Chapitre 23

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Les jours passent au rythme du soleil. Apparemment, nous devrions arriver au camp d'ici un ou deux jours, parce qu'Abiya a découvert des signes montrant que des hommes sont passés par là, comme des vieux pièges cassés, ou des arbres coupés. La nuit, j'observe le ciel étoilé et la lune qui éclaire la forêt et la prairie avec ses rayons argentés. Tequoa m'a montré qu'il existait des constellations, et qu'elles pouvaient servir à trouver son chemin et à se diriger. Parfois, je suis triste en me disant que ni ma mère adoptive ni Zéra ne voient ce spectacle magnifique avec moi.

Ce soir, je regarde les milliers de points lumineux au-dessus de ma tête. Je sens mes yeux me piquer en ressentant presque de la jalousie pour Abiya et Tequoa. Eux, ils ont des parents, une famille qui les attend à l'endroit où on se rend. Moi, je n'ai sans doute personne là-bas. Mes vrais géniteurs ne m'ont laissé aucune trace, ils sont comme évaporés dans la nature. Et ma famille adoptive... je ne suis pas sûre de la revoir un jour. Je me sens seule. Et perdue. Une étoile sans constellation.

Une larme finit par glisser sur ma joue, et je m'empresse de l'essuyer du revers de ma manche.

– Mily ?

Je me maudis de m'être faite remarquer et essaye tant bien que mal d'afficher un sourire. En vain. C'est une scène plutôt ridicule à voir.

– Tu pleures ?

Je ne regarde pas Abiya. Je n'ai pas envie qu'elle me voie comme ça, dans cet état.

– Ce n'est rien, je suis juste fatiguée. Je vais dormir et ça ira mieux demain.

Je m'apprête à aller m'allonger autour du feu pour couper court à la discussion, mais la voix de la jeune fille m'arrête dans mon action.

– Mily...

Je sursaute sous son ton agacé et me retourne vers elle.

– Ma mère me dit toujours que quand on a besoin d'être aidé, il faut le dire.

Je détourne le regard vers le sol, honteuse. D'un côté, j'en ai assez de toujours m'inquiéter, de rester dans mon coin. De l'autre, je n'ai absolument pas envie de confier mes inquiétudes à quelqu'un, alors j'essaie plutôt de me justifier.

– Je n'aime pas parler de moi. Ça me donne l'impression d'être égoïste, de ne penser qu'à ma petite personne.

La brune me regarde d'un air étonné. Puis son regard s'adoucit.

– Je peux comprendre ta façon de penser. Tu as une sœur et j'ai aussi un frère. Parfois il y a des choses qu'on doit garder pour soi pour ne pas les blesser.

Je crois un instant avoir réussi à détourner son attention, mais elle revient à la charge immédiatement.

– Mais ma mère m'a toujours dit que les secrets étaient mauvais pour la santé ! Alors si tu veux, tu peux me parler. Je ne suis pas une enfant et je ne répéterai pas ce que tu me diras, alors vas-y. M'affirme-t-elle avec assurance.

Après avoir pesé le pour et le contre, je me décide à lui expliquer en gros ce qu'il se passe.

– Je pensais... à ma famille adoptive de l'intérieur. Je me disais que ma sœur ne verra jamais les étoiles ou le ciel autrement qu'à travers la coupole qui floute tout. Elle ne sentira jamais le vent sur sa peau, ni l'eau de pluie la tremper. Elle n'apprendra jamais le nom des constellations ni à se diriger grâce à elles. A la place, elle devra travailler aux champs toute sa vie pour qu'au final sa récolte soit volée par les effacés. En plus, elle ne recevra plus le dû auquel elle avait droit quand j'étais effacée, et je n'ai aucun moyen de savoir si cet imbécile qui m'a servi de père adoptif les aidera de nouveau.

Nucléaires 1 : EffacéeWhere stories live. Discover now