Chapitre 5

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Déjà au bord de la crise de nerfs depuis hier soir, je suis à présent complètement dépitée en étudiant pour la énième fois l'emploi du temps que j'ai reçu ce matin. Je ne sais pas ce qu'englobe leur « apprentissage grade 1 », mais voir ces mots notés à cinq reprises sur la feuille que je tiens entre mes mains ne m'enchante pas vraiment. Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé l'école et apprendre de nouvelles choses, mes carnets de notes le prouvent, mais alors que les cours démarrent dans deux jours, je n'ai ni l'envie ni la force d'y participer. Je ne pense qu'à une seule et unique chose, m'enfuir d'ici au plus vite. De plus, les élèves sont louches. Je ne dis pas cela parce qu'ils me détestent. Ils sont vraiment étranges. Ma grand-mère a tort. Je ne fais pas partie de cette communauté. C'est impossible pour la simple et bonne raison que je ne possède pas de dons. Et je n'ai d'ailleurs aucune envie d'en avoir, je me porte très bien comme cela.

Une sensation désagréable s'installe au creux de ma poitrine alors que la nuit pointe le bout de son nez. Je suis cloîtrée dans ma chambre depuis la veille, isolée, sans personne à qui parler. Certes, je n'ai pas encore eu l'occasion de me trouver des amis, mais cette situation me fait tout de même mal, je n'ai pas l'habitude que l'on me rejette.

Heureusement, demain est un autre jour. Un dimanche, plus précisément. Les appels seront alors autorisés, je pourrai enfin contacter ma grand-mère pour qu'elle vienne me chercher. Cette réflexion suffit à me ressaisir. À vrai dire, j'ai déjà préparé mon discours et je compte bien la faire céder. Je la persuaderai de tous les moyens possibles. Hors de question de rester dans cette académie...

Lorsque mes paupières deviennent trop lourdes pour me tenir éveillée, je m'enfouis sous ma couette, ignorant les remontrances de mon estomac qui me maudit de ne pas être descendue manger de la journée.

Contrairement à mes trois derniers réveils, l'alarme qui me brise d'ordinaire les tympans ne me pose pas de problème alors que j'ouvre lentement les yeux. Je me souviens de l'effet horrible qu'elle m'avait procuré la première fois dans le rêve d'Hugo. Peut-être m'y suis-je habituée, ou peut-être que mon humeur est simplement meilleure. Sachant ce qui m'attend aujourd'hui, j'opte pour la seconde hypothèse. Non seulement je vais pouvoir parler à ma grand-mère, mais je me vois également retrouver ma petite et paisible Normandie dans les prochains jours.

Tout en souriant j'attrape quelques affaires et rejoins les douches. Constater que je suis la seule dans le couloir me réjouit d'autant plus. Une bonne journée s'annonce, je le sens, j'en suis certaine. Je ne m'éternise pas sous le jet d'eau chaude et, une fois propre, je me dirige vers la cafétéria, espérant que là aussi, je serai la première présente. En poussant les portes battantes, je suis déçue de constater qu'une dizaine de lève-tôt sont déjà attablées, mais je ne leur jette pas un seul coup d'œil, bien décidée à ne pas me départir de ma joie.

Croissant, pain au chocolat, céréales, yaourt... après avoir fait la grève de la faim hier, je pourrais avaler un bœuf. Assise à une table du seul coin vide, je dévore mon petit déjeuner sans me soucier des messes basses. Pas besoin d'être devin pour en connaître le sujet. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde tient tant à séparer les grades pour manger. C'est idiot. Hugo n'est pas là, les places sont vides, j'estime ne gêner personne en m'installant ici.

Comme s'il venait d'être alerté de ma présence dans son coin, Hugo entre dans le réfectoire et pose son regard dans ma direction. Instantanément, je baisse la tête sur mon plateau pour ne pas avoir affaire à lui. Je le déteste. Thomas avait raison, ce type est imbu de lui-même. Il est hautain et se prend vraiment pour la star de l'académie. Il n'a pas cherché à me comprendre lorsque j'ai été agressée, en revanche, il m'a dévisagée comme si j'étais une menteuse. Imbécile !

Les Suprêmes, L'académie (Publié chez Hachette Romans)Where stories live. Discover now