Chapitre 1

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Sur plusieurs milliards d'entre nous, très rares sont ceux qui naissent dotés d'aptitudes hors-norme. Vous les croisez sûrement au travail ou bien à la boulangerie, pourtant, vous n'avez aucune idée de ce dont ils sont capables. Manipulation de l'esprit, télékinésie et bien d'autres choses peu communes.

Les académies des Suprêmes, vous ne connaissez pas ? C'est normal. Et à vrai dire, j'étais comme vous il y a de cela un mois. J'allais comme tous les adolescents de mon âge au lycée d'Elbeuf, une petite ville en Normandie, ignorant ce que mon cerveau et mon corps sont aptes à faire.

Je vous explique...

Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours eu une vie normale. Enfin, si l'on omet le fait que je n'ai pas eu le temps de connaître mes parents, décédés quelques mois après ma venue au monde. À la suite de cela, j'ai été confiée à l'être le plus doux et le plus gentil de la terre : ma mamie, Hélène. Tout comme ma mère et ma tante, elle possède le troisième grade. Ne vous inquiétez pas, vous allez comprendre...

Ma grand-mère m'a récemment expliqué que nos dons ont la possibilité d'évoluer durant ce qu'ils appellent « le processus d'initiation », qui débute d'ordinaire vers l'âge de douze ou treize ans. C'est à ce moment-là que nous sommes envoyés dans l'une des écoles suprêmes, pour apprendre à utiliser nos pouvoirs et ainsi acquérir le grade qui définira notre place dans la société. Six années d'effort, en moyenne, pour atteindre notre but. En général, c'est dans les gènes, donc tout comme les membres de ma famille, je devrais être un troisième grade. Mais c'était compter sans le fait qu'aucun suprême ne me croyait dotée d'aptitudes particulières avant le mois dernier. Mon père n'en était pas un, il est donc tout à fait possible que je sois comme lui. En réalité, ses gènes ont simplement ralenti l'évolution de mes facultés. Ou quelque chose comme ça.

— Mais pourquoi ne me l'as-tu jamais dit ? avais-je demandé à ma grand-mère, le jour de son annonce.

Ce jour est arrivé quand elle m'avait soi-disant retrouvée en pleine lévitation durant mon sommeil. Mais bien sûr !

— Anaïs, nous avons l'interdiction d'en parler aux autres... qu'ils soient de la famille ou pas.

Sa voix était douce, comme à l'accoutumée, mais cela ne m'avait pas empêchée de penser qu'elle perdait la boule. Évidemment, c'était avant de l'avoir vue de mes propres yeux faire voler le liquide de mon verre de soda dans les airs. Formant des dizaines de petites billes qui étaient montées vers le plafond du salon pour s'éclater au-dessus de ma tête, projetant des postillons à l'orange sur mon visage et mes bras. Abasourdie, je m'étais écroulée sur le siège le plus proche de moi.

— Putain, mamie ! Comment t'as fait ça ?

— Surveille ton langage, jeune fille !

Aussi gentille soit-elle, elle sait se faire entendre lorsque je manque à ses principes.

Elle avait pris son temps pour s'asseoir face à moi, balayant une mèche de cheveux qui s'était échappée de son chignon parfait. Ses yeux, d'un gris presque transparent, m'avaient scrutée un long moment avant de commencer.

— Venons-en aux faits... je vais d'abord te parler de ta mère, Marguerite.

Elle me raconta que quelques années avant ma naissance, ma mère avait voulu exercer dans un autre pays, l'Espagne. Après son départ, elle avait donné signe de vie seulement cinq ans plus tard, en pleine nuit, munie d'un couffin où je me trouvais. Effrayée, elle l'avait suppliée de me garder quelque temps.

— Tu ne m'avais jamais dit ça...

C'était le choc. Pour moi, mes parents étaient morts après avoir été heurtés par un camion.

Les Suprêmes, L'académie (Publié chez Hachette Romans)Where stories live. Discover now