les sauver le mit en rage et des larmes de frustration coulèrent sur ses joues. Les Agents, insensibles à son état emmenèrent Alban hors de la chambre. Ils laissèrent Marc, assit par terre, en train de pleurer.
Il resta ainsi quelques minutes, mais lorsqu'il entendit le vrombissement d'un moteur il se leva et malgré sa douleur à la tête il courut. Arrivé en bas, il vit un énorme feu. Les Agents avaient entassé toutes les affaires d'Alban et leur avaient mis le feu. Les flammes dansaient devant ses yeux, mais un mouvement dans la rue lui fit tourner la tête : ils emmenaient son grand-père. Alors il se remit à courir, le fourgon du commando était encore là, mais plus pour très longtemps ; les Agents étaient en train d'enfermer le vieil homme dans le coffre. Marc eut juste le temps de voir les yeux verts de son grand-père grands ouverts. Il était réveillé, conscient de son enfermement, et semblait accepter son sort avec calme. Son petit-fils s'arrêta, c'est ce que lui demandait son regard vert. Il vit les portes se refermer sur Alban, sur ses cheveux blancs et sur son sourire confiant. Il entendit le moteur rugir et sentit sur sa peau le vent causé par le départ du fourgon. Il ferma les yeux parce qu'il ne voulait pas le voir partir. Il voulait que tout ça reste dans sa tête et que ça devienne un horrible cauchemar.
Au bout de quelques minutes il finit par rouvrir ses paupières. La rue était déserte. Le temps d'un instant il crut qu'il avait vraiment rêvé, mais un crépitement derrière lui le ramena à la réalité. Le feu. Il l'avait oublié. Il s'avança doucement vers lui et contempla les flammes. Elles étaient belles. Elles dansaient devant lui, elles étaient très élégantes avec leurs mouvements gracieux. Il voyait dans ces camaïeux de rouge et d'orange le destin de son grand-père. La route jusqu'au Gouvernement, il n'aurait même pas droit à un jugement digne de ce nom, c'était une évidence. Il le voyait enfermé dans une cellule, avec une ration alimentaire insuffisante. Il comprit qu'il ne le reverrait plus jamais. Il sentit un gouffre énorme s'ouvrir en lui. Il avait envie d'hurler. Les flammes dansaient toujours devant lui dans un crépitement silencieux. Leurs couleurs étaient vraiment belles. La chaleur était douce. Il se sentait attiré par une force invisible. Il s'avança d'un pas, puis d'un autre. L'envie de rejoindre ce brasier protecteur se renforçait. Il se dépêcha, leva sa main. Des flammèches lui léchèrent les doigts. La douleur physique était réconfortante. Mais soudain les paroles de son grand-père lui revinrent de plein fouet, arrosant son désespoir de détermination. Il retira sa main et partit en courant.
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UnLovers
RandomCela fait quatre ans qu'Emma est amoureuse de Marc et ce dernier ne semble pas partager ses sentiments. Mais est-ce parce qu'il ne veut pas ou parce qu'il ne peut pas ? Echec après échec, Emma se rend compte que quelque chose cloche chez lui et se m...