~ Partie VI ~

41 4 0
                                    

décembre 2007

Ce neuf décembre au matin, le soleil nous tenait compagnie malgré le froid qui se faisait sentir. Déjà quatre années que nous n'habitions plus dans notre immeuble. La maison de grand-mère était vraiment immense et il ne me fallut pas plus d'une semaine pour tomber amoureuse de cette demeure. Je me plaisais chaque jour un peu plus dans cette vieille bâtisse en pierres noircies par les intempéries. Elle était de plain-pied, entourée de bosquets qui fleurissaient aux couleurs de l'arc-en-ciel en été. Nous n'entendions plus aucun bruit de voiture ou de klaxon. Le doux chant des oiseaux et le vent soufflant sur les hautes herbes étaient notre seule musique lorsque nous sortions sur la petite terrasse qui nous donnait une vue magnifique sur l'ensemble du petit village. Sur le haut de cette colline, la maison semblait encore plus mystérieuse. Je fus également heureuse de me rendre compte que ma grand-mère réussissait à redonner le sourire à mon père. Il recommençait doucement à sortir et à bricoler devant le cabanon ou bien à descendre au village discuter avec les commerçants. La joie et la bonne humeur refirent finalement surface dans notre famille. Je passais beaucoup de temps à parler avec ma grand-mère, cela m'aidait à terminer mon deuil. Elle me parlait de sa fille comme on peut parler d'un joyau inestimable. Elle me présenta quelques photos où je pus me reconnaître, toute petite, tenant la main de ma mère. D'autres où ce fut mon frère, en train de plonger la tête la première dans la piscine. Je découvris alors que ma mère pensait souvent à sa mère, et qu'elle ne manquait aucune occasion de lui prouver que sa famille grandissait dans le plus beau des bonheurs.

Puis le lendemain, fut le jour où nous dûmes nous rendre près de ma mère. Grand-mère n'avait pas pu nous accompagner, ses jambes ne pouvant plus la porter. Comment s'était-elle débrouillée jusqu'à notre arrivée dans cette grande maison toute seule? Une question que je n'osais pas prononcer devant elle. Cependant, elle m'attribua la mission de déposer sur la tombe de sa fille, un bouquet de jasmin, fraîchement acheté chez le fleuriste. Encore une fois, je remarquais que je n'avais jamais connu les noms des fleurs que ma mère préférait. Combien de choses ignorais-je encore sur la femme en qui j'avais le plus confiance?

La journée se passa dans le plus grand silence. Florian, que je n'avais pas revu depuis maintenant quatre ans, nous avait rejoint au cimetière. Il avait un peu changé : les cheveux encore plus courts, une taille d'adulte et l'air plus mature. Sans notre aide, il avait l'air de s'être bien débrouillé. Il nous apprit qu'il avait déniché un boulot dans l'informatique et que ça lui plaisait bien. Il avait un appartement pas trop éloigné de son travail, ce qui l'arrangeait. Malgré cette longue séparation, très peu d'échanges se firent entre nous. Je prenais tout de même la peine de lui demander son numéro de portable, au cas où.

En sortant du cimetière, nous allâmes boire une boisson chaude près du parking où nous étions garés. Je profitais de ce moment de détente pour aller chercher mon violon laissé dans le coffre de la voiture. Je me mis à jouer un air rien que pour mon père et mon frère, et réussis à faire apparaître un léger sourire sur leurs lèvres. Ces petits moments de bien-être se faisaient de plus en plus rares pour nous.

Chanson d'une vieWhere stories live. Discover now