~ Partie V ~

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Les années qui suivirent...

Je ne saurais dire si ces premières années sans ma mère avaient été pour moi une période facile. Mon amie Carole ne m'avait pas laissée tomber et je lui en serais éternellement reconnaissante. Si elle n'avait pas été à mes côtés, Dieu sait que je ne serais pas là où j'en suis aujourd'hui.

Ce ne fut malheureusement pas le même trajet pour mon père. À la mort de son épouse, il s'effondra complètement. Il n'allait plus au travail, ne mangeait que lorsqu'on l'y obligeait et passait ses journées à contempler l'instrument de sa femme, des larmes aux coins des yeux. Ce quotidien devint notre mode de vie à mon frère et à moi pendant les deux premières années qui suivirent le décès de notre mère. Nous avions alors seize et quatorze ans et ce fut une période difficile pour des jeunes de notre âge. Nous étions devenus autonomes plus rapidement, ce qui n'était finalement pas plus mal. Nous avions eu de la chance d'avoir pris de bonnes habitudes de travail dès le début, sans quoi, nous aurions ruiné notre avenir. Honnêtement, je ne sais quelle manière Florian a pu employer pour ne pas sombrer dans le désespoir. Moi, je savais que je tenais le coup grâce à la musique et à mon rêve: celui de jouer un jour dans un grand orchestre. Peut-être que mon grand frère me cachait des choses, que lui aussi savait ce qui le maintenait debout, mais je n'ai jamais eu le droit de le savoir.

Parfois, je me disais que si mon père avait su apprécier la musique autant que ma mère, il ne se serait pas ainsi affalé chaque jour dans son fauteuil, la tête dans les mains, prenant chaque mois une année de plus. De temps en temps, je parvenais à oublier tous mes soucis pendant quelques minutes, surtout lorsque je me laissais guider par la mélodie s'échappant de mon violon. Et dans ces courts instants, je me persuadais que la vie était remplie de mensonges.

Au bout de cinq ans, en 2003, je ne pouvais plus supporter le comportement irresponsable de mon père. À dix-sept ans, mon ambition ne s'était pas transformée d'un seul ton. J'étais à présent seule à la maison à m'occuper de mon père: Florian ayant quitté le cocon familial, sûrement pour une vie meilleure. Achevant une première Littéraire, je m'interrogeais de plus en plus souvent sur le fait de changer moi aussi ce quotidien ordinaire. J'avais pris contact avec mon oncle, en le priant de bien vouloir nous héberger chez lui mon père et moi. Il m'avait répondu, que depuis la naissance de sa fille, Rose, débarquer chez lui n'était peut-être pas une si bonne idée. Je le comprenais entièrement et il me donna alors les coordonnées de ma grand-mère, que je n'avais vu qu'une seule fois, brièvement, au mariage de mes parents. Je devais avoir sept ans. D'après mon oncle, elle s'était installée en pleine campagne, loin du brouhaha de l'urbanisation. Vue la situation dans laquelle nous nous trouvions, la rejoindre me parut la meilleure option. Changer de maison allait probablement améliorer la santé de mon père, et peut-être que je le reconnaîtrais enfin.

Chanson d'une vieWhere stories live. Discover now