Emma se leva. En ce moment elle se réveillait toujours avant que son réveil ne sonne. Elle se levait, heureuse, un sourire aux lèvres, même aujourd'hui alors qu'on était lundi. Pour elle, ce lundi représentait la délivrance : le moment où elle pouvait enfin voir Marc !
Comme prévu ils avaient gardé leur relation secrète et personne ne semblait être au courant, et pour éviter d'éveiller tout soupçon ils avaient décidé de ne pas se voir le week-end. Ils étaient donc ensemble que pendant les cours et quand ils arrivaient à s'échapper de leurs amis. Ils pouvaient quand même s'envoyer des messages mais ils évitaient les appels qu'ils ne trouvaient pas très discrets. Ils passaient leur temps à se cacher. Pas tout à fait ce qu'Emma avait souhaité comme relation, mais elle aimait se dire que c'était mieux que rien. Autre chose qu'Emma n'aurait jamais pensé c'était que son petit ami possède des dons de télépathes et fasse partie d'une famille de "détraqués sentimentaux", même si elle n'avait jamais utilisé ce terme devant lui. Elle espérait juste qu'il ne lui avait pas traversé l'esprit une fois en sa compagnie. Elle faisait généralement attention à ce qu'elle pensait, presque plus que ce qu'elle disait. Non pas qu'elle lui cachait des choses, seulement elle savait qu'il y avait des choses qui le blessaient. Comme être différent. De sa propre famille et d'elle. Car même au sein des siens il était particulier, et d'après ce qu'elle avait compris, personne à part elle ne le savait. Elle avait peur un jour de se retrouver face à ses parents, qu'ils lisent dans ses pensées et qu'ils se rendent compte qu'elle était au courant de leur secret et de choses qu'eux ignoraient. Elle avait perçu, dans la façon dont Marc lui avait tout avoué, puis dans l'air paniqué avec lequel il lui avait ensuite demandé de tout garder pour elle et sa volonté de vivre une relation secrète, qu'il commettait quelque chose qu'il ne devait pas, et qu'il avait peur d'être découvert.
Néanmoins, malgré tous ces secrets Emma était heureuse, heureuse comme elle ne l'avais jamais été. Elle avait arrêté de faire des remarques à son père sur les erreurs qu'il avait commises avec elle. C'est pas qu'elle lui pardonnait, non, elle ne pourrait jamais lui pardonner de l'avoir détestée pendant toute son enfance, et même s'il ne l'avait jamais dit à voix haute, elle savait très bien qu'il avait souhaité sa mort plus d'une fois. C'est juste que maintenant elle le comprenait. Son père aimait sa mère plus que tout, c'était sa seule source de joie après le décès de ses parents, elle était son rayon de soleil, la personne qui l'avait détourné de son chagrin, qui l'avait forcé à aller de l'avant tout en respectant son deuil. Grâce à elle il avait échappé à la dépression de près, il avait réappris à vivre et avait redécouvert l'amour sous une autre forme. Elle avait représenté le début de tout au moment où il croyait que tout était fini pour lui. Il l'avait épousé dès qu'il l'avait pu et essayé de la rendre aussi heureuse qu'il le pouvait, aussi heureuse que lui. Il avait réalisé tous ses souhaits, le beau mariage, le chalet dans la montagne, il s'était même mis à jardiner, et à apprécier ça, lui qui avait toujours détesté, pour planter des géraniums partout, fleurs préférées de sa femme. Il était prêt à tout, et quand elle lui demanda un enfant il accepta avec joie. Ce bébé scellerait leur amour à jamais, il serait la preuve qu'on pouvait tous surmonter ses moments de faiblesse, de peine et être heureux. Mais ce fut moins simple que ce qu'il pensait. Pendant deux années ils tentèrent en vain d'avoir ce bébé. Ils se rendirent chez le médecin qui après une série de tests les informa de la stérilité de Virginie. Elle fut effondrée. Il n'y a rien de pire que de se rendre compte qu'on est incapable de donner la vie. On se sent soudainement inutile, et c'est ce qu'elle ressentit, en plus de la haine, d'un sentiment d'injustice et de désespoir. Elle avait l'impression de ne servir à rien et commença à perdre goût à la vie. Elle s'éloigna de Tobias, qui complètement perdu ne su pas comment réagir. Il comprit néanmoins que son couple se jouait maintenant et que c'était le moment de payer sa dette envers sa femme en faisant pour elle ce qu'elle avait fait pour lui. Il passa tout son temps avec elle, la consola quand elle avait besoin d'être rassurée, se taisait quand elle avait besoin de calme, l'enlaçait quand elle avait besoin de réconfort. Il s'adaptait à toutes les demandes, obéissait à chaque désir, sauf un : il ne la laissait jamais seule, même quand elle le souhaitait. Il avait trop peur de ce qu'elle pourrait faire sans lui. Alors malgré toutes les larmes qu'elle fit couler, et toutes les demandes de l'abandonner, il tint bon, et c'est cela qui les sauva. Sa volonté, la même qu'elle avait déployé des années auparavant pour l'aider. Petit à petit, tout comme lui, elle reprit espoir. Ils se rendirent chez le médecin pour s'informer des techniques pour avoir un enfant, et peu importe laquelle ils ont choisit, personne ne le savait, Virginie tomba enceinte. Les neufs moi qui succédèrent permirent au couple de retrouver leur amour, et comme tous les couples attendant un enfant, ils étaient heureux. Jusqu'au jour de l'accouchement. Le travail avait été long et difficile. Trop même. Il vint à bout de la jeune femme, qui lâcha son dernier souffle en donnant la vie. Ce fut l'incompréhension pour Tobias. Pourquoi ? Pourquoi le destin s'acharnait-il sur lui, sur sa famille ? Il ne demandait qu'à être heureux. Qu'y avait-il de mal à vouloir cela ? Il n'avait jamais volé, ni tué quelqu'un, il allait à l'Eglise, tous les dimanches, il priait, certes pas de manière assidue mais il priait ! Et voilà comment on le félicitait ! La mort. De ses parents dans un accident de voiture, de sa femme en accouchant d'un bébé qui avait failli briser leur couple. Le bébé... La haine, la jalousie, le dégoût. Tous ces sentiments le traversèrent lorsqu'il se retrouva seul avec un l'enfant. Emma comprenait le désespoir de son père. Elle ne sortait avec Marc que depuis quelque temps mais elle se sentait, de manière inexplicable, liée à lui. Alors qu'avait dû ressentir son père, lui qui avait réussi à s'en sortir grâce à sa femme. Comment aurait-elle réagi, elle, Emma, si soudainement on lui enlevait Marc et on le remplaçait par quelqu'un qu'elle ne connaissait pas en lui disant "Tiens, à toi de t'en occuper" ? Elle aurait réagi mal, très mal. Elle aurait remué ciel et terre pour le retrouver. Sauf que sa mère était morte, les chances de la retrouver étaient donc nulles. Malgré tout, son père n'aurait jamais dû la traiter comme ça. Emma représentait une alternative au décès de Virginie, un moyen de la faire revivre à travers elle, de faire honneur à son dernier vœu d'avoir un enfant. Elle était tout ce qu'ils avaient tant souhaité, et soudainement parce que sa femme n'était plus là il fallait tout abandonner. Elle devait être déçue.
Alors même si Emma ne lui pardonnait pas, elle comprenait.
YOU ARE READING
UnLovers
RandomCela fait quatre ans qu'Emma est amoureuse de Marc et ce dernier ne semble pas partager ses sentiments. Mais est-ce parce qu'il ne veut pas ou parce qu'il ne peut pas ? Echec après échec, Emma se rend compte que quelque chose cloche chez lui et se m...