~ Partie I ~

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21 avril 2015

Dans le public, la tension est à son comble. Il y a dix minutes que le spectacle aurait dû démarrer. Les gens commencent à s'impatienter. Je peux entendre leurs paroles de mécontentement. Beaucoup ronchonnent, pestent, bougonnent, râlent et cela s'accentue au fur et à mesure que le temps passe. Pourtant, tout est en place pour que la soirée puisse débuter : l'assemblée est plongée dans la pénombre, le rideau est prêt à s'ouvrir, les régisseurs lumières attendent le signal. Seul un petit élément, mais qui fera toute la différence, n'est pas à sa place : le chef d'orchestre. Derrière le rideau rouge, assis sur des chaises, tous les membres de l'ensemble s'inquiètent. Certains se sont regroupés et cherchent à obtenir des informations sur la cause de l'absence du maestro, d'autres sont tout naturellement sortis fumer une dernière petite cigarette. Ceux qui restent préfèrent répéter une énième fois leur partition, jouant encore et encore la mélodie dans leur tête. Et moi, assise sur ma chaise, le dos appuyé contre le dossier, les jambes croisées et le regard dans le vide, je me laisse porter par cette ambiance désordonnée. Je suis sereine, confiante. Je sais que ma famille est derrière cet immense tissu carmin, et qu'elle patiente avec calme jusqu'à mon arrivée sur scène. Les yeux clos, j'ouvre grand mes oreilles et perçois le moindre craquement de parquet. Le brouhaha du public est de loin le plus agaçant mais je me concentre sur des sons plus discrets : le grincement de la porte qui mène aux loges, les pas stressés de mes camarades musiciens, le léger courant d'air qui parvient jusque dans la salle et même les battements d'ailes d'un insecte intrépide. Je fais abstraction de tout ce qui m'entoure et laisse de côté tous ces échos qui forment une cacophonie dans mon esprit. Je suis à la recherche d'une musique bien plus douce et apaisante.

Ça y est, je le perçois, ce son reposant qui s'empare de moi et me projette dans un autre univers. Mon être entier est attiré par cette chanson et j'entre dans une dimension qui n'appartient qu'à moi, transportée par une berceuse infiniment délicate et harmonieuse. Cette mélodie, je la connais, c'est elle qui m'a fait découvrir le monde dans lequel je vis aujourd'hui. Lentement, je remonte le temps, les années, l'esprit enveloppé de nostalgie...

Chanson d'une vieМесто, где живут истории. Откройте их для себя