Chapitre 3

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J'ouvre les yeux. Quelques minutes me sont nécessaires pour me souvenir de l'endroit où je me trouve. Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi ni quelle heure il est, mais il fait dorénavant nuit, et la brochure de l'école est toujours posée sur mon ventre. J'y ai lu l'histoire des académies avant de sombrer. Celles-ci furent créées dans les années cinquante, après une grande et longue bataille, comme me l'avait déjà expliqué ma grand-mère. Le conseil s'est alors formé, comptant une bonne trentaine de puissants suprêmes du monde entier, tous des serviteurs de la paix. Leur siège demeure toujours caché à ce jour, néanmoins, on peut savoir que le latin et l'italien sont les deux langues officielles de la communauté. Et c'est à l'unanimité qu'ils ont décidé de bâtir plusieurs écoles spéciales, dans le but d'inculquer la pratique des dons, mais surtout de les utiliser à bon escient.

Dans toute cette paperasse, j'ai aussi pu trouver le règlement intérieur. Il comporte différentes règles, plus barbantes les unes que les autres, mais également des informations essentielles. Par exemple, nous devons porter nos uniformes chaque jour sauf le dimanche, réservé au repos et aux appels des proches. Les cours sont tenus de 8 à 15 heures, les matinées sont destinées aux dons et les après-midis aux fondamentaux, comme l'histoire, le français ou bien les mathématiques, que j'aurais préféré ne plus avoir à étudier de ma vie.

Alors que je me remémore toujours ces nouvelles règles qu'il va me falloir apprendre, un bruit sourd, provenant de dehors, me fait brusquement sursauter. Je me lève de mon lit et me rapproche doucement de ma fenêtre, donnant vue sur l'immense pelouse qui surplombe l'avant du domaine privé. J'écarte les voiles blancs et plisse les yeux pour tenter de distinguer ce qui se trame dans la nuit noire, quand soudain, je discerne quelqu'un. Une silhouette masculine, traînant un énorme objet derrière lui. Mais la chose qui me fait le plus halluciner est cette petite lanterne qui éclaire son chemin. Il ne la tient pas, elle flotte au-dessus de sa tête, suivant chacun de ses pas. Ahurie, j'ouvre la fenêtre pour être sûre de ce que je vois, mais il disparaît trop vite, se dirigeant d'un pas vif vers le bâtiment où ont eu lieu les tests. Mon étonnement laisse place à la curiosité. Sans réfléchir, je me précipite vers mes bottes et les enfile hâtivement. J'ai besoin de vérifier que cette lampe volait bien toute seule.

D'après ma dernière lecture, il est interdit de sortir de l'établissement après le couvre-feu qui débute à 22 heures toute la semaine et minuit le samedi. Je ne m'en préoccupe pas. Dans le cas où je me ferais prendre, j'ai d'avance en tête l'excuse de la nouvelle élève désorientée.

Sans oublier mon pass, je me faufile en silence dans le grand couloir plongé dans le noir. Des interrupteurs lumineux sont disposés ici et là pour allumer l'étage, mais de peur d'être repérée, je ne les utilise pas et évolue à tâtons jusqu'à l'escalier. Sur la pointe des pieds, je descends ensuite les marches déjà plus éclairées, et traverse le hall. Je ne rencontre aucun problème jusqu'à ce que je tente de pousser la porte d'entrée qui ne bouge pas d'un millimètre. La main sur la poignée ronde, je me réprimande intérieurement. Comme si ça allait être aussi simple !

Clic...

Mes pensées sont interrompues par le cliquetis du verrou, comme s'il m'offrait soudainement l'accès. Je vérifie que personne ne se trouve autour de moi muni d'une clef télécommandée, mais non, je suis seule. Et lorsque je pousse la porte une seconde fois, elle s'ouvre comme par magie, laissant une bourrasque glacée me refroidir de la tête aux pieds. Tentée de la refermer et de remonter dans ma chambre, j'hésite un instant, apeurée par ce qui vient de se produire. Mais encore une fois, mon besoin d'en savoir plus m'intime de sortir. Ce que je fais.

Mes foulées sont rapides, je cours presque jusqu'à l'enceinte des examens située à plusieurs mètres de là. Ne sentant déjà plus mes doigts, je me maudis de ne pas avoir enfilé une veste. Je souffle dessus pour les réchauffer avant de m'introduire dans le bâtiment annexe. Lentement, je longe le passage et franchis le rideau de lanières transparentes qui me sépare de l'arène. À cette heure-ci, elle est vide, mais elle reste tout de même illuminée par les gros flambeaux électriques accrochés au-dessus des gradins. Je m'avance encore un peu et examine le lieu, à la recherche de celui que j'ai aperçu plus tôt.

Les Suprêmes, L'académie (Publié chez Hachette Romans)Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora